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Vie de bureau

Ce que les fumeurs coûtent à leur entreprise

Les fumeurs sont moins productifs (image d'illustration)

Les fumeurs sont moins productifs (image d'illustration) - Justin Sullivan - Getty Images - AFP

"Plusieurs études montrent que les consommateurs de tabac peuvent coûter cher à leur entreprise, et que leur productivité est généralement moindre."

La popularité de la série Mad Men, où les personnages fument sans cesse, nous rappelle l'époque où la cigarette avait un coté chic et faisait intégralement partie de la vie de bureau.

Mais depuis le 1er janvier 2007, il est interdit de fumer sur son lieu de travail, n'en déplaisent à ceux qui sont certains que le tabac améliore leur efficacité. Ces derniers pourront toujours avancer que le grand Sigmund Freud affirmait que le tabac stimulait le travail intellectuel.

Ne leur en déplaise donc, la plupart des études ne vont pas vraiment dans le sens du père de la psychanalyse moderne. Plusieurs travaux on effet démontré que la productivité des fumeurs n'est pas supérieure à celle de leurs compères non accro à la cigarette. L'un d'entre eux, publié en 2006 par l'Oxford University Press, était basé sur un total de 646 fumeurs dont 86% fumaient au travail. Ses auteurs estimaient alors la perte de productivité à 597,5 heures de travail par an, ou encore 64 minutes par jour, en retenant 10 minutes de pause par cigarette consommée.

4.600 euros par an

En France, en 2009, l'Office de prévention contre le tabagisme avait réalisé un sondage avec l'institut CSA. L'une des conclusions était que les fumeurs prenaient plus souvent des arrêts de travail, 19% d'entre eux en déclarant un au cours des six mois contre 11,5% pour les non-fumeurs.

Mais l'étude qui avait fait le plus de bruit était parue en 2013. Micha Berman et trois de ses collègues de l'Université de l'Ohio estimaient alors que, pour une entreprise, employer un fumeur coûtait en moyenne 5.186 dollars par an (environ 4.600 euros) de plus qu'un non-fumeur. Il s'agissait en fait du milieu d'une fourchette comprise entre 2.885 et 10.125 dollars.

Dans le détail, 517 dollars étaient dus au plus grand nombre de journées d'absence. Plusieurs études menées aux États-Unis avaient en effet montré que les fumeurs prenaient entre 2,3 et 2,9 jours d'absence en plus, principalement pour des raisons médicales. Ensuite, les chercheurs comptaient 462 dollars dus au "présentéisme". En effet, les universitaires expliquaient que pour compenser leurs pauses cigarettes due à leur addiction à la nicotine, les fumeurs restaient plus longtemps au travail et perdaient en productivité.

À cela s'ajoutaient 3.077 dollars de coûts liés aux pauses cigarettes en tant que telle (à raison de 15 minutes par cigarette) et 2.056 dollars dus aux mutuelles santé. Les auteurs de l'étude estimaient en effet qu'une entreprise paient un surcoût de cotisation auprès des assureurs santé, étant donné que les fumeurs sont plus souvent malades que les autres.

Un problème de concentration

Il convient de noter qu'une étude canadienne menée la même année par le Conférence Board of Canada donnait une estimation plus faible de 4.256 dollars canadiens soit 2.890 euros. En France la société Allen Carr, qui propose aux entreprises des solutions pour aider leurs employés à arrêter de fumer, s'est également livrée à cette évaluation.

Sur la base de 5 cigarettes fumées au travail, d'un temps de pause de 6 minutes par cigarette et de deux jours d'arrêt maladie par an en plus pour un fumeur, elle arrive à 3.109 euros de pertes par fumeur. "Le tabac pour un fumeur représente une à deux heures de perte de temps et il ne s'agit pas seulement du temps de pause en tant que tel. Il faut ainsi penser aux salariés qui travaillent dans des tours et sont obligés de descendre pour fumer", explique Erick Serre, le directeur général d'Allen Car France.

Pourtant, on pourrait légitimement penser que la pause cigarette a des vertus relaxantes et aide le salarié à mieux se concentrer. Un argument balayé d'un revers de la main par Erick Serre."Évidemment, les non-fumeurs aussi font des pauses. Le problème pour les fumeurs est qu'ils sont obligés de s'arrêter. Ils ne peuvent pas attendre en raison du manque de nicotine qui créé une tension intérieure et les empêche de se concentrer", fait-il valoir. Et d'insister: "le fumeur ne fume pas pour se concentrer mais pour ne pas se laisser distraire par le manque de nicotine".

Un moyen de déstresser

Reste que la cigarette constitue aussi un moyen de gérer le stress au travail. "On sait que les fumeurs sont enclins à consommer du tabac en période de stress. Lorsque l'on mesure leur niveau d'anxiété, on se rend compte qu'il diminue après avoir fumer", confirme Céline Goffette, sociologue à Sciences Po et auteur d'une thèse sur le tabac en 2012. "L'ingestion de nicotine permet de gérer ce stress", ajoute-t-elle.

La chercheuse souligne néanmoins "que si on lie souvent le tabac aux conditions de travail, les plus grands consommateurs restent les chômeurs". En France 33% des actifs fument contre 50% des personnes sans emploi. Ce qui est dû "à l'anxiété liée à la précarisation financière mais aussi à l'absence de lien social que l'on peut avoir dans une entreprise, au fait de ne plus être exposé à l'interdiction de fumer ou encore à l'absence d'actions de prévention que l'on peut avoir sur le lieu de travail", conclut-elle.