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Ce spécialiste portugais du papier hygiénique "délocalise" en France

Paulo Pereira da Silva, le PDG de Renova, spécialiste portugais du papier toilette.

Paulo Pereira da Silva, le PDG de Renova, spécialiste portugais du papier toilette. - Patricia De Melo Moreira - AFP

Installée dans l'Allier depuis 2016, l'entreprise Renova vient d'investir 6 millions d'euros pour doubler la capacité de son site de production français, promis à devenir la tête de pont du groupe en Europe du Nord.

"Ces deux dernières années, la France est devenue pour nous un pôle de développement industriel. Parfois, ça fait un peu bizarre: une entreprise portugaise qui délocalise en France !", analyse le PDG de Renova, Paulo Pereira da Silva, rencontré par l'AFP au milieu des montagnes de packs d'essuie-tout et papier hygiénique.

Implantée dans l'Allier depuis 2016, la filiale française va embaucher 20 personnes supplémentaires, créer une deuxième ligne de transformation pour un investissement de 6 millions d'euros, installer une partie de son laboratoire et un magasin d'ici à la fin de l'année. Objectif: desservir l'Allemagne, la Suisse et les Pays-Bas.

126 millions de rouleaux produits par an

Une trentaine de personnes travaillent sur le site, d'où sortent 11.000 tonnes de produits par an, soit 126 millions de rouleaux. Insuffisant pour couvrir la demande de ses clients français, les grandes enseignes de distribution.

Avec 23 millions d'euros de chiffre d'affaires sur un total de 140 millions, "la France est aujourd'hui notre 3e marché après le Portugal et l'Espagne, mais il progresse très vite et devrait rapidement passer en 2e position", prédit ce diplômé de l'Ecole polytechnique de Lausanne - à qui Erik Orsenna consacre plusieurs pages dans "Sur la route du papier".

Renova emploie aujourd'hui 600 personnes au total. Sans commune mesure encore avec les 48.000 salariés - et 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires - du géant suédois Essity (Lotus).

Au Portugal, l'entreprise, créée en 1939, est installée en région rurale, à la source de l'Almonda, l'eau étant indispensable pour la fabrication du papier. Les rouleaux sont ensuite distribués dans 70 pays.

"Le site de Saint-Yorre est intéressant parce que central. C'était important d'avoir une usine dans le pays profond", souligne ce physicien de formation, et qui ambitionne non seulement d'y transformer mais aussi produire le papier. "Il y a du sens de tout intégrer car les bobines de cellulose voyagent mal. Les transports sont très chers".

"Du papier-toilette transparent; ça peut être marrant!"

Pour le bassin vichyssois, c'est "une très bonne nouvelle". "Tous les engagements sont respectés. Cette usine prend une envergure qui devrait être plus importante que Candia", ancien propriétaire des 20.000 mètres carrés du site, estime le maire de la commune, Joseph Kuchna. "A l'horizon 2020-2021, avec l'espoir que l'entreprise puisse faire de la production de papier sur place, on arriverait à plus de 100 emplois".

Et ce n'est pas la récente censure par la RATP qui va dissuader le groupe d'investir en France. La régie parisienne a rejeté en juin l'affiche de la publicité du dernier papier de la marque, censé être plus doux, considérant la légende "apaisement sexuel" comme susceptible de choquer et "de nature à tromper le consommateur".

"On a l'habitude d'avoir des problèmes en France avec la pub", philosophe le dirigeant de Renova, francophile plein de fantaisie, passionné du jansénisme et de Blaise Pascal. "Le problème ce n'est pas la photo, c'est le produit qui perturbe les gens, relève celui qui ne jure que par les émissions de la webradio de l'Académie française.

Un produit sur lequel Renova, inventeur du papier toilette noir, s'évertue à innover. "Nous avons un projet avec une université qui serait d'utiliser l'électronique sur le papier. Si vous avez de la fièvre, il va vous le dire. Ce sont des choses qui ne sont pas impossibles", anticipe-t-il. Ou même "d'avoir du papier-toilette transparent; ça peut être marrant!".

Reste que le papier coloré, lancé dans les années 2000 pour se démarquer et vendu très cher, représente toujours une part marginale des ventes. "C'est très peu", reconnaît-il. "Dans certains pays, comme à Taïwan ou en Corée du Sud, où les essuie-tout sont vendus comme des produits de décoration, c'est 100% des ventes. Dans d'autres, c'est zéro".

A.M. avec AFP