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Castorama : « Une stratégie financière au détriment des clients »

Le groupe britannique Kingfisher a annoncé la fermeture de neuf magasins Castorama.

Le groupe britannique Kingfisher a annoncé la fermeture de neuf magasins Castorama. - Philippe Huguen / AFP

En difficulté, le groupe britannique de magasins de bricolage Kingfisher a annoncé mercredi la fermeture d’une dizaine de magasins en France dans ses enseignes Castorama et Brico Dépôt. L’analyse de Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce.

Mr Bricolage annonçait en décembre dernier la cession de 65 magasins pour se recentrer sur la franchise, et Bricorama s'est vendu au groupe Les Mousquetaires. Une mauvaise passe générale pour les magasins de bricolage ?

Frank Rosenthal : Dans l’ensemble, le secteur du bricolage est stable. Ni progrès, ni déclin. Par sa nature, il reste fortement lié à la santé de l’économie, de la construction, de l’immobilier. Lorsque la croissance ralentit, comme ce fut le cas l’année passée, il encaisse. Néanmoins, ce constat global cache de grands écarts entre les enseignes. Tout le monde n’est pas à égalité. Certaines enseignes surperforment sur le marché, tandis que d’autres sont à la traîne.

Deux groupes dominent le marché français – on peut aussi ajouter Les Mousquetaires depuis le rachat de Bricorama en 2018. D’un côté Adeo, qui compte notamment le leader Leroy Merlin en pleine croissance, et de l’autre côté Kingfisher, qui regroupe Castorama et Brico Dépôt. Castorama a vu son chiffre d'affaires fondre de 7% l’année dernière. C’est une sévère correction.

Ce sont donc des difficultés propres à Castorama ?

Kingfisher cherche depuis plusieurs années à accroître sa rentabilité. Chez Castorama, il s’est traduit par un plan d’unification des assortiments. L’offre a été resserrée autour de marques de distributeur, de marques nationales, pour dégager une meilleure rentabilité. Le client n’a plus le même choix qu’auparavant lorsqu’il se rend en magasin. Le personnel a aussi été une variable d’ajustement. Or, le conseil est un élément crucial pour le monde du bricolage.

Par ailleurs, quelques mois plus tôt, Castorama avait annoncé l’arrêt des promotions et des prix bas tous les jours, sur un modèle « discount ». C’est un pari difficile car le secteur du bricolage fonctionne sur la promotion. Les magasins sont aussi moins animés, et donc moins attractifs. Moins de choix, marques inconnues, difficile d’accéder à un vendeur : la stratégie financière a été construite au détriment des clients. Or le client, lui, a accès à un choix pléthorique en matière d’enseignes de bricolage.

Peut-on aussi y voir la concurrence de la vente en ligne ? Manomano vient notamment d’annoncer l’ouverture d’un site destiné aux professionnels.

Les enseignes physiques prennent le tournant du numérique, mais le e-commerce commence à leur prendre des parts de marché. Manomano propose aussi une plateforme communautaire et d’autres services. Brico Privé [site de ventes privées dédié au bricolage] a fondé son modèle sur la promotion : lorsque Castorama arrête les promotions, une partie des clients s’en vont vers Brico Privé. Certains produits, notamment l’outillage électroportatif comme les perceuses, sont très exposés à la concurrence de la vente en ligne.

Néanmoins, pour les produits plus techniques, les clients préfèrent encore se rendre en magasin. Le secteur du bricolage est, au final, moins exposé que d’autres secteurs de la distribution : 5% du commerce passe par la vente en ligne, bien en-dessous de la moyenne globale. Le secteur résiste assez bien au e-commerce.

Jérémy BRUNO