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"Chemise arrachée": le parquet requiert la relaxe pour Air France, assignée par la CGT

Le directeur des ressources humaines d'Air France, le 5 octobre 2015.

Le directeur des ressources humaines d'Air France, le 5 octobre 2015. - Kenzo Tribouillard - AFP

Les syndicalistes accusent la compagnie aérienne d'"immixtion dans un conflit social", c'est-à-dire d'avoir violé le droit de grève et ainsi indirectement provoqué l'épisode de la "chemise arrachée" d'un DRH le 5 octobre 2015. L'argument n'a pas convaincu le parquet. Le jugement doit être rendu le 23 mars.

Air France a-t-elle indirectement provoqué l'épisode de la "chemise arrachée" du DRH en restreignant le droit de grève de ses salariés ? La CGT l'affirme et a assigné en justice la compagnie aérienne mais n'a pas convaincu le parquet de Bobigny vendredi. La question, qui était examinée par le tribunal correctionnel, renvoie au 5 octobre 2015. Ce jour-là, une manifestation organisée devant le siège de la compagnie à Roissy avait dégénéré quand la foule des grévistes avait envahi le Comité central d'entreprise où la direction venait d'agiter la menace d'un plan de suppressions de 2.900 emplois.

Les vidéos de deux DRH d'Air France escaladant un grillage pour fuir la colère des manifestants, torse nu pour l'un, la chemise en lambeaux pour l'autre, avaient fait sensation. Quatre responsables de ces violences ont été condamnés en novembre 2016 à Bobigny et leur procès en appel se tiendra en mars à Paris. Mais deux d'entre eux ont décidé de poursuivre en justice leur ex-employeur, qu'ils jugent être le véritable responsable de ces violences en ayant fait bloquer l'accès au siège par des sociétés de sécurité privées.

Des remous dans la salle

Les deux plaignants, Fabrice Lhermitte et Vincent Martinez, associés à la CGT Air France, ont invoqué contre leur ex-employeur un délit rarement sanctionné depuis sa création à la fin du 19e siècle: "l'immixtion dans un conflit social". Aux côtés de la compagnie comparaissaient vendredi deux sociétés de sécurité, Lancry et ISN (International security network), auxquelles elle avait fait appel en prévision de la manifestation. 

"Cette affaire n'est pas un écran de fumée: on est là parce qu'on considère que le droit de grève, qui est un principe constitutionnel, a été violé par Air France", a dit l'avocate des plaignants, maître Lilia Mhissen. La compagnie a voulu faire échec à un piquet de grève et faire la police chez elle" en recrutant des agents de sécurité, a-t-elle ajouté. L'argumentaire n'a pas convaincu le parquet. La procureure a rappelé que la loi du 12 juillet 1883 établissant le délit d'immixtion avait été adoptée "en réaction à l'expulsion violente d'employés grévistes dans une entreprise du Calvados par des vigiles".

Or, pour la représentante du parquet, Air France n'a pas recruté des agents pour "empêcher une action syndicale mais pour assurer la sécurité" de son personnel. Et "heureusement qu'Air France a pris de telles mesures", a ajouté la procureure, suscitant des remous dans la salle parmi les soutiens des plaignants, tous CGT. Le jugement est prévu le 23 mars.

R.V. avec AFP