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Alstom: ce que Hollande et Valls peuvent faire pour sauver Belfort

Alstom est désormais un dossier au coeur du débat politique

Alstom est désormais un dossier au coeur du débat politique - Sébastien Bozon - AFP

La direction du groupe a réaffirmé son intention de fermer le site de Belfort alors que l'exécutif maintient au contraire que l'avenir de l'usine franc-comtoise sera pérennisé. Si le gouvernement a son mot à dire dans ce dossier, ses marges de manœuvre restent limitées.

La bataille des mots fait rage entre Alstom et l'exécutif. Ce mardi 13 septembre, le PDG du groupe, Henri Poupart-Lafarge a réaffirmé sa volonté de fermer partiellement son site historique de Belfort, en envoyant un courrier d'explication à ses cadres. François Hollande lui a indirectement répondu en affirmant que "tout serait fait pour que le site de Belfort soit pérennisé". Manuel Valls lui a emboîté le pas en assurant qu'"il est hors de question que le site de Belfort ferme". Le gouvernement s'est ainsi fixé un horizon de 10 jours pour trouver une issue à ce dossier. 

Le bras de fer entre Alstom et l'exécutif continue donc de plus belle. À quelques mois de l'élection présidentielle, le gouvernement veut éviter "un Florange bis" et n'a que peu goûté de ne pas avoir été informé de la décision du groupe. Le secrétaire d'État à l'Industrie Christophe Sirugue a ainsi évoqué une "faute" de la part d'Alstom en ce sens.

Pourtant, dans sa lettre, le PDG d'Alstom explique à ses salariés "avoir alerté les pouvoirs publics depuis plusieurs mois" sur la situation du groupe alors qu'"aucune locomotive n'a été commandée depuis plus de 10 ans à Alstom en France".

Un actionnaire minoritaire

Que le gouvernement réagisse tardivement ou pas, que peut-il faire pour maintenir le site de Belfort? L'État dispose actuellement de 20% des droits de vote via un mécanisme complexe, Bouygues lui prêtant actuellement les parts qu'il détient dans Alstom. Néanmoins, l'exécutif ne dispose que de 2 administrateurs sur 13, Pascal Faure et Olivier Bourges, ce qui ne lui permet pas de bloquer, seul, les décisions. Certes, l'État a toujours la possibilité d'acheter définitivement les actions du groupe, voire d'augmenter sa participation pour faire pression. Mais cette piste a été écartée hier par Christophe Sirugue. "Aujourd'hui, ce n'est pas l'objectif sur lequel nous sommes", a déclaré le secrétaire d'État sur RTL.

La commande publique comme solution?

De fait, l'autre levier dont disposent les pouvoirs publics reste de favroiser l'octroi de nouvelles commandes au groupe. François Hollande l'a d'ailleurs clairement dit lundi: "j'ai donné cette direction: nous devons nous mobiliser pour qu'il y ait plus de commandes qui soient apportées"".

Pour garantir le maintien du site de Belfort et également faire tourner les onze autres sites du groupe dans l'Hexagone, les commandes doivent néanmoins être passées au niveau local. Henri Poupart-Lafarge expliquait au Monde en mai dernier que si les sites français du groupe travaillent "à 40% pour l'international, le marché français demeure indispensable pour que nos sites fonctionnent à plein".

C'est là que le bât blesse. La SNCF ou le Stif pourraient théoriquement passer de nouvelles commandes. Mais les deux groupes publics devront lancer des appels d'offres qui respectent le droit à la concurrence, sur lequel la Commission européenne est très vigilante et guette tout favoritisme. Gilles Dansart, directeur de Mobilettre expliquait lundi sur BFM Business que dans ce type de procédures "il y a une commission d'appel d'offres compétente" et que "c'est à elle de décider l'attribution du marché ferroviaire". Si les membres de cette commission venaient à être "influencés", "ils pourraient avoir de graves ennuis voire se retrouver en prison", ajoutait-il. "Les entreprises publiques n'ont donc pas le droit d'influencer les membres de cette commission", concluait-il.

Et quand bien même, attribuer tous les marchés publics à Alstom ne serait pas nécessairement vertueux sur le plan social dans la mesure où ses principaux concurrents, le canadien Bombardier et l'allemand Siemens, ont également des sites de production en France. Le premier emploie 2.000 personnes dans l'Hexagone et le second 7.000.

Les difficultés de la SNCF

Dernier problème: la santé financière de la SNCF, avec une dette avoisinant les 50 milliards d'euros, ne lui permet pas de passer des commandes irraisonnées. "Si on demande à la SNCF d'anticiper des commandes de trains dont elle n'a pas un besoin urgent, il va falloir l'aider à financer cela. On ne peut pas demander à la SNCF de supporter les coûts du sauvetage du site de Belfort", a prévenu ce mardi sur RMC Louis Gallois, ancien patron de la compagnie publique.

D'autant qu'Alstom Belfort est spécialisé dans les motrices de TGV, or les lignes à grande vitesse ne sont plus les poules aux oeufs d'or qu'elles étaient par le passé. Bien au contraire. "La rentabilité des lignes diminue au fil de nouveaux projets de plus en plus coûteux. En outre, la concurrence d’autres modes de transport (autocar, covoiturage) se développe", soulignait la Cour des comptes, fin 2014. Selon l'organisme de recherche espagnol Fedea seules deux lignes dans le monde entier sont en fait rentables: Paris-Lyon et Tokyo-Osaka.

Tabler sur les contrats en cours

Dans ce contexte, plutôt que de jouer sur de nouveaux appels d'offres, le gouvernement tente de convaincre Alstom d'attendre le dénouement de plusieurs dossier en cours. "Il y a des grands contrats qui sont en procédure et il est tout à fait surprenant qu'Alstom n'ait pas attendu le résultat de ces procédures qui peuvent totalement changer la donne"; affirmait mardi sur BFMTV, le secrétaire d'État aux Transports, Alain Vidalies.

Douze locomotives TGV doivent être commandées par la SNCF sur la ligne Paris-Turin-Milan. Si les négociations entre la SNCF et Alstom ont achoppé sur ce dossier, l'État entend peser de tout son poids pour permettre un dénouement heureux. Selon Alain Vidalies, ce contrat garantirait "au moins 10 mois de travail" au site de Belfort.

Selon l'AFP, d'autres marchés doivent être attribués d'ici la fin de l'année. La RATP va notamment acheter douze locomotives pour effectuer des travaux sur son réseau, ce qui représenterait "au moins 3-4 mois" de charge pour Belfort. Alstom est aussi sur les rangs pour le mégacontrat (plus de 250 trains) du RER "nouvelle génération" en Île-de-France. Le gouvernement va par ailleurs commander trente nouvelles rames Intercités au constructeur, avant de lancer un appel d'offres pour une trentaine de trains supplémentaires, dont l'issue est espérée à la fin du premier semestre 2017.