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BNP Paribas: 5 choses à savoir sur l’amende de 10 milliards de dollars

BNP Paribas risque de payer 10 milliards de dollars aux Etats-Unis.

BNP Paribas risque de payer 10 milliards de dollars aux Etats-Unis. - -

BNP Paribas risque de payer une amende de 10 milliards de dollars aux Etats-Unis et de perdre sa licence sur le territoire. La banque est accusée de violation d'embargos. Explication de l'affaire et de ses conséquences.

"Too big to jail". Voilà une doctrine à laquelle veut mettre fin Eric Holder, ministre américain de la Justice. BNP Paribas est accusée de violation d'embargos américains. Et les Etats-Unis pourraient vouloir faire de la banque un exemple.

Retour sur une affaire qui pourrait coûter cher à la banque française.

> De quoi BNP Paribas est accusée?

Les Etats-Unis accusent la banque d'avoir violé l'embargo vers Cuba, l'Iran et le Soudan en y réalisant des opérations financières entre 2002 et 2009. Ces opérations étaient tolérées jusqu'en 2008. Mais après la crise financière, les Etats-Unis ont décidé de durcir le ton.

Même si le pays ne faisait pas partie de ces échanges, rien que le fait d'avoir réalisé les transactions en dollars l'implique. Une enquête interne de la BNP Paribas a recensé un "volume significatif d'opérations qui pourraient être considérées comme non autorisées au regard des lois et des règles des Etats-Unis".

Ces transactions sont conformes au droit français et européen. Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a souligné lors d'une conférence de presse la semaine dernière : "nous avons vérifié que toutes les transactions incriminées étaient conformes aux règles, lois, réglementations, aux niveaux européen et français. Il n'y avait aucune contravention à ces règles ni d'ailleurs aux règles édictées par les Nations-Unies"

Mais, "depuis le changement de doctrine des Etats-Unis, qui a eu lieu dans la seconde moitié des années 2000, toute opération faite en dollars doit être conforme à la réglementation américaine même si elle est menée par une structure qui n'est pas américaine", précise Christian Noyer.

> Que risque la banque?

D'après une information du Wall Street Journal de jeudi 29 mai, BNP Paribas pourrait devoir payer 10 milliards de dollars. Ce serait la plus grosse amende jamais infligée à une banque aux Etats-Unis. La banque tente de négocier pour ramender l'amende à 8 milliards de dollars.

Une amende de 10 milliards de dollars représenterait plus de 4 fois le bénéfice réalisé par la banque (1,7 milliard d'euros) au premier trimestre, pour un chiffre d'affaires de 9,91 milliards d'euros. Cela menacerait son activité de financement et d'investissement, mais également sa solvabilité, son cours de bourse ou encore sa capacité à redistribuer du dividende.

Mais les conséquences pourraient être bien plus graves qu'une "simple" amende. BNP Paribas risque de devoir plaider coupable, une première pour une grande banque depuis 25 ans avec Drexel Burnham Lambert. Non seulement cela créerait une jurisprudence et donc un risque pour toutes les autres banques, mais cela signifierait que BNP Paribas pourrait être poursuivie au pénal.

Pour Eric Holder, le ministre américain de la Justice, aucune banque "n'est au-dessus des lois". BNP Paribas pourra donc être reconnue criminelle et perdre sa licence aux Etats-Unis. Cette sanction lui interdirait de réaliser des transactions en dollars vers ou depuis les Etats-Unis. Cela pénaliserait fortement la banque qui prévoyait de réaliser 12% de son produit net bancaire en 2016 depuis cette région, contre 10% actuellement.

De plus, en plaidant coupable, des salariés de la banque risquent de finir derrière les barreaux. D'ailleurs, certains banquiers fautifs dans le négoce de matières premières se sont déjà fait licencier, selon Le Temps.

La banque voudrait donc que le plaider coupable ne concerne que les filiales américaines, Bank of the West et First Hawaïan Bank. Elles représentent 75 milliards de dollars de dépôts et 4 millions de clients.

> Pourquoi une telle sanction?

Dans le top 10 des entreprises condamnées récemment pour corruption aux Etats-Unis, 9 sont étrangères dont 3 françaises.

Si les Etats-Unis attaquent si violemment BNP Paribas ce n'est pas anodin. Plusieurs raisons peuvent expliquer cela. Tout d'abord, l'argent. Cette amende de 10 milliards de dollars va tomber directement dans les poches américaines. D'ailleurs, depuis 2008, le montant des amendes infligées aux banques aux Etats-Unis a atteint 100 milliards de dollars, selon une enquête du Financial Times.

Autre raison: la réputation d'Eric Holder. En 2012, lors des poursuites contre HSBC, le ministre de la Justice avait été taxé de laxiste. De peur qu'une trop grosse sanction contre la banque ne provoque un cataclysme dans le secteur financier, HSBC n'avait eu à payer qu'une amende de 1,2 milliard de dollars. Elle n'avait pas plaidé coupable et aucun salarié de la banque n'avait été poursuivi sur le plan personnel. Elle était pourtant accusée d'avoir financé les cartels de drogue au Mexique et d'avoir parmi ses clients des proches d'al-Qaida.

Cette fois-ci, Eric Holder veut prouver qu'aucune banque n'est trop importante pour ne pas finir en prison. Il veut en faire un exemple.

Et enfin, autre possibilité difficilement démontrable: faire profiter les banques américaines qui récupèrent ainsi les dossiers laissés en suspend par les banques européennes. Car, en effet, les entreprises américaines ne semblent pas soumises aux mêmes conditions d'embargo. Pour exemple, en février, une délégation de patrons français s'est rendue en Iran, organisée par le Medef. Elle anticipait une levée des sanctions américaines dans le pays après l'accord sur le nucléaire.

Total, Renault, Orange, Lafarge, … espéraient pouvoir se positionner avec l'aide de banques françaises comme BNP Paribas. Ces entreprises ont été blâmées par l'administration américaine. Pourtant, fin février General Electric et début avril Boeing ont été autorisées à vendre des pièces détachées en Iran.

> Le silence des politiques

Outre le patron de Goldman Sachs qui s'est inquiété "des conséquences si les banques plaident coupables", seul Christian Noyer a réagi à cette affaire. Le gouverneur de la Banque de France a déclaré : "nous sommes évidemment extrêmement attentifs aux risques qui émanent de ce qui pourrait être une évolution de la jurisprudence américaine mais je ne souhaite pas en dire plus".

Le ministre de l'Economie français, mais également les ministres européens – d'autres banques pourraient être accusées du même crime et bloquer le financement de l'économie – n'ont pas encore réagi.

Pourtant, les conséquences de l'affaire Enron continuent d'inquiéter. Poursuivie en justice, cette entreprise avait fini par faire faillite, entrainant celle d'Arthur Andersen qui auditait ses comptes.

> Que risquent les clients de BNP Paribas?

"BNP est confrontée à la possibilité d'une perte temporaire de sa capacité à traiter des paiements à New York", souligne dans une note Morningstar. "Les clients seraient obligés de trouver une autre entreprise pour traiter leurs paiements et certains pourraient ne jamais revenir".

Pour les clients français, si pour le moment, ils ne risquent rien, le spectre du Crédit Lyonnais n'est jamais loin. Dans les années 1990, la banque avait cumulé des perte de 130 milliards de francs (30 milliards d'euros).

Pour éviter que les clients deviennent victimes, depuis le 1er octobre 2010, les dépôts bancaires sont couverts, en cas de défaillance, à hauteur de 100.000 euros maximum. Un compte joint a une garantie de 200.000 euros.

|||sondage|||1921

Diane Lacaze