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Cinéma français: coup de blues après l'euphorie

Le président de Wild Bunch Vincent Grimond s'est livré à une auto-critique plutôt rare

Le président de Wild Bunch Vincent Grimond s'est livré à une auto-critique plutôt rare - -

Les professionnels du secteur, réunis à Dijon, se sont prédit un sombre avenir. L'argent venu des chaînes de télévision, qui avait entraîné moult excès, est amené à se raréfier.

Les rencontres cinématographiques de Dijon, qui se sont tenues de jeudi à samedi, ont permis aux professionnels de la profession de se livrer à une autocritique plutôt rare.

Premier à mettre les pieds dans le plat, le producteur et distributeur Vincent Grimond, qui a prévenu: "nous avons vécu une époque bénie, où nos recettes commerciales montaient sans qu’on n’ait rien à faire, mais ce temps est révolu".

Le président de Wild Bunch a expliqué le cinéma français a bénéficié d’un flot d’argent en provenance des chaînes de télévision. En effet, les obligations d’investissement des chaînes dans le 7ème Art sont indexées sur leur chiffre d’affaires, et donc croissent automatiquement avec leurs recettes. «La croissance du nombre d’abonnés à Canal Plus et les parts de marché staliniennes de TF1» ont donc donné naissance à «une période bénie où nos recettes montaient en dormant».

"Dérives inacceptables"

Ce qui a conduit à quelques excès. «On a probablement sorti trop de films cette année, on a probablement mis trop d’argent [pour acheter les droits], des montants aussi élevés n’étaient peut être pas raisonnables…», a admis Vincent Grimond.

Même son de cloche chez René Bonnel, qui a regretté que le secteur «un peu perdu» le sens de la mesure. «Un budget de 20 millions d’euros, c’est énorme. Et 40 millions, c’est considérable», a pointé l’ancien responsable du cinéma chez Canal Plus, pour qui «il y a eu des dérives inacceptables», notamment dans les cachets des vedettes.

Concurrence déloyale des Qataris

Seulement voilà, les chaînes de télévision se portent moins bien. «Canal Plus stagne, et les chaînes généralistes plongent», a constaté René Bonnel. «Le cinéma a disparu des 10 meilleurs audiences de TF1», a ajouté Vincent Grimond.

Alain Sussfeld, directeur général d’UGC, a abondé: «les recettes publicitaires des chaînes en clair vont baisser, et le nombre d’abonnés à Canal Plus va baisser mécaniquement». En effet, la chaîne cryptée «subit la concurrence déloyale de BeIn Sport». Et «le bouquet CanalSat, qui était un centre de profits, se détériore». Bref, le producteur et exploitant s’est dit «extrêmement inquiet de l’évolution économique» de la filiale de Vivendi.

Les enfants gâtés ont la gueule de bois

Résultat: après avoir dansé tout l’été, les enfants gâtés ont un peu la gueule de bois. Pour Alain Sussfeld, «dix huit mois pus tard, on voit apparaître les catastrophes. Le marché se retourne. On est dans a contraction. On est passé d’un cycle de croissance à un cycle de stagnation». Vincent Grimond confirme : «on est dans une période d’argent rare». Selon René Bonnel, «il y a moins d’argent, donc le marché se contracte. Certes, ça s’est pas mal calmé côté budgets, mais pas encore côté cachets».

En revanche, le patron d’UGC n’est pas trop inquiet du recul des entrées en salles (-6% à fin septembre): «on devrait atteindre 195 millions de spectateurs cette année, avec une offre moyenne. Arrêtons de pleurer et de comparer avec le miracle de 2011!». Cette année-là, les entrées avaient atteint 217 millions, un record qui n’avait pas été atteint depuis… 1966.

Jamal Henni à Dijon