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Ce supermarché où les clients s'occupent de tout... bénévolement

La Louve pourrait ouvrir fin 2015.

La Louve pourrait ouvrir fin 2015. - Franck Sainmont - AFP

La Louve est un magasin "coopératif et participatif". Pour 100 euros et la promesse de travailler 3 heures tous les mois, les membres peuvent y acheter leurs produits à prix coûtants. Une idée si novatrice que le droit français peine à s'y retrouver!

Pour faire vos courses à des prix défiant toute concurrence, seriez-vous prêts à passer la serpillière, trier les conserves et les placer dans les rayons et à tenir la caisse ? C'est ce que propose La Louve, un supermarché parisien d'un genre révolutionnaire.

Le concept est simple. Pour être client de ce supermarché "coopératif et participatif", il faut être membre (cotisation : 100 euros) et travailler bénévolement trois heures consécutives toutes les quatre semaines. En allégeant ainsi ses coûts de main d'œuvre, ce supermarché assure pouvoir afficher des prix inférieurs "de 15 à 40%" à ceux des autres commerces. C'est en tout cas l'engagement de Tom Boothe, l'un des deux Américains qui ont eu l'idée de ce concept: "Cela peut permettre à des personnes qui ont peu de moyens d'accéder à des produits de qualité".

De fait, les marchandises vendus dans ce magasin de 1.450 mètres carrés, située rue des Poissonniers, une artère située dans la partie la plus populaire du XVIIIe arrondissement, seront bio mais pas seulement. "C'est un projet adulte, pas moralisateur. Je déteste les gens qui se permettent de dire aux autres ce qu'il faut manger", explique Tom Boothe.

Subvention de la Fondation Macif

Les deux Américains, Tom Boothe et Brian Horihan, espèrent concrétiser ce projet fin 2015. Les statuts de la coopérative ont été déposés en décembre, et un appel de fonds avait réuni à la mi-février 135.000 euros, sur les 150.000 de fonds propres nécessaires au démarrage. Cette somme apportée par des donateurs, mais surtout par 945 membres, représente environ 10% du budget total.

Parmi les autres financeurs figure la Fondation Macif, qui a accordé en 2014 une subvention de 20.000 euros et qui accompagne le montage du projet. "On réfléchit à un nouveau soutien en 2015 pour ce projet socialement innovant, qui répond à un besoin d'une alimentation plus saine et plus accessible", indique Alice Sorel, de la Fondation. France Active, qui finance des projets d'économie sociale et solidaire, a accordé un prêt de 400.000 euros. La région Ile-de-France, la Ville de Paris et la mairie du XVIIIe soutiennent également le projet.

Coopérative ou association?

Néanmoins, ce projet soulève quelques questions. Notamment le statut d'une telle entreprise. La Louve se définit comme une coopérative de consommateurs. Cela signifie que "toute une série de clients se met ensemble pour créer un point de vente qui correspond à leurs attentes", nous explique Olivier Mugnier, secrétaire général de la Fédération nationale des coopératives de consommateurs. Un statut qui existe depuis très longtemps en France. "C'est un magasin qui fonctionne exactement comme les autres (TVA, impôt, …) la seule différence est l'état d'esprit". Et cet état d'esprit est "dans l'air du temps, note Olivier Mugnier. Des produits bios, des circuits courts…".

Le côté "coopératif" de ce supermarché est indubitable, mais quid de la partie "participatif". Car le président de la FNCC souligne que ce système de coopération est très répandu "au centre de Paris mais à des prix très élevés. Ici la différence c'est les coûts de fonctionnement diminués". Des coûts diminués grâce au travail de chaque membre au sein du supermarché.

Et là, on arrive au cœur du problème! "Vous ne pouvez pas demander aux clients de travailler", assure Olivier Mugnier. La Louve ne peut donc pas être seulement une coopérative de consommateurs. "Elle doit être très proche du statut d'association. Structure où les gens peuvent travailler sans être payés", estime Olivier Mugnier.

Le problème c'est que du côté de La Louve, rien n'a été acté: "Nous ne sommes pas du tout prêts sur ces aspects", nous ont-ils répondu. La levée de fonds se termine pourtant dans quelques jours.

Engagement volontaire

Xavier Masson, avocat associé du département droit des sociétés du cabinet Fidal, apporte quelques précisions. "Les personnes intéressées souscrivent une part du capital pour bénéficier de la possibilité d'acheter au supermarché. C'est le principe de l'exclusivisme, la coopérative ne peut vendre qu'à ses coopérateurs". Les consommateurs ont donc la qualité d'associé au sein de La Louve.

"Dans ce cas précis, les personnes acceptent de pas être rémunérées corrélativement à l’acquisition de leurs actions. Car elles ont un intérêt lié à leur qualité d'associé". Cet intérêt est évidemment d'acheter de la nourriture de qualité à des prix peu élevés. Pour Xavier Masson, La Louve n'a donc pas l'obligation de rémunérer les personnes car l'engagement des souscripteurs est volontaire et limité quant au temps de travail à consacrer. L'avocat reconnaît, toutefois, que le problème juridique est pointu. "Il n'y a pas de réglementation ou de jurisprudence spécifique sur ce mode de fonctionnement ".

Pour Xavier Masson, le modèle choisi par La Louve peut fonctionner sans risque sur le plan légal: "En achetant leurs actions, les coopérateurs savent qu'ils ne seront pas payés. Ils bénéficient ainsi d'une contrepartie: la possibilité d’obtenir des prix bas dans le supermarché tout en pouvant partir quand ils veulent de la coopérative".

Diane Lacaze avec AFP