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Bruxelles inflige une amende record à Google

Google écope d'une sanction de 2,42 milliards d'euros, la plus lourde jamais prononcée par Bruxelles pour abus de position dominante. La Commission européenne reproche au groupe américain d'avoir fait remonter son comparateur de prix dans les recherches en ligne.

La Commission européenne a annoncé avoir infligé une amende de 2,42 milliards d'euros au groupe américain pour abus de position dominante. L'exécutif européen reproche à Google d'avoir favorisé son comparateur de prix Google Shopping face à ceux de la concurrence.

Dans quasiment tous les pays européen, le moteur de recherches Google détient une part de marché supérieur à 90%.

Google envisage de faire appel

"L'amende a été calculée sur la base de la valeur des recettes que Google réalise grâce à son service de comparaison de prix dans 13 pays européens" où "Google Shopping" est déployé, a précisé la Commission européenne.

Cette amende est la plus lourde jamais prononcée par la Commission européenne pour abus de position dominante. Le précédent "record" était détenu par le groupe informatique Intel (1,06 milliard d'euros), en 2009. À peine quelques minutes après cette annonce, Google a, sans surprise, affirmé être "en désaccord respectueux".

Un porte-parole nous a fait parvenir par courriel un message pour expliquer les raisons qui poussent le groupe à contester l'amende européenne. "Lorsque vous achetez en ligne, vous souhaitez trouver les produits désirés rapidement et facilement. Les annonceurs, eux, souhaitent promouvoir ces mêmes produits. C'est la raison pour laquelle Google affiche, au bénéfice de tous, des publicités de produits proposés par des dizaines de milliers d'annonceurs, petits et grands". Ce porte-parole nous a confirmé que le groupe californien envisageait de faire appel.

Des consommateurs pénalisés

"Google a abusé de sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche en favorisant son propre service de comparaison de prix dans ses résultats de recherche et en rétrogradant ceux de ses concurrents", a déclaré la Commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, citée dans un communiqué.

"Ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrence de l'UE. Elle a empêché les autres sociétés de livrer concurrence sur la base de leurs mérites et d'innover. Et surtout, elle a empêché les consommateurs européens de bénéficier d'un réel choix de services et de tirer pleinement profit de l'innovation", a-t-elle ajouté.

Tensions à venir avec les États-Unis

Cette décision survient moins d'un an après la décision de la Commission européenne de sanctionner un autre géant américain, Apple, pour avoir bénéficié d'"avantages fiscaux" indus accordés par l'Irlande: l'exécutif européen avait alors sommé le 30 août 2016 la firme américaine de rembourser à Dublin plus de 13 milliards d'euros.

Une telle décision défavorable à une entreprise américaine pourrait accentuer les tensions entre Bruxelles et Washington, déjà fortes depuis l'arrivée de Donald Trump au pouvoir et alors que doit se tenir dans moins de deux semaines un G20 à Hambourg, les 7 et 8 juillet.

Google sous le coup de deux autres enquêtes

En plus de cette amende, l'exécutif européen demande à Google de mettre fin à ces pratiques jugées anti-concurrentielles dans les 90 jours, "sans quoi elle sera soumise à des astreintes pouvant atteindre 5% du chiffre d'affaires moyen réalisé quotidiennement au niveau mondial par Alphabet, la société mère de Google".

Google est en outre sous le coup de deux autres enquêtes de la Commission pour abus de position de dominante: la première concerne sa plateforme publicitaire AdSense, la seconde son système d'exploitation Android. Ces dernières n'ont pas encore abouti. 

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Les précédents Microsoft et Intel: plus de 3 milliards d’euros d’amendes cumulées

Avant que Google ne soit mis lourdement à l’amende par Bruxelles pour abus de position dominante, Intel a longtemps détenu le record en la matière. En 2009, la Commission européenne avait infligé une amende d’un milliard d’euros au fabricant américain de puces pour micro-ordinateurs. Les autorités européennes lui reprochaient d’avoir accordé des remises aux fabricants de PC pour évincer son concurrent AMD sur les microprocesseurs. La Cour de justice de l’Union européenne, saisie par Intel, avait confirmé en juin 2014 le bien-fondé de cette amende. Mais ultime rebondissement, l'avocat général de la Cour de justice de l'UE a appelé à l’automne 2016 à réexaminer l'affaire.

Mais, en cumulant toutes les amendes infligées en presque 10 ans par la Commission pour abus de position dominante, Microsoft dépasse largement Intel. En mars 2004, l’éditeur de Windows a dû d’abord payer 497 millions d’euros. Bruxelles lui reprochait de faire payer l’accès aux documentations techniques nécessaires à ses concurrents pour que ceux-ci puissent concevoir des logiciels fonctionnant correctement avec Windows. Ayant tardé à se conformer à cette décision de 2004, Bruxelles lui impose deux pénalités successives : l’une de 280 millions en 2006, suivie en 2008 de nouvelles pénalités de retard de presque 900 millions d’euros.

En mars 2013, Bruxelles inflige une nouvelle sanction de 560 millions d’euros à Microsoft. Le groupe est accusé cette fois-ci d’avoir favorisé son navigateur web, Internet Explorer, en l’associant intimement à Windows, ce qui aurait menacé ses concurrents sur ce marché (Google avec Chrome mais aussi Mozilla avec Firefox). Au total, Microsoft aura payé plus de 2,1 milliards d’euros à Bruxelles en presque 10 ans. Presque autant que la sanction infligée à Google, certes en une seule amende.

J.M., F.B. et P.S. avec AFP