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Crédit Mutuel, CIC et Crédit Agricole décident d’indemniser les pertes d’exploitation de leurs clients dues au coronavirus

Crédit Agricole a suivi l'annonce de Crédit Mutuel

Crédit Agricole a suivi l'annonce de Crédit Mutuel - Pascal Pochard-Casabianca - AFP

Les pertes d’exploitation dues au Covid-19 ne sont pas couvertes par les contrats d’assurance. Le Crédit Mutuel a décidé d’indemniser les clients par “devoir moral”. Une annonce suivie par Crédit Agricole.

En décidant, par "devoir moral", d'indemniser à hauteur de 200 millions d'euros les pertes d'exploitation de ses clients dues au Covid-19 pourtant non couvertes par les contrats, le Crédit Mutuel a fissuré le front jusqu'ici uni des assureurs. Une annonce saluée par restaurateurs et commerçants, et suivie mercredi soir par le Crédit Agricole. 

"On a une responsabilité morale (...) Sortons des débats théologiques. On agit et surtout on agit vite", a déclaré mercredi 22 avril sur France Inter Nicolas Théry, le patron du groupe Crédit Mutuel. La banque mutualiste et sa filiale CIC vont verser 200 millions d'euros à leurs clients professionnels assurés contre les pertes d'exploitation afin de compenser une partie du manque à gagner lié à l'épidémie de coronavirus, bien que ce type d'événement soit le plus souvent exclu du champ des garanties. "On ne va pas ergoter sur le droit (...) Si on ergote pendant six mois, les clients auront disparu et à la fin tout le monde sera perdant", a martelé Nicolas Théry, appelant les autres assureurs à l'imiter. "Je pense que le secteur peut le faire, c'est à lui de juger."

Dans la soirée, le Crédit Agricole s'est aligné en annonçant à son tour mobiliser "près de 200 millions d'euros" dans le cadre d'"un dispositif inédit de soutien pour tous les assurés ayant souscrit une assurance multirisque professionnelle avec perte d'exploitation". "Ce dispositif mutualiste de soutien conduira à verser une somme correspondant à une estimation forfaitaire de la perte de revenus du secteur économique concerné pendant la période" et il est "à effet immédiat", a précisé le groupe dans son communiqué.

 "Engagements exemplaires" 

Commerçants et professionnels s'étaient félicités plus tôt de la décision du Crédit Mutuel: la Confédération des PME a salué des "engagements exemplaires", appelant "les autres compagnies à mettre en place rapidement des dispositifs similaires". Du côté du tourisme − un secteur qui génère 170 milliards d'euros de recettes par an −, on rappelle que les entreprises perdent actuellement "3 milliards d'euros par semaine, dont la moitié pour les cafés, hôtels et restaurants: c'est dramatique", souligne auprès de l'AFP Roland Héguy, président de l'Umih, principale organisation de l'hôtellerie restauration. 

"Si les assureurs prenaient en charge 30% de nos pertes d'exploitation, cela éviterait énormément de faillites et de chômage", juge-t-il, alors que le secteur représente 7% du PIB à l'échelle nationale et 4 millions d'emplois directs et indirects. Didier Chenet, président du GNI (indépendants de l'hôtellerie restauration), renchérit: "Nos entreprises sont en grande majorité des petites entreprises avec des fonds propres extrêmement légers: leurs difficultés de trésorerie rendent difficile d'obtenir des prêts auprès des banques, c'est une spirale infernale." De leur côté, les députés LREM Émilie Cariou, Jacques Maire et Lionel Causse, ont loué le Crédit Mutuel pour avoir outrepassé "ses obligations contractuelles" afin de "contribuer à la solidarité directement auprès des acteurs économiques".

Grincements de dents 

Reste qu'au sein du secteur, cette initiative "a dû faire grincer quelques dents", confie à l'AFP un bon connaisseur de l'assurance, sous couvert d'anonymat. "L'annonce du Crédit Mutuel s'inscrit pleinement dans les mesures de solidarité exceptionnelles annoncées par la Fédération française de l'assurance dans les dernières semaines (...) Certaines concernaient l'ensemble du secteur, d'autres étaient à la main de chaque membre", assure à l'AFP Florence Lustman, patronne du lobby de l'assurance.

Depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19, les assureurs financent à hauteur de 400 millions d'euros le fonds de solidarité pour les TPE et ont lancé mercredi les travaux sur un futur régime de catastrophe sanitaire. Ils ont en revanche refusé jusqu'à présent de couvrir les pertes de revenus, évaluées à 60 milliards d'euros, des établissements fermés pour ne pas propager le Covid-19. Les indemniser mettrait le secteur "à terre", a martelé Florence Lustman.

Seul l'un des mastodontes du secteur, Covea (Maaf, MMA, GMF) s'apprête à verser 190 millions d'euros à ses assurés ayant souscrit une assurance perte d'exploitation éligible en cas de pandémie, soit 30.000 euros par assuré en moyenne. Interrogé par l'AFP sur la possibilité d'emboîter le pas au Crédit Mutuel, le poids lourd Axa a indiqué ne pas envisager de dispositif similaire pour le moment. D'autres assureurs contactés à ce sujet mercredi n'ont pas répondu dans l'immédiat.

L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, gendarme français de la finance, a toutefois appelé mardi le secteur à la prudence, estimant que "les ressources des assureurs ne peuvent servir à couvrir des risques exclus des contrats, sauf à mettre les compagnies en risque".

D. L. avec AFP