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Ce géant américain veut déringardiser le téléachat en France

Les studios de QVC à Aubervilliers.

Les studios de QVC à Aubervilliers. - QVC France

QVC, la chaine phare du n°1 américain du téléshopping, troisième vendeur en ligne aux États-Unis après Amazon et Walmart, tente d'exporter son modèle en Europe. La France lui donne du fil à retordre.

C'était la fête sur Times Square à New York mardi matin. Quelques hommes et plusieurs dizaines de femmes, pomponnées à l'américaine, jubilaient sous les confettis et la musique entraînante pendant que la cloche se mettait à sonner pour l'introduction en Bourse de Qurate, le géant américain du téléshopping.

Après avoir racheté ses principaux concurrents, le propriétaire du leader du téléachat QVC a atteint 14 milliards de dollars de chiffre d'affaires, soit plus du double des ventes d'Hermès dans le monde en 2017. Aux États-Unis, Qurate est devenu le n°3 du commerce sur internet et mobile, derrière Amazon et Walmart. Tout le monde connaît ses trois chaines qui diffusent plus d'heures de live par semaine que n'importe quel autre groupe de média. Et aussi ses animateurs stars qui, sur le ton de la copine qui a un bon plan, vendent des robes peu décolletées, des gaufriers vivement colorés, des éponges révolutionnaires et des antirides miraculeux, à prix négociés, livrés en 3 à 5 jours.

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"On aimerait grandir plus vite qu'on ne le fait"

En Europe en revanche, et notamment en France où elle s'est implantée en 2015, la chaîne qui a inspiré Pierre Bellemare manque de notoriété. "On aimerait grandir plus vite qu'on ne le fait" reconnaît son PDG, Steve Hofmann devant la petite dizaine de journalistes européens conviés outre-atlantique. Sur presque 9 milliards de ventes de QVC en 2017, 30% provenaient de l'étranger, mais majoritairement du Japon et de la Chine. Sur le vieux continent, la Grande-Bretagne a rapporté 21% de cette part, l'Allemagne 10% et la France un petit 2,5%. Tout en étant diffusée par les quatre grands opérateurs français.

La faute à l'image désuète du téléshopping par chez nous ? Aux États-Unis, QVC vend des ordinateurs HP aux couleurs acidulées, et même du Apple, du Gucci et du Nike. La chaîne Beauty du groupe, avec ses produits Lancôme et Guerlain, se revendique plus proche d'un Sephora que d'un rayon beauté de supermarché. Mais ces marques ne sont "pas encore vendues par QVC en Europe", souligne Chiara Pariani, présidente pour la France et l'Italie. Dans l'Hexagone, la marque locale phare de QVC est Damart.

La chaine se concentre du coup sur des PME attractives, comme la marque de cosmétiques créée par l'ex-miss France Chloé Mortaud, Madame Provence. Des petites structures qui trouvent chez QVC un accélérateur de ventes à moindre frais. SteamOne par exemple et son défroisseur vapeur design et pratique. Les deux frères qui l'ont créé, sorte de Dyson Français, le distribuaient chez Darty, Boulanger et autres. Ils mobilisaient beaucoup de trésorerie sans parvenir à se démarquer. En allant sur QVC, "à reculons" de l'aveu même d'un des fondateurs, ils se sont retrouvés en rupture de stock en quelques jours.

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Qui achète ces produits sur QVC France? Chiara Pariani décrit une femme active, qui vit autant en ville qu'à la campagne, au niveau d'études moyen-élevé. Quant à son âge, difficile de savoir. Cette question paraît sensible, sur tous les marchés de QVC. Les cadres de l'entreprise "assument" leur clientèle senior, mais ne donnent aucun âge moyen. Seulement une fourchette de 35 à 64 ans. Ce jour-là en Pennsylvanie, des téléspectatrices venues visiter les studios façon intérieur coquet et immaculé, paraissent plus âgées que le haut de cette fourchette.

"Plus elle est mature, plus elle a de moyens"

"Plus elle est mature, plus elle a d'argent", souligne-t-on chez QVC. Certes, sa cliente-type gagne 3,3 fois le revenu moyen américain, et achète 24 produits par an sur QVC USA. Reste qu'à mesure que ses clientes vieillissent, la chaîne doit envisager la relève. Des populations plus jeunes d'autant plus difficiles à capter qu'elles regardent de moins en moins la télévision.

Le groupe a ainsi créé il y a sept ans des départements dédiés au numérique et aux réseaux sociaux, aujourd'hui composés de plusieurs centaines de membres. Ils travaillent en partenariat avec Facebook et YouTube pour y partager leurs vidéos de démos, tutos et autres recettes, sont présents sur Instagram et ont envisagé Snapchat. Et surtout, ils ont lancé une application qui permet de regarder les programmes et d'acheter en un clic. Ce sera peut-être la clé du succès en France, le marché de QVC où la proportion de ceux qui achètent sur le mobile ou le web est "la plus fascinante", selon le responsable du numérique.

Nina Godart