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Ces lieux très insolites où certains datacenters stockent vos données

Une poudrière Vauban, un abri antiatomique ou une carrière désaffectée: tels sont les lieux atypiques de l'Hexagone où des datacenters et leurs serveurs internet ont discrètement élu domicile. Visite guidée.

Un lieu insolite chargé d'histoire a-t-il autant de vertus pour y loger un datacenter qu'un bâtiment anonyme dans une zone d'activités sans âme? Certains lieux atypiques, parfois oubliés, concilient l'anonymat et la sécurité nécessaires aux serveurs internet où sont stockées les données personnelles d'entreprises comme de particuliers. Enfouis ou situés à l'abri d'épais murs, ils offrent en plus une température propice au refroidissement de ces piles d'ordinateurs connectés et surchauffés. Tour d'horizon de cinq datacenters ayant élu domicile dans des sites atypiques sur l'Hexagone.

> Arras

C'est dans la citadelle et ses sites associés, démilitarisés et cédés en 2010 à la Communauté Urbaine d'Arras, qu'un datacenter dernier cri a trouvé son nid. Profitant de la volonté de la collectivité de reconvertir cet espace de 72 hectares, la PME familiale Decima (200 salariés) a investi deux millions d'euros pour héberger ses serveurs internet... dans une ancienne poudrière. Le bâtiment datant de 1682, en pleine époque Vauban, il a requis une restauration minutieuse pour accueillir ce centre informatique. Ce site classé devait rester visible aux yeux des visiteurs de la citadelle, tout en dissimulant derrière les murs de ce bâtiment, tous les systèmes informatiques, électriques et de refroidissement. L'opération fut réussie avec l'aide de Schneider Électric et cette "poudrière informatique" fait aujourd'hui partie de l'offre de services de Decima.

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- © Decima a construit son datacenter dans une poudrière Vauban, classée au patrimoine de l'Unesco. Sébastien Jarry-AN

> Paris

Online, filiale d’Iliad/Free spécialisée dans les services d’hébergement de serveurs, a parié il y a cinq ans sur un site très atypique du sous-sol parisien. C'est sur un ancien abri anti-atomique construit en 1964 puis laissé à l'abandon, qu'elle a jeté son dévolu. La filiale d'Iliad a acquis en 2012 le bâtiment principal et l’abri souterrain qu'il fallait réhabiliter complètement pour servir d'abri à des batteries d'ordinateurs.

Situé à 26 mètres de profondeur sous le bâtiment du laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC) dans le 15e arrondissement de Paris, le site a fait l'objet de travaux de gros œuvre en sous-sol entre 2014 et 2016. Il offre aujourd'hui 7000 mètres carrés d'espace informatique sécurisé répartis entre trois salles.

En raison de nombreuses autorisations nécessaires pour ce chantier souterrain, le site internet fonctionne seulement depuis le 1er juillet 2007 selon le blog d'Online. Il est utilisé pour son service d'archivage des données numériques de ses clients externes. 

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- © Online a dû conserver la structure antiatomique du lieu tout en renforçant les structures pour l'adapter à accueillir une salle informatique et ses dizaines de serveurs. Blog.online.net

> Saumur

À l'abri des regards, dans une ancienne carrière souterraine à l'abandon des environs de Saumur (Maine-et-Loire), siège un datacenter encore expérimental. À l'initiative du conseil régional des Pays de la Loire, un consortium d'entreprises réunies dans l'initiative Deepdata (Sigma Informatique, Caisse des dépôts, Enia Architectes, Critical Building, Elioth et Celeste) a travaillé pendant trois ans à la validation d'une nouvelle génération de datacenters moins gourmands en énergie. L'enjeu consiste à tirer parti de la fraîcheur naturelle et constante de ce milieu souterrain, semblable à celle d'une grotte, pour refroidir des serveurs informatiques, sans recourir à des systèmes de climatisation, gros consommateurs d'électricité.

Achevé et validé techniquement en 2016, ce petit datacenter (15 mètres carrés seulement de surface utile) conçu par l'une sociétés participantes (Celeste) utilise l'eau rafraîchie par les galeries souterraines. Reste à commercialiser les capacités de traitement et de stockage et à définir une offre à cet effet. Cela devrait avoir lieu au cours du deuxième semestre 2017.

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- © Ce datacenter expérimental utilise les propriétés thermiques naturelles des carrières souterraines près de Saumur (49) pour assurer le refroidissement des serveurs. Jean-Sébastien Evrard-AFP

> Paris

Des ordinateurs placés au sous-sol d'une piscine publique: c'est le cas depuis 2017 à la Butte-aux-Cailles dans le 13ème arrondissement de Paris. La start-up française Stimergy est à l'origine de cette innovation, censée faire des économies de chauffage à cette piscine, par ailleurs classée. Elle a mis au point un système de récupération de la chaleur dégagée par les serveurs informatiques lui permettant d’installer des batteries d'ordinateurs dans la chaufferie de bâtiments (résidentiels collectifs, piscines…).

Les serveurs informatiques de Stimergy sont immergés dans un bain liquide. De échangeurs thermiques récupèrent la chaleur pour réchauffer l'eau des bassins extérieur et intérieur en maintenant une température de 27 degrés. Ce système ne contribue que partiellement à chauffer les bassins de cette piscine parisienne qui recourt aussi au chauffage urbain de la CPCU.

Pour les entreprises, ce datacenter facture des services d'hébergement moins coûteux car il n'utilise pas un système de climatisation pour refroidir les serveurs, ce qui divise son coût de fonctionnement par deux. Des sociétés audiovisuelles utilisent déjà ce site pour y stocker leurs vidéos. De son côté, la mairie qui exploite la piscine, achète la chaleur produite par les serveurs à un coût plus bas que son fournisseur d'énergie actuel.

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- © Cette piscine du 13e arrondissement parisien utilise les chaudières numériques mises au point par la start-up Stimergy pour chauffer ses bassins. Acteurs du Paris Durable.

> Marseille

Une ancienne base allemande de sous-marins datant de la seconde guerre mondiale va être réhabilitée pour entrer de plain-pied dans le 21ème siècle. La société Interxion, spécialiste de la construction et de l'exploitation de datacenters, a prévu d'installer dans ce bâtiment atypique, son troisième site d'hébergement informatique dans la cité phocéenne.

Les mensurations de ce bunker sont démesurées: plus de 200 mètres de long et 40 mètres de large, un toit en béton d’une épaisseur de 5,5 mètres pour protéger l’intérieur en cas de bombardement aérien, un mur d’enceinte de dizaines de centimètres d’épaisseur qui servait de rempart.

Interxion déposera d'ici la fin de l'été 2017 le permis de construire pour réaliser un investissement qui avoisine 180 millions d'euros en ajoutant le coût de reconversion de ce site et celui lié à la construction d'un autre datacenter, également situé dans le port de Marseille. Pour cet hébergeur international basé à Amsterdam, cette localisation géographique offre une porte d’accès optimale entre l'Europe, le Moyen-Orient, l'Afrique et l'Asie, grâce à l’arrivée par la Méditerranée de nouveaux télécoms câbles sous-marins reliés à l'internet mondial.

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- © Un ancienne base de sous-marins construite à Marseille par les Allemands durant la seconde guerre mondiale, sera reconvertie par Interxion en datacenter. Madeinmarseille.net
Frédéric Bergé
https://twitter.com/BergeFrederic Frédéric Bergé Journaliste BFM Éco