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Bourse : sale temps pour les poids lourds

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- - Eric PIERMONT/AFP

Les bourses européennes sont en pleine tourmente. Les experts régulièrement invités sur le plateau de BFMbusiness ont commenté cette situation.

Apres Sopra Steria, Atos, STMicroelectronics, Michelin ou encore Bouygues c'était au tour de Valeo de sombrer à la Bourse de Paris. L'équipementier automobile a chuté de 21,02% à la clôture, après un nouvel abaissement de ses perspectives de marges et de croissance.

Comme souvent dans ces cas-là, les opérateurs de marché mettent en avant le rôle des ordinateurs : « il y a des algorithmes qui sont calés entre l’écart des publications et l’attente du marché. Quand l’écart est important, l’automate déclenche des ventes », expliquait Franklin Pichart, Directeur General de Kipling Finance dans Intégrale Bourse sur BFMbusiness, mais les nouvelles perspectives des entreprises restent bien au cœur des arbitrages : « On fait des statistiques sur les résultats d’entreprises à 24 mois, et une entreprise qui fait un profit warning, elle est partie pour deux ans de sous-performance, donc les investisseurs ne se posent pas question, ils vendent », expliquait Alain Pitous, directeur général de Talence Gestion dans Inside Business.

Un marché exigeant

C’est dans ce contexte compliqué à appréhender, que les investisseurs ont pris leurs bénéfices tant qu’il en était encore temps. Entre janvier et septembre le CAC40 gagnait plus de 6%, aujourd’hui la tendance s’est totalement retournée puisque la Bourse de Paris a subi une baisse de 9,50% en un mois, du jamais vu depuis août 2011.

Et la saison des résultats trimestriels n’a pas limité les dégâts, les attentes des consensus sont de plus en plus exigeantes, et si les déceptions se paient cash, une publication trimestrielle fidèle aux attentes ou légèrement supérieure ne provoque que peu ou pas de mouvement sur un titre. Ainsi, Total, première capitalisation du CAC40, a publié un résultat net ajusté en croissance de 48%, tout en confirmant son intention de racheter 1,5 milliard d'euros d'actions en 2018 et pourtant, le titre a plongé de plus de 3% en séance.

En revanche, les investisseurs sont friands des publications exceptionnelles : des valeurs comme Altran (+15,36%), Schneider Electric (+7,48 %), ou encore Capgemni (+6,61%) et Peugeot (+6,69 %) ont été saluées en bourse grâce à des publications inattendues.

« La performance absolue est très difficile à trouver » résumait Sarah Thirion, vendeur actions chez LCM, dans Intégrale Placements. Cette performance absolue, on pouvait la retrouver dans les petites et moyennes capitalisations, mais pour la première fois depuis 7 ans, le CAC Small et Mid (-13.50%) sous performe la CAC 40 (-6.50%) depuis le début de l’année. Ainsi certaines petites valeurs ont perdu la moitié de leur capitalisation en quelques semaines sans raison structurelle : le bilan, la croissance, les marges et la visibilité sont toujours au rendez-vous. Mais ces valeurs sont peu ou pas liquides et elles n’arrivent pas à se remettre du retrait de certains fonds. Quand les performances sont bonnes, les gérants prennent leurs bénéfices et quand elles sont mauvaises, on assiste à des retraits massifs, « les gérants font un peu le nettoyage avant la fin de l’année, et ils n’aiment pas avoir des canards boiteux dans leurs portefeuilles. Ils doivent aussi faire face à des rachats (client qui récupère sa mise), donc quand il n’y a plus de cash dans les caisses, il faut vendre des lignes, et on assiste à des ventes forcées et les gérants n’hésitent pas à se couper un bras sur un titre dont on n’attend plus rien à court terme », commentait Franklin Pichart, Directeur General de Kipling Finance dans Intégrale Bourse.

« On préfère attendre un peu »

Depuis plusieurs mois, nous entendons les gérants adopter une gestion active, de stock picking, mais les différents secteurs boursiers affichent de moins en moins de visibilité. Les valeurs technologiques, du luxe, de l’automobile et de l'aéronautique n'attirent plus face aux nombreuses craintes que provoquent la guerre commerciale et le ralentissement de la croissance mondiale. Sans oublier le parcours de certaines valeurs ces derniers trimestres qui laisse présager que les plus belles performances sont déjà dans les cours. Les foncières et les entreprises fortement endettées sont boudées suite aux intentions de la FED de relever ses taux. Quant aux bancaires, le rebond se fait toujours attendre, leurs revenus continuent de souffrir des taux bas, et les tensions en Italie n’incitent pas à se renforcer ou acheter le secteur.

Certains gérants estiment que les baisses de ces derniers jours sont de bons moments pour se renforcer sur certains titres : « Le marché est en train de jouer la catastrophe pour 2019, certes l’économie sera plus compliquée, mais ça ne sera pas la récession, loin de là », rassure Sébastien Korchia, UBS La Maison de Gestion, dans C’est Votre Argent. Mais rares sont les gérants à prendre des risques actuellement, « clairement aujourd’hui on n’a pas envie d’acheter, on se dit qu’il y a des opportunités mais on préfère attendre un peu », résumait Alain Pitous, directeur général de Talence Gestion dans Inside Business. Les investisseurs attendent notamment plus de visibilité sur le dossier Italien et les élections des midterms qui se tiendront le week-end prochain aux Etats-Unis. D’ici-là, la chute des marchés actions pourrait continuer à profiter aux valeurs refuges et aux marchés obligataires.

Etienne BRACQ