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Vie de bureau

Ce que coûte le "présentéisme" aux entreprises

Travailler plus de 10 heures par jour accroît le risque d'AVC

Travailler plus de 10 heures par jour accroît le risque d'AVC - SEBASTIEN BOZON / AFP

Entre les renoncements aux arrêts maladie et les horaires à rallonge, les salariés mettent en péril leur santé mais sapent aussi l'activité de l'entreprise qui perd davantage d'argent par manque de productivité.

Etre vu et surtout bien vu. Voici une pratique très répandue dans les entreprises françaises où arriver au plus tôt et (surtout) partir au plus tard, est le meilleur moyen d'éviter tout regard suspect de ses collègues. Un "présentéisme" qui n'en finit plus de surprendre certains de nos voisins, comme les Allemands, qui jugent sévèrement la pratique: celui qui part tard ne sait tout simplement pas s'organiser.

Pourtant, le présentéisme a la vie dure dans les entreprises de l'hexagone. Cela couvre d'abord les renoncements aux arrêts maladie: 28 % des arrêts maladie prescrits en 2019 n’ont pas été respectés (un chiffre en hausse de 5 points par rapport à 2018, et de 9 points par rapport à 2016) affirme une nouvelle étude réalisée par Malakoff Médéric Humanis. Pour quelle raison ces travailleurs décident d'aller tout de même travailler ? Pour 39% d'entre eux, "il n’est pas dans leurs habitudes de se laisser aller"…

"Etre bien vu"...

Au-delà du "présentéisme maladie", les horaires à rallonge sont aussi très répandus, selon un sondage Glassdoor, publié en octobre dernier : une personne sondée sur quatre se sent gênée d'arriver la dernière au bureau. De la même façon, 30% des personnes interrogées affirment qu’il est mal vu de quitter le bureau avant 18h.

Le présentéisme est pourtant loin d'être une bonne idée. D'abord pour le travailleur qui peut aggraver sa situation médicale et se retrouver surmené. Mais aussi pour l'entreprise qui, en réalité, n'a rien à gagner de cette situation. "Lorsque la productivité des travailleurs dépend grandement de celles de leurs collègues, il devient probable que cette complémentarité va multiplier les conséquences négatives des possibles erreurs d’inattention, du manque d’efficacité du salarié malade" indique une étude universitaire publiée en juin dernier. Sans compter les risques de contagion au sein d'un open space... Quant aux horaires à rallonge, ils sont rarement gage de productivité puisque le sondage Glassdoor indique qu'une personne sur quatre admet que ce présentéisme sert simplement à "être bien vu".

Des dizaines de milliards qui s'envolent

D'ailleurs, le coût pour les entreprises peut être important. Concernant les arrêts maladies non respectés, une étude américaine l'avait chiffré, en 2003, à 226 milliards de dollars pour les Etats-Unis. Plus récemment, le baromètre Midori du présentéisme au travail estimait que cette pratique coûtait entre 14 et 24 milliards d'euros par an en France. "Pour une entreprise dont le salaire annuel chargé moyen est de 51.000 euros, cela représente entre 970 euros et 1.248 euros de coûts cachés annualisés, par salarié" souligne l'étude.

Concernant le présentéisme horaire, l'exemple espagnol montre que les entreprises ibériques perdent 3,3 milliards d'euros par an à cause des pauses à rallonge qui viennent compenser les longs horaires des salariés.

Comment remédier à cette situation? La solution est avant tout à chercher du côté de la culture d’entreprise. Un certain nombre de critères à prendre en compte permettent ainsi de réduire le présentéisme : un travail moins monotone, l'apprentissage de nouvelles choses, la reconnaissance du travail… Des bonnes pratiques qui devraient bénéficier à tous, employés comme employeurs.

Thomas Leroy