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Canal Plus: les recettes publicitaires du clair s'effondrent

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- - Philippe Mazzoni Canal Plus

Plombées par des audiences en chute libre, les recettes publicitaires nettes du clair sont tombées à 73 millions d'euros en 2016, soit deux fois moins qu'en 2014.

Des audiences catastrophiques se transforment logiquement en catastrophe industrielle. C'est sans surprise ce qui arrive aux tranches en clair de Canal Plus. Le crash subi depuis la rentrée 2015 (une audience divisée par 7 en deux ans) s'est traduit par un effondrement des recettes publicitaires. En 2016, ces recettes sont tombées à seulement 73 millions d'euros en net, selon les comptes de la Société d'édition de Canal Plus. C'est un recul de 38% en un an, et de moitié en deux ans (cf. chiffres ci-dessous). 

Lourdement déficitaire

Certes, le coût des émissions en clair a aussi diminué, mais pas dans les mêmes proportions, ce qui fait que ces tranches en clair sont donc devenues lourdement déficitaires. 

À leur plus haut, c'est-à-dire en 2012, les tranches en clair étaient regardées par plus de 1,3 million de spectateurs, coûtaient 120 millions d'euros, mais rapportaient 159 millions d'euros de publicité. Soit donc de quoi dégager une trentaine de millions d'euros de marge. Par exemple, feu le Grand journal coûtait 25 millions d'euros par an, mais rapportait en publicité près de deux fois son coût.

Une vitrine utile

Depuis son arrivée à la présidence de Canal Plus mi-2015, Vincent Bolloré a eu une stratégie erratique vis-à-vis du clair. Dans un premier temps, il a voulu améliorer ses résultats d'audience: "Cela fait deux ans que l'audience s’érode un peu, et les émissions coûtent à peu près trois fois plus cher que la concurrence, et la concurrence nous bat", déclarait-il le 3 juillet 2015, sur Europe 1.

L'industriel breton estimait que le clair était une vitrine utile pour les programmes payants: "Il ne faut pas tout fermer [le clair] puisqu'il faut que les gens puissent voir un peu, ce qu'on peut trouver sur Canal. Il faut qu'on ait envie d'aller s'abonner à Canal. Il faut que, le soir, on se dise 'oh la la, je n'ai pas le bon match, pas la bonne série, pas la bonne émission...'", déclarait-il le 8 octobre 2015 sur RTL.

Changement de discours

Las! L'audience, au lieu de remonter, dégringole. Vincent Bolloré change alors totalement de discours: "Il n’y a pas une chaîne cryptée dans le monde qui fasse du clair. [Le directeur général de la chaîne] Maxime Saada n’a jamais réussi à montrer qu'une vitrine permet de conquérir des abonnés. Les gens ne vont pas continuer à payer longtemps leur abonnement quand ils voient leurs voisins non abonnés regarder les mêmes émissions", déclare-t-il le 22 juin 2016 au Sénat.

"Il n'y a pas une seule chaîne payante au monde qui ait des tranches en clair. Et pour nous, ce n'est pas une obligation réglementaire. Nous pouvons donc les réduire. Quand on ouvre une plage en clair, on gagne certes à court terme des recettes publicitaires, mais à long terme, on perd des abonnés. Surtout quand on diffuse en clair des émissions qui auraient vocation à être réservées aux abonnés payants, ou quand elles n'ont rien à voir avec la programmation en crypté", abonde-t-il dans les Echos.

À quoi sert le clair?

Ce faisant, Vincent Bolloré tourne le dos à la stratégie suivie jusque là par la chaîne cryptée, à savoir attirer de nouveaux abonnés grâce aux programmes en clair: bandes annonces, promotion de l'image et des vedettes de la chaîne, etc. "Plus le clair faisait d'audience, plus les recrutements de nouveaux abonnés étaient élevés. Et selon les études internes, un tiers des recrutements étaient motivés par l'image de Canal", rappelle un ancien salarié.

Toutefois, l'audience du clair pourrait avoir atteint un point bas la saison dernière. Pour sa première semaine, L'info du vrai, la nouvelle émission d'Yves Calvi, a fait légèrement mieux que le Grand journal diffusé l'année précédente. 

Contacté, Canal Plus n'a pas répondu. 

Les audiences du clair, en milliers de téléspectateurs (part d'audience en %)

Tranche en clair du midi (12h30-14h)
2006-07: 317 (2,5%)
2007-08: 337 (2,7%)
2008-09: 451 (3,6%)
2009-10: 503 (4%)
2010-11: 509 (3,9%)
2011-12: 505 (3,7%)
2012-13: 466 (3,5%)
2013-14: 454 (3,6%)
2014-15: 481 (3,8%)
2015-16: 316 (2,5%)
2016-17: 31 (0,3%)*

Tranche en clair du soir (18h30-21h)
2006-07: 1.087 (5,5%)
2007-08: 1.145 (5,8%)
2008-09: 1.277 (6,4%)
2009-10: 1.214 (6%)
2010-11: 1.269 (6,2%)
2011-12: 1.324 (6,1%)
2012-13: 1.152 (5,4%)
2013-14: 1.130 (5,5%)
2014-15: 1.012 (5%)
2015-16: 650 (3,2%)
2016-17: 140 (0,7%)

Source: Médiamétrie
*en crypté sur une partie de la saison

Les recettes publicitaires des tranches en clair, en millions d'euros

2006: 99
2007: 111
2008: 128
2009: 132
2010: 148
2011: 156
2012: 159
2013: 146
2014: 143
2015: 118
2016: 73

Source: Société d'édition de Canal Plus

Jamal Henni