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Et si Bouygues Telecom était à vendre?

La 4G n'a pas sauvé Bougues Telecom comme espéré.

La 4G n'a pas sauvé Bougues Telecom comme espéré. - -

Bouygues a de moins en moins de raisons de conserver sa filiale télécoms, qui lui coûte désormais au lieu de lui rapporter. Les analystes financiers tablent donc sur une cession à venir.

"Nous n’avons aucun commentaire à faire". Le porte-parole du groupe Bouygues, lorsqu'on lui demande si Bouygues Telecom est à vendre, ne proclame pas son attachement à cet actif cher aux yeux de Martin Bouygues, mais se contente plutôt du service minimum.

Pourtant, la question d'une vente de Bouygues Telecom vient de revenir sur le tapis.

Signaux de vente

Le 7 janvier, Bouygues Telecom a été cité comme une cible potentielle par Dexter Goei, le directeur général d'Altice, maison-mère de Numericable.

Et surtout, le 29 et le 30 janvier, deux analystes financiers ont publié coup sur coup des notes prédisant un rachat par Free.

Oddo attribue une probabilité de 40% à ce rachat, et estime que "la spéculation sur Bouygues Télécom redevient légitime", en raison de plusieurs "signaux que l'opérateur pourrait être à vendre". Précisément, la surprenante interview de Martin Bouygues (PDG et principal actionnaire de Bouygues) dans le Figaro "est un signe qu’il pourrait vendre", et "met la pression sur le gouvernement et les régulateurs pour qu’ils soient plus accommodants vis-à-vis d’une consolidation du marché".

De son côté, Exane BNP Paribas estime que l'opérateur a 20% de chances de se faire racheter par Free, et affirme: "Bouygues Telecom est potentiellement à vendre. Nous nous attendons à ce que Martin Bouygues essaie de le vendre, maintenant qu'il a joué toutes les cartes qu'il avait en main, la plus significative étant le lancement de la 4G. Et nous croyons une vente à Free désormais possible".

La vache à lait devient un boulet

La principale explication est financière. En effet, la filiale télécoms, hier principale vache à lait du groupe Bouygues, s'est transformée en boulet. Jusqu'en 2011, la filiale versait en moyenne 400 millions d'euros de dividendes par an (cf. ci-contre). Désormais, elle n'en verse plus, et a même dû être recapitalisée de 700 millions d'euros en novembre 2012.

Pour Exane, "le futur de Bouygues Telecom au sein du groupe Bouygues dépend de sa capacité à retrouver un bon niveau de génération de cash. En 2012, Martin Bouygues avait dit que Bouygues Telecom devait revenir à son niveau historique de plus de 300 millions d'euros de cash flows par an. Or le cash généré demeure minime: il devrait être légèrement négatif en 2013, et encore nul en 2014".

Oddo ne voit pas non plus le bout du tunnel: "Martin Bouygues fait le constat que Bouygues Télécom pourrait avoir bien du mal à redresser sa rentabilité, et donc que le cash flow normatif de Bouygues Télécom pourrait avoir du mal à retrouver un niveau décent, à même de convaincre Martin Bouygues de conserver cet actif. Martin Bouygues devrait donc clairement se poser la question de la pérennité de la présence des télécoms dans le giron du groupe".

La 4G n'est pas une planche de salut

Pour se remettre à générer du cash, "le chiffre d'affaires doit se stabiliser puis croître à nouveau, réclame Exane. La grande chance de faire cela était la 4G, étant donné l'avantage en 4G sur les concurrents en terme de couverture de la population. Or il y a des signes clairs que les résultats commerciaux du lancement de la 4G sont décevants, notamment la décision de Bouygues de proposer la 4G au prix de la 3G, à peine deux mois après avoir lancé la 4G plus cher que la 3G".

Même analyse chez Oddo: "la 4G a eu peu d’impact sur les dynamiques de parts de marché. C’est une mauvaise nouvelle pour Bouygues qui avait pourtant un réel avantage compétitif en 4G, avec une meilleure couverture de la population, et la capacité de supporter en 4G les iPhone5. Mais Bouygues Télécom ne monétise pas ces avantages, et n'a pas réussi à faire bouger les lignes en 4G. Le fait que B&You ait intégré la 4G sans supplément de prix est une autre indication de l’impact limité du lancement de la 4G sur les recrutements" (interrogé sur cette analyse, l'opérateur s'est refusé à tout commentaire).

Obstacles surmontables

Pour les analystes, l'acquéreur le plus probable est Free, qui éviterait ainsi de construire son propre réseau. Reste toutefois deux obstacles de taille mais pas totalement insurmontables.

D'abord, les relations exécrables entre Martin Bouygues et Xavier Niel, fondateur et principal actionnaire de Free. "Mais Martin Bouygues est un homme d'affaires pragmatique...", rétorque Exane.

Ensuite, le gendarme de la concurrence. Certes, il y a un an, l'Autorité de la concurrence a dit non de manière informelle à une fusion SFR-Free. Mais elle ne s'est jamais prononcée sur un rapprochement Bouygues-Free, qui serait moins dommageable en termes de concurrence. "Un tel rachat pourrait être validé au regard des parts de marché respectives de Bouygues et Free", estime Oddo.

Surtout, la jurisprudence sur le sujet pourrait s'assouplir si Bruxelles donne son feu vert à la fusion des 3ème et 4ème opérateurs mobiles en Allemagne. La décision de la Commission européenne est attendue au plus tôt mi-mai.

Déjà un flirt avec Numericable

En revanche, il y aurait très peu de problème de concurrence pour un rachat par Numericable. Bouygues Telecom, qui vaut une demi-douzaine de milliards d'euros, à la portée du câblo-opérateur. Et les deux opérateurs coopèrent déjà dans le mobile et la fibre optique.

Il y a plusieurs années, la filiale du groupe de BTP avait même déjà étudié un rachat de Numericable, mais avait fini par l'écarter. "Nous jugions la valorisation trop élevée, et nous nous posions des questions sur la propriété des réseaux câblés à terme", explique-t-on chez Bouygues Telecom.

NB: l'article a été mis à jour avec l'analyse d'Exane

Le titre de l'encadré ici

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Une unique rencontre

Xavier Niel et Martin Bouygues se sont rencontrés une seule fois, vers 2009, à l'initiative du patron du BTP. Patrick Le Lay (TF1), qui connaissait Xavier Niel, avait joué les entremetteurs. Durant cette rencontre, Martin Bouygues a tenté de convaincre Xavier Niel de ne pas se lancer dans le mobile, en listant toutes raisons pour lesquelles ce serait impossible: marché saturé, difficulté à poser des antennes, etc... Un argumentaire que Xavier Niel a écouté sans le contredire. A la fin de l'entretien, Martin Bouygues a demandé au trublion des télécoms s'il voulait toujours se lancer dans les mobiles. Xavier Niel aurait répondu que sa réflexion se poursuivait...

Le titre de l'encadré ici

|||Dividendes versés par Bouygues Telecom (en millions d'euros)

2007: 450
2008: 500
2009: 500
2010: 405
2011: 405
2012: 212
2013: 0

source: OFG Recherche

Jamal Henni