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Chantiers navals de Saint-Nazaire: 150 ans entre prospérité et crise

Depuis plus d'un siècle et demi, les Chantiers de l'Atlantique ont affronté vents et marées.

Depuis plus d'un siècle et demi, les Chantiers de l'Atlantique ont affronté vents et marées. - -

L'Américain Royal Caribbean International a confié, jeudi 27 décembre, la construction d’au moins un paquebot géant à STX France. L’occasion de revenir sur l’histoire des chantiers de l’Atlantique.

C’est un contrat historique qui a été signé jeudi entre les Chantiers navals STX France de Saint-Nazaire et l'Américain Royal Caribbean International. En jeu : la construction d’un paquebot de croisière géant qui devrait rapporter plus d'un milliard d'euros,selon le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici.

Une bonne nouvelle après quatre ans d'un passage à vide entamé avec la crise financière de 2008. Il faut dire qu’en plus de 150 ans d’histoire, les mythiques Chantiers de l’Atlantique ont connu des hauts et des bas.

1861 : Création par les frères Pereire des Chantiers de Penhoët. A l’époque, Saint-Nazaire est un village de moins de 1.000 habitants. La ville décide de moderniser son port pour devenir la porte d’entrée du trafic postal transatlantique. Selon la convention de l’époque, la moitié des navires dédiés au transport de courrier sur cette ligne doit être construite en France. C’est cette obligation qui permet l’installation en Loire-Atlantique d’un chantier de construction navale.

1864 : Mise à l’eau du premier navire construit sur les Chantiers de l’Atlantique, "l’impératrice Eugénie". C’est aussi le premier paquebot construit en France. Il assure la liaison avec le Mexique.

Illustration de l'Impératrice Eugénie (WikimediaCommons)

1939-1945 : Saint-Nazaire, qui abrite une base sous-marine allemande, devient une cible pour les Forces Alliées. Les raids s’y succèdent, jusqu’à provoquer la destruction à 45% des infrastructures industrielles. A l’heure de la paix, l’Etat français apportera un double soutien au site. Il aidera à financer la reconstruction et la modernisation des Chantiers. Il multipliera également les commandes pour reconstruire une flotte civile et commerciale réduite à peau de chagrin par la guerre.

1955 : Les commandes publiques ont cessé depuis cinq ans. Le marché de la construction navale s’internationalise. Les chantiers français semblent manquer de compétitivité face à leurs nouveaux concurrents. Une réorganisation s’impose. Les chantiers de Penhoët et les Ateliers et Chantiers de la Loire fusionnent pour former les Chantiers de l'Atlantique.

1956 : Début de la construction du France. Le mythique paquebot aura nécessité 62 mois de travail. Il sera inauguré en 1960 par le Général de Gaulle en personne. Il succède au Normandie, victime d’un incendie qui provoqua son naufrage. Lui-même avait été construit à Saint-Nazaire à partir de 1932.

1964 : Les commandes de paquebots et de navires militaires se tassent. Apparaissent les commandes de pétroliers et de méthaniers. Mais la concurrence avec la construction navale japonaise est féroce. Pour faire face, les Chantiers de l’Atlantique se restructurent. La fonderie de Saint-Nazaire ferme ses portes, la totalité des 250 employés est licenciée. De quoi donner lieu à une vaste grève générale, et à plusieurs semaines d’occupation de l’usine.

Le Paquebot France lors de sa mise à l'eau en 1960 (MariPop)

1974 : Le chantier nazairien, confrontés à des difficultés économiques, prépare son entrée en Bourse. Suivant le modèle nippon, la création de partenariats industriels est envisagée. Deux ans plus tard, en octobre 1976, les Chantiers s’unissent à Alsthom (futur Alstom) pour former Alsthom Atlantique.

1985 : Déjà, Royal Caribbean Cruise Line confie aux ingénieurs français la construction de leur navire de croisière, le Souverain des Mers. Un défi de taille puisqu’il doit être prêt en 29 mois, un temps record. Les Chantiers y parviennent, signant leur retour sur le marché des paquebots géants.

1988 : Mouvement social d’ampleur sur les Chantiers Navals français. Plusieurs jours durant, des centaines d’ouvriers de Saint-Nazaire défient la direction et bloquent la circulation. Ils dénoncent la suppression de 135 emplois.

1991 : Le chantier nazairien signe une commande spectaculaire pour cinq méthaniers pour le groupe Petronas. Le dernier sera livré en 1997.

2001 : Le scandale de l’amiante éclate aussi sur les Chantiers. Le tribunal de Nantes reconnaît la "faute inexcusable" de la direction. Les précautions n’ont pas été prises pour protéger les salariés. Les plaignants, des salariés, seront indemnisés, et le montant de leur dommages et intérêts sera majoré. 1.500 ouvriers ont développé des maladies liées à l’amiante.

Le Queen Mary II lors de sa construction sur les chantiers de l'Atlantique (Fabrice Pluchet)

2003 : C’est le retour des paquebots géants à Saint-Nazaire. En décembre, le Queen Mary II est mis à l’eau en grande pompe.

2006 : Le Finlandais New Aker Finyards rejoint Alstom (qui a entre temps perdu son "H") pour créer Aker Yards, nouveau géant de la construction navale mondiale. Deux ans plus tard, en 2008, le japonais STX Ship Building procède à une OPA sur le groupe qui devient STX Europe. L’Etat, via le Fonds stratégique d’investissement, prend 33% du capital des ex-chantiers de l’Atlantique.


Nouveau coup dur pour les chantiers navals de...

2011 : Les chantiers traversent encore une phase de turbulences. La compagnie Viking River Cruise a annulé ses commandes à Saint-Nazaire. Ce sont quatre millions d’heures de travail en moins, alors que presque aucune nouvelle commande n’a été signée en 2011. La direction se voit obligée de mettre en place des périodes de chômage partiel.

2012 : Face à la crise, les Chantiers STX France décident de se diversifier. Ils nouent une alliance avec Areva pour proposer des offres de turbine électrique et de fondation d'éolienne pour répondre aux appels d'offres européens. Le consortium remporte la vente d'une première sous-station électrique pour un champ d'éoliennes d'Europe du Nord.

Aujourd’hui : La signature du contrat avec Royal Caribbean International est une bouffée d’oxygène pour les 2.100 salariés directs de STX en France, et pour ses quelque 4.000 sous-traitants. Depuis un peu plus de six mois, les bureaux d'études et certains secteurs de fabrication étaient touchés par du chômage partiel. Selon les syndicats, certains sous-traitants avaient même commencé à licencier.


Vidéo: Laura Zéphirin

Nina Godart