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Cinéma: l'utilisation de l'ISF PME dénoncée par la Cour des comptes

Les droits à l'international des "Borgias" sont commercialisés par une PME de défiscalisation

Les droits à l'international des "Borgias" sont commercialisés par une PME de défiscalisation - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE

Selon un rapport de la Cour des comptes, la niche fiscale permettant de déduire de son impôt tout investissement dans une PME est "couramment utilisée" dans le cinéma et l'audiovisuel, qui bénéficient déjà d'importantes subventions publiques.

On savait déjà que l'ISF PME servait à tout et n'importe quoi. On découvre aujourd'hui que cette niche fiscale est "couramment utilisée" dans le financement du cinéma et de l'audiovisuel. De même que la niche fiscale homologue qui porte sur l'impôt sur le revenu.

C'est ce que révèle le rapport de la Cour des comptes publié mercredi 2 avril.

Rappelons que ces niches fiscales permettent de déduire de ses impôts un investissement dans une PME: 50% de l'investissement peut être déduit de l'ISF, et 18% de l'impôt sur le revenu.

Production et distribution

En pratique, "certaines sociétés sont des structures ad hoc créées en vue de la production ou de la distribution d’un seul film, d'autres investissent dans un portefeuille de films. Il arrive également que ces PME soient directement créées par des producteurs ou des distributeurs, qui se servent de ces sociétés comme fonds d’investissement. Enfin, certaines investissent dans l’acquisition de droits d'exploitation et de distribution de films de catalogue", explique le rapport.

Le rapport cite par exemple Les Borgia SAS, société montée par le gestionnaire de patrimoine Axone Invest et qui commercialise les droits de la série télévisée du même nom.

Doublon avec les niches fiscales existantes

Problème: ces réductions d'impôts bénéficient à un secteur déjà très subventionné, notamment grâce à moult niches fiscales spécifiques: crédits d'impôts pour les tournages, Sofica, régime dérogatoire d'amortissement...

Pour la Cour, il y a donc un "risque d’un effet d’aubaine pour des productions déjà soutenues par ailleurs".

Bien sûr, le CNC (Centre national du cinéma) nie tout problème, et assure que cela est "complémentaire et pas redondant" avec les Sofica. Une affirmation démentie par la Cour, qui, en examinant 10 budgets, a constaté que 7 films utilisaient à la fois une Sofica et une niche fiscale PME...

Objectif de rentabilité pure

Mais ce n'est pas tout. "En l’absence de système d’agrément, il n’existe aucun contrôle sur la destination des fonds défiscalisés. Ainsi, les investissements ne sont pas orientés prioritairement vers les productions en besoin de financement, mais poursuivent un seul objectif de rentabilité financière, en limitant au maximum la prise de risque", pointe le rapport.

En clair, cet argent ne va pas aux films d'auteur difficiles à monter, contrairement aux Sofica.

Niche fiscale "non maîtrisée"

Autre problème: nul ne sait combien tout cela coûte aux finances publiques. Selon le rapport, le coût de cette niche fiscale "n’est ni clairement identifiable, ni maîtrisé. Le CNC comme l’administration fiscale ne disposent d’aucune vision d’ensemble sur les montants en jeu".

Face à tous ces "risques d'effet d'aubaine et de redondance", la Cour demande donc à ce que cette niche ne puisse être utilisée par les producteurs de cinéma et de télévision.

Jamal Henni