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Bayer va-t-il ouvrir en grand les portes de l'Europe à Monsanto?

Avec Bayer, Monsanto devient une entreprise européenne.

Avec Bayer, Monsanto devient une entreprise européenne. - Patrik Stollarz - AFP

En Europe, le rachat de l'américain Monsanto par l'allemand Bayer inquiète les associations écologistes. Elles craignent que le nouveau mastodonte européen "inonde le territoire d'OGM".

Bayer va racheter Monsanto pour 55 milliards d'euros. Un "mariage infernal" pour les écologistes, entre un industriel allemand aux pesticides qu'ils accusent de tuer les abeilles et le controversé producteur d'OGM. "La plus grande peur, c'est que Bayer cherche à acheter Monsanto pour inonder le marché européen d'OGM", explique Anne Isakowitsch, une militante berlinoise du groupe de pression Sum of Us.

De fait, le poids social de Monsanto en Europe va décupler. Si les autorités de la concurrence acceptent le rachat, l'américain qui comptait jusque-là 3.700 employés européens sera désormais la filiale d'un mastodonte employant au total 56.000 citoyens de l'Union. Avec des arguments économiques auprès de la Commission et des pays membres qui s'alourdissent d'autant.

Une opinion publique hostile aux OGM

Un poids qui pourrait rendre la position des politiciens européens plus favorable aux OGM et autres produits controversés de l'agrochimie? "Les pouvoirs publics allemands défendent généralement bec et ongles leur industrie", souligne Christian Berdot, chargé de la campagne agriculture de l'association Les Amis de la terre. Mais il faudrait se mettre à dos des Allemands qui considéraient encore à 76% en avril dernier que l'interdiction des OGM était importante (étude du ministère de l'environnement).

Reste à admettre que les politiques européennes sont actuellement hostiles à Monsanto. Sur les deux seuls OGM autorisés à la culture dans l'UE, l'un est son maïs, le MON 810. Et sur la polémique autour du Roundup, son pesticide, il a obtenu gain de cause. Le principal composant actif du Roundup, le glyphosate, a été reconnu par l'OMS comme "cancérogène probable". La Commission européenne, elle, se base sur une étude de l'Agence européenne de sécurité des aliments, qui a conclu à un risque "improbable". Bruxelles a ainsi décidé début juillet de prolonger l'autorisation de la commercialisation des produits en contenant pour 18 mois.

"Monsanto obtient déjà beaucoup en Europe"

La prolongation devait porter au départ sur 15 ans. Devant la réticence de certains États membres, dont la France, et l'impossibilité de parvenir à un accord, la Commission a tranché et accordé cette autorisation pour une durée réduite. Mais les associations et des élus écologistes craignent qu'à l'issue des 18 mois, le lobbying du mastodonte Bayer-Monsanto fasse pencher la balance vers une nouvelle prolongation.

C'est aussi "ce qui fait peur" à Karima Delli, eurodéputée EELV. "Monsanto est déjà présent en Europe et obtient beaucoup des instances européennes", estime-t-elle. Au sein de l'Union, l'eurodéputée constate une "peur d'affronter ces lobbys et un certain cynisme des États-membres".

Trois mastodontes qui dominent le marché

Et au-delà des seules frontières de l'Europe, c'est la concentration dans le secteur qui l'inquiète. Un mouvement entamé en 2015. En quelques mois, le chinois ChemChina a avalé Syngenta, les deux américains DuPont et Dow Chemical ont lancé leur rapprochement, les canadiens Potash et Agrium ont entrepris de fusionner pour créer le numéro un mondial des engrais.

"Ces monstres de l'agrochimie sont en train de tous se mettre deux par deux, et à terme, il ne devrait rester que trois mastodontes qui dominent le marché", craint Karima Delli. Bayer et Monsanto, à eux deux, auront déjà la main sur 25% du marché des pesticides et 30% des semences. Des colosses dont Christian Berdot prévoit que "le pouvoir et l'influence s'intensifient, des deux côtés de l'Atlantique".

Nina Godart
https://twitter.com/ninagodart Nina Godart Journaliste BFM Éco