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Cette sénatrice américaine enverrait bien en prison les banquiers de Wall Street

La Sénatrice Warren a eu des mots dévastateurs à l'encontre du patron de Wells Fargo, accusé d'avoir activement participé aux agissements illégaux de la banque.

La Sénatrice Warren a eu des mots dévastateurs à l'encontre du patron de Wells Fargo, accusé d'avoir activement participé aux agissements illégaux de la banque. - Saul Loeb - AFP

John Stumpf, le patron de Wells Fargo, l'une des plus vieilles banques américaines, a été étrillé mardi par la commission bancaire du Sénat pour des malversations entre 2011 et 2016. Une des élues qui a interrogé cette figure de Wall Street estime que "les choses ne changeront que lorsque la justice les enverra enfin en prison".

C’est une tradition américaine bien établie, en cas de dysfonctionnement du système financier: le Sénat aime faire passer ses banquiers malhonnêtes sur le grill. Et même quand on s’appelle Jamie Dimon (JPMorgan), et Lloyd Blankfein (Goldman Sachs), la commission des affaires bancaires est impitoyable dans ses réquisitoires et ses commentaires. Il est vrai que l'enjeu est capital pour l’opinion publique.

Mais c’est sans doute John Stumpf, président de la très réputée Wells Fargo, l'une des plus vieilles banques américaines -elle a été fondée à San Francisco au temps de la Conquête de l’Ouest- qui a subi les attaques les plus violentes jamais entendues au sein de l’institution américaine.

Gonflage artificiel des comptes

John Stumpf était entendu à propos d’un dossier récemment réglé "à l’amiable" par sa banque, via le paiement d’une amende de 185 millions de dollars. Entre 2011 et 2016 au moins, Wells Fargo a reconnu avoir truqué ses comptes et s’être livrée à des pratiques commerciales illégales.

Mise en difficulté par des opérations malheureuses sur des crédits à risques pendant la crise de 2008, Wells Fargo a tenté de redresser ses finances via ce qui a toujours fait sa force: la banque de détail. Mais l’enquête des régulateurs bancaires a révélé qu'elle avait utilisé des moyens totalement illégaux pour parvenir à ses fins. Vente forcée de nouveaux comptes bancaires aux clients, ouverture de faux comptes, trucages comptables… Elle Avec même une pression maximale sur les commerciaux pour qu’ils réalisent des objectifs aussi fous que "faire en sorte que chaque client ait huit comptes".

Des pratiques que le patron John Stumpf, en préambule à l’audition, a dit "profondément regretter", tout comme le fait de n’avoir "pas réagi à temps pour empêcher ces pratiques malhonnêtes". Il s’est également dit prêt à assumer ses responsabilités, même s’il refuse de reconnaître que ces pratiques constituaient une "stratégie orchestrée".

"Incroyable lâcheté"

Ses excuses sont loin d’avoir convaincu les sénateurs. Et la plus virulente aura été Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts. Son réquisitoire, long et argumenté, a fait l'effet d'une véritable exécution en place publique. "Vous vous rendez compte qu’après ce qu’on vous reproche, vous n’avez pas démissionné, vous n’avez pas rendu un centime aux clients qui ont été floués, ni nettoyé vos instances dirigeantes. Votre pratique du management repose sur une incroyable lâcheté", dit-elle.

Et ce n’est qu’un début. "Il y a vraiment quelque chose qui me rend folle, là-dedans, poursuit-elle. Si l'un de vos conseillers bancaires est pris à voler dans la caisse, il finit en prison, non? Vous, vous avez pressuré vos employés jusqu’au burn-out pour tromper vos clients, et faire grimper le cours de votre action en bourse ! Et quand le pot-aux roses a été découvert, vous conservez votre emploi, vos primes de plusieurs millions de dollars… Et vous avez le toupet de débarquer sur les plateaux de télévision pour rejeter la faute sur vos employés, qui travaillaient douze heures par jour pour tenter de réaliser vos objectifs délirants? Monsieur, vous devriez au mieux démissionner, et être livré à la justice ainsi qu’aux autorités boursières!"

Fraude caractérisée

Visiblement peu ébranlé par la violence du réquisitoire de la sénatrice, John Stumpf explique alors tranquillement que la pratique du "cross selling" de produits financiers, à l’origine, n’est pas illégale. Mais le Sénateur de Pennsylvanie, Pat Toomey, en remet une couche. "Ah non, je regrette, ce n’était pas du "cross-selling". Ne pas informer les clients de ce qu’on fait de leur argent, cela s’appelle de la fraude caractérisée, Monsieur".

Le reste de l'audition de John Stumpf se passera tout aussi mal. Immanquablement, l’ensemble des protagonistes relance le débat sur la généralisation des pratiques bancaires illégales, et sur le besoin de régulation et de sanctions plus sévères à ce niveau.

Pour la sénatrice Warren, cette audition résume tout bonnement une triste vérité: "Les banquiers de Wall Street ne sont jamais responsables de rien, à les écouter. Pas plus maintenant que lors de la crise de 2008, quand ils ont ruiné le système financier. Les choses ne changeront que quand la justice les enverra enfin en prison. Sans cela, ça restera "business as usual".

Antoine Larigaudrie