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Bouygues veut prendre le leadership sur l’internet des objets en France

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L’opérateur aura déployé son réseau dans la plupart des grandes villes d’ici le premier trimestre 2016. Et il espère que la technologie LoRa qu’il a choisie va s’imposer comme standard au niveau international.

Au mois de juillet 2013, en gare de Brétigny-sur-Orge, sept personnes périssent dans une catastrophe ferroviaire causée par la défaillance d’une éclisse insuffisamment vissée. Cette pièce qui sert à raccorder des rails pourrait bien ne plus jamais faire défaut … grâce à l’internet des objets. La société Colas veut en effet équiper les chemins de fer de capteurs pour qu'ils transmettent eux-même leur état en temps réel. Une communication machine to machine qui nécessite d'être raccordé à un réseau dédié. En l'occurrence, c'est celui de Bouygues Telecom que Colas a décidé d'utiliser. Pour le moment, il est à l’état d’expérimentation mais l’opérateur a annoncé ce 29 septembre vouloir accélérer son déploiement. Avec son partenaire Sagemcom, Bouygues ambitionne de connecter des millions d'objets dans les années à venir.

Patrick Sevian, le président de Sagemcom, Geoff Mulligan, le président de l'Alliance LoRa et Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom.
Patrick Sevian, le président de Sagemcom, Geoff Mulligan, le président de l'Alliance LoRa et Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom. © 01net

500 villes couvertes d’ici la fin de l’année

"Nous couvrirons 500 villes d’ici la fin de l’année", a déclaré le PDG de Bouygues Telecom Olivier Roussat lors d’une conférence de presse. "Et la majeure partie des grandes villes au premier trimestre 2016", a-t-il ajouté. Bouygues a fait le choix d’utiliser la technologie de longue portée et de basse consommation (LPWA) LoRa. Celle-ci a été développée par la start-up grenobloise Cycleo, rachetée en 2012 par l’Américain Semtech. L’usager doit installer dans son objet un capteur compatible de la taille d’une pièce de monnaie qu’il peut activer ou désactiver ensuite à distance via une application web. De son côté, l’opérateur installe de nouvelles antennes. "Cela concerne 5 à 6000 sites", avance Olivier Roussat qui parle d’un coût de plusieurs millions d’euros. Une somme modique au regard des milliards que représente la 4G, par exemple. Les informations transitent ensuite sur la bande de fréquence 868 Mhz qui ne requiert pas d’autorisation préalable de l’Arcep.

L’opérateur a donc pris un temps d’avance sur son concurrent Orange qui vient seulement d’annoncer vouloir lui aussi développer son réseau avec la même technologie. Les applications seront multiples pour le BtoB et visent principalement les villes et les industries intelligentes avec des usages comme la mesure de la qualité de l’air, le relevé des compteurs d’eau, ou le suivi de l’approvisionnement d’un stock. Mais pour achever de convaincre ses clients, Bouygues aurait besoin que le protocole réseau de LoRa s’impose comme un standard au niveau mondial.

La carte du déploiement de la technologie LoRa dans le monde.
La carte du déploiement de la technologie LoRa dans le monde. © Alliance LoRa

Une bataille internationale

Pour défendre ce protocole réseau, Bouygues Telecom a rejoint l’Alliance LoRa, un consortium formé au mois de mars 2015. Son président Geoff Mulligan était aux côté d’Olivier Roussat ce matin pour défendre la cause. Ce n’est pas une mince affaire, le terrain étant déjà occupé par de multiples groupements comptant des acteurs de poids. On assiste même à une véritable guerre depuis quelques mois entre différents groupements qui tentent d’imposer leur norme, que ce soit Nest avec Thread, Intel avec l’Open Interconnect Consortium ou encore Microsoft avec Allseen Alliance.

Interpellé sur cette concurrence redoutable, Geoff Mulligan a rappelé que son consortium comptait quelques soutiens de poids à l’international comme IBM, Cisco ou encore HP. Mais, surtout, il a nié benoitement toute compétition : « Nous sommes complémentaires, pas rivaux. Le standard Thread lancé par Nest, par exemple, vise principalement des usages privés à domicile », a-t-il rétorqué. Il promet, par ailleurs, des annonces fracassantes lors d’un événement à Rotterdam les 9 et 10 novembre prochain. En attendant, il répète inlassablement son discours bien rodé : « LoRa est une organisation ouverte qui n’a pas pour but de faire du profit. Ce qui fait notre force, c’est que nous n’imposons aucun business model aux opérateurs, que nous cherchons à mettre au point des standards ouverts et des spécifications interopérables ».

Une opposition frontale à Sigfox

Il est une rivalité, en revanche, que les supporters de LoRa n’essayent pas de masquer. C’est celle qui les oppose à Sigfox, l’autre start-up française qui a le vent en poupe et qui propose elle aussi une solution de longue portée et de basse consommation pour des objets isolés qui ne nécessitent pas d’envoyer beaucoup d’informations. Le nom de Sigfox n’est jamais prononcé par Geoff Mulligan, mais la société est clairement visée. Quand il s’agit de porter le coup contre elle, ce sont Bouygues Telecom et Sagemcom qui montent au créneau.

« Le principal problème de Sigfox, outre le fait que ce soit une technologie propriétaire, c’est qu’il faut utiliser un GPS intégré pour faire du tracking », avance Patrick Sevan, le président de Sagemcom également présent lors de la conférence. Or, les applications de géolocalisation seraient l’un des axes de développement majeur de l’Internet des objets. Ce défaut aurait deux conséquences pour: l’impossibilité de faire du suivi avec une faible consommation d’énergie et surtout, un coût d’installation supérieur.

Or le low cost, c’est l’argument majeur de l’Alliance LoRa qui annonce des durées de vie de batterie record allant jusqu’à dix ans. « Low Cost, Low Power, Long Distance », tel est le mantra de ce consortium qui compte bien mettre en avant sa compétitivité pour s’imposer au niveau mondial.

Amélie Charnay