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Cet ex-ministre dénonce les trous noirs de l'évasion fiscale

François d'Aubert, le président du groupe d'évaluation de l'OCDE sur la transparence, était l'invité d'Hedwige Chevrillon ce 10 février 2015.

François d'Aubert, le président du groupe d'évaluation de l'OCDE sur la transparence, était l'invité d'Hedwige Chevrillon ce 10 février 2015. - BFM Business

Aujourd'hui président du groupe d'évaluation de l'OCDE sur la transparence, François d'Aubert a détaillé sur BFM Business ce que représente l'évasion fiscale aujourd'hui, et qui en sont les principaux acteurs.

Un iceberg dont le dossier SwissLeaks, n'est que la partie émergée. Pour le président du groupe d'évaluation de l'OCDE sur la transparence, l'évasion fiscale mise au jour par les journalistes du Monde, grâce à l'ex-informaticien d'HSBC Hervé Falciani n'a rien de surprenant. Invité de BFMBusiness, François d'Aubert le dit même sans ambages: 

"Il y a eu une augmentation considérable, sur la décennie écoulée, des actifs gérés en banque privée. Or beaucoup d'argent qui va en banque privée est justement l'argent de l'évasion fiscale ou du blanchiment. A ce titre, la crise a été un formidable révélateur de très mauvaises pratiques, y compris de mauvaise gouvernance dans des établissements bancaires".

Des paradis fiscaux... et des pays opaques 

Pour cet ancien élu qui a notamment été secrétaire d'Etat au Budget sous Jacques Chirac, cette affaire a le mérite de resserrer l'étau autour de la banque HSBC. Pour autant, "quand bien même elle a modifié sa gouvernance, il reste des structures opaques. Il y a encore des montants qui sont encore gérés à travers des paradis fiscaux, et surtout des centres financiers internationaux". Et de lister "la Suisse, Singapour, Hong Kong et le Panama par exemple. Il y en a notamment deux, les Iles Vierges britanniques et Panama, surtout ces deux-là."

"Si vous prenez les actifs des grands centres financiers internationaux: il y a 2.000 milliards en Suisse, 700 milliards au Luxembourg, un peu moins au Luxembourg. En tout, on atteint les 5.000 à 6.000 milliards de dollars hébergés dans des paradis fiscaux".

François d'Aubert assure que "trois zones" connaissent "des problèmes importants sur le terrain de la fraude fiscale: la Chine, la Russie et le Golfe". Et il ajoute "Ce sont des endroits où il y a un mélange entre crime organisé et simple évasion ou fraude fiscale. Cela se cache derrière des organisations avec par exemple les Îles Vierges britanniques, qui sont devenus le deuxième territoire où est investi les plus d'argent chinois. Cela signifie qu'un transit se fait là-bas".

Le Golfe, première plateforme de recyclage d'argent sale

"Dans le Golfe, on ne sait pas ce qui se passe. C'est probablement aujourd'hui une des plus grandes plateformes de recyclage d'argent sale, qui provient de l'héroïne afghane, de mafias russes ou indienne. Cette partie du globe offre une opacité propice à toutes opérations illégales. En ce qui concerne le financement du terrorisme, il est probablement porté en partie par la finance islamique, mais aussi par des petites institutions financières qui vivent grâce aux fonds privés qui sont autours des gouvernements".

En somme, "il n'y a pas que les paradis fiscaux qui sont des trous noirs. Il y a tous ces pays investisseurs d'où sortent des masses d'argent, souvent dans conditions totalement acrobatiques. Ces temps-ci, il sort de Russie 40 milliards d'euros par mois. Il n'y a pas que de l'argent net là-dedans. Les circuits sont connus. Il y a des pays particulièrement accueillants. On l'avait constaté au moment de la crise de Chypre il y a deux ans: l'économie chypriote était sous perfusion russe permanente. Cela a sans doute changé, mais il y a toujours des pays qui sont prêts à prendre le relais. Il y a des pays comme Malte et le Portugal qui octroient des passeports économiques, accordés à des gens qui ne sont pas européens moyennant 500.000 ou 600.000 euros d'investissements dans le pays. Ces passeports ne sont clairement pas destinés aux personnes les plus pauvres du subcontinent africain."

HSBC promet de rompre avec les pratiques fiscales du passé

Les pratiques anciennes de HSBC qui ont pu permettre à des clients de frauder le fisc sont inacceptables et n'ont plus lieu d'être, affirme le patron de sa filiale de banque privée dans un message adressé au personnel après de nouvelles révélations dans l'affaire "SwissLeaks".

"Nos pratiques et notre modèle de fonctionnement de l'époque ne sont plus acceptables", y déclare Peter Boyles, qui a pris la tête de la division Global Private Banking de la banque britannique en décembre 2012.

"Nos clients ont besoin de savoir que nous avons changé et que les pratiques du passé qu'ils découvrent dans la presse n'ont pas leur place dans une banque privée moderne. De notre côté, nous n'avons absolument aucune appétence pour traiter avec des clients ou des clients potentiels qui font de l'évasion fiscale ou qui ne se conforment pas à nos normes en matière de blanchiment d'argent", ajoute-t-il selon une source qui a eu connaissance du texte.

HSBC a admis dimanche des "défaillances" de sa filiale suisse après des révélations de plusieurs journaux, dont Le Monde, sur un système d'évasion fiscale de grande ampleur mis en place dans les années 2000 au bénéfice de ses clients fortunés.

(Reuters)

N.G.