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Bayer traîne encore le boulet Monsanto

Logo de l'entreprise Bayer

Logo de l'entreprise Bayer - Patrik STOLLARZ, John THYS / AFP

L’entreprise allemande, embourbée dans des procès liés au glyphosate, vaut autant que ce qu’elle a dépensé pour Monsanto. Ses objectifs annuels seront difficiles à tenir.

C’était l’opération du siècle pour Bayer. En juin 2018, l’entreprise allemande s’offrait, pour la somme de 63 milliards de dollars, le géant des pesticides, l’américain Monsanto. Voilà un an et demi que l’industrie de la chimie attendait ce mariage gargantuesque qui fait de Bayer le leader mondial des semences, engrais et pesticides.

L’enjeu pour l’entreprise allemande était surtout d’effacer le nom Monsanto des tablettes, devenu la cible des activistes en tout genre. Pour l’américain, c’est une nouvelle virginité et pour Bayer une diversification du portefeuille majeure.

Les milliards s'évaporent

Mais un an après, le mariage a du mal à prendre. Pire, la lune de miel tourne à la bérézina. Le cours de Bayer a chuté de 38% en un an et l’entreprise est désormais valorisée à peu près au même niveau que le prix d’achat de Monsanto. Ce mardi, l’entreprise a dévoilé ses résultats pour le deuxième trimestre 2019 : son bénéfice a été divisé par 2 sur un an, à 404 millions d'euros. De quoi rendre les objectifs annuels « de plus en plus ambitieux ». Et de moins en moins atteignables.

Si les mauvaises conditions climatiques ont joué, Bayer est surtout empêtré dans des procès à répétition. En mai, une décision de la justice américaine avait octroyé la somme record de 2 milliards de dollars à un couple de plaignants. Ces derniers, touchés par un cancer, mettaient en cause le Roundup, produit phare de Monsanto. Fin mars, un autre plaignant a fait condamner l’entreprise pour les mêmes raisons : 80,3 millions de dollars. Auparavant, un américain obtenait 289 millions de dollars…

De quoi rendre les actionnaires de Bayer furieux. Fin avril, l’assemblée des actionnaires envoyait une sérieuse gifle à la direction de l’entreprise en rejetant à une courte majorité (55,5%) « les actions du directoire ». On est très loin du plébiscite de l’an dernier : 97% d’approbation. Entre temps, Bayer a été contraint de dégraisser en annonçant la suppression de 12 000 emplois d’ici 2021.

Stratégie de sortie de crise

Mais, depuis un peu plus d’un mois, Bayer a commencé à relever la tête. D’abord parce que les amendes américaines ont été largement réduites, à commencer par celle de de 2 milliards transformée en 87 millions de dollars. Une réduction assez classique aux Etats-Unis où les premières décisions servent souvent à marquer le coup. Bayer, qui cherche la relaxe totale, va encore faire appel. En France, l’entreprise va aussi saisir la cassation dans une affaire similaire.

Bayer s’est aussi décidé à une stratégie de sortie de crise. Mi-juin, le chimiste annonce un investissement de 5 milliards d’euros pour développer de nouveaux herbicides afin de réduire son impact environnemental de 30% d'ici 2030. « Nous avons écouté. Nous avons appris » a même écrit Bayer sur son site internet.

18.400 procédures aux Etats-Unis

L’initiative est celle Werner Baumann, 56 ans, PDG du groupe Bayer, très fragilisé par la situation. Grand artisan du rachat, il continue de croire au bien-fondé de sa stratégie et à l’importance du glyphosate dans le portefeuille de l’entreprise. Du côté de la Bourse, les choses vont un peu mieux, notamment grâce au fonds Elliott, qui a annoncé, il y a un mois, qu’il disposait d'une participation valorisée 1,1 milliard d'euros dans le groupe allemand. L’action a bondi de 8%.

Bayer en profite aussi pour se délester de certaines marques. La semaine dernière, Bayer a annoncé la cession de « Dr. Scholl's » (soin des pieds) pour 585 millions de dollars au fonds d'investissement américain Yellow Wood Partners. En mai, c’était la marque de crèmes solaires Coppertone qui était vendue, pour près de 500 millions d'euros.

Mais la route est encore longue pour Bayer. Le groupe doit désormais affronter 18.400 procédures aux Etats-Unis contre le glyphosate. A l’ouverture de la bourse de Francfort, ce mardi, l’action a plongé de 3%.

Thomas LEROY