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Cette biotech suisse croit aux vers comme cobayes à la place de souris

Le ver qu'utilise Nagi Bioscience pour des expérimentations pourrait remplacer les centaines de milliers de souris sacrifiées en Suisse.

Le ver qu'utilise Nagi Bioscience pour des expérimentations pourrait remplacer les centaines de milliers de souris sacrifiées en Suisse. - Anne-Christine Poujoulat-AFP

Nagi Bioscience a mis au point un dispositif de tests automatisés utilisant un minuscule ver partageant une grande part de son génome avec l'Homme. Cette approche remplace les souris de laboratoire utilisées comme cobayes par l'industrie cosmétique et pharmaceutique.

De minuscules vers sauveront-ils la vie de milliers de souris de laboratoire, sacrifiées pour mettre au point des médicaments ou des cosmétiques? C'est l'ambition d'une start-up suisse, issue d'un essaimage de l'école polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse). Nagi Bioscience a développé une technologie permettant d'utiliser facilement C.elegans, un minuscule ver d'un millimètre de long, pour des expérimentations de laboratoire, car 45% à 50% de ses gènes ont des équivalents dans le patrimoine génétique humain. "Sur les gènes qui sont dysfonctionnels chez les humains, cette proportion atteint 65%, ce qui est inespéré" explique Laurent Mouchiroud, cofondateur de la biotech helvétique.

En Suisse, 400.000 souris de laboratoire ont été "utilisées"

Connu des laboratoires de génétique depuis les années 1960, ce petit ver, en raison de sa délicate manipulation manuelle, reste toutefois peu utilisé comme cobaye et organisme vivant par les chercheurs des laboratoires universitaires ou industriels. La dure réalité, pour les défenseurs de la cause animale, montre qu’en 2016, les laboratoires, rien que suisses, ont sacrifié plus de 600.000 animaux, dont 400.000 souris, selon les chiffres de l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.

Le grand atout des vers (invertébrés) est de sortir du champ des expérimentations animales alors que dans un pays comme la Suisse, elles ne sont admises que si aucune alternative n’est disponible. La détention d’animaux de laboratoire y est aussi soumise à des règles strictes.

L'UE interdit la vente de cosmétiques testés sur l'animal

S'il reste encore impossible de se passer d'animaux de laboratoire pour mener des expériences, la jeune société de Lausanne et sa technologie pourraient permettre d’épargner la vie de nombreux rongeurs. Son kit d'expérimentation se compose d'une petite cartouche (illustration ci-dessous) dans laquelle sont déposés les petits vers et leurs milliers de gènes en commun avec le génome humain.

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- © La biotech suisse a développé une microcartouche qui contient les vers minuscules-Nagi Bioscience

Cette cartouche microfluidique est ensuite insérée dans un appareil que la start-up a aussi conçu. Ce système permet de pratiquer des analyses in vivo (sur un organisme vivant complexe) à l'échelle de tests in vitro, sur cette cartouche de la taille d'une carte de crédit. L'automatisation des analyses fait gagner du temps grâce à la suppression d'étapes comme l'inspection visuelle et minutieuse des résultats par un personnel expérimenté.

Le prototype mis au point par l'équipe de Nagi Bioscience sera bientôt en mesure de réaliser 96 tests à la fois. Pour industrialiser son produit, la start-up a déjà bénéficié de 500.000 francs suisses (430.000 euros) d'aides et de fonds. Elle cherche actuellement à lever des fonds de l'ordre de 1 à 2 millions de francs suisses (de 860.000 à 1,7 million d'euros). Son autre défi sera d'affronter le marché car son approche intéresse l'industrie pharmaceutique mais aussi l’industrie cosmétique, confrontée dans l'UE à l'interdiction de la vente de cosmétiques testés sur les animaux.

Frédéric Bergé