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Cinq questions sur la mise en bourse de SFR

Vivendi envisagerait un montage complexe afin de minimiser ses impôts

Vivendi envisagerait un montage complexe afin de minimiser ses impôts - -

Vivendi a annoncé, mercredi 11 septembre, qu'il allait se séparer de sa filiale SFR d'ici la mi-2014. Un projet qui suscite bien des questions...

Vivendi a annoncé, mercredi 11 septembre, vouloir se scinder en deux entités: d'une part SFR, et d'autre part une entité regroupant Canal Plus, Universal Music et GVT.

La nouvelle a bien été acceuillie en bourse puisque le cours a gagné jeudi près de +3%. Mais elle suscite plusieurs interrogations chez les analystes financiers. Revue de détail.

1 Introduction en bourse ou spin off?

Techniquement, Vivendi a deux options. La première est de mettre en bourse une partie du capital de SFR, comme France Télécom l'avait fait pour Orange en 2001. La seconde est de distribuer des actions SFR à tous les actionnaires de Vivendi (spin off).

C'est cette dernière option qui est jugée la plus probable par les analystes financiers. "Un spin off serait plus facile à mener, étant donné les perspectives difficiles de SFR à court terme. C'est la voie qui a été choisie par PPR pour la Fnac", estime un analyste.

En clair, le spin off évite d'avoir à 'vendre' l'action SFR aux marchés, et donc de trouver des arguments pour les faire rêver...

2 Quelle valorisation?

En 2011, lorsque Vivendi a racheté 44% de SFR à Vodafone, la valeur d'entreprise de l'opérateur était de 23 milliards d'euros: 17,5 milliards pour le capital, plus 5,5 milliards de dettes. Aujourd'hui, l'opérateur vaut assurément moins, mais combien?

Les dirigeants de Vivendi ne sont même pas d'accord entre eux sur la question. En décembre 2012, le président du directoire Jean-François Dubos jugeait "la valorisation de SFR proche de 20 milliards d'euros". Moins de quatre mois plus tard, l'éphémère PDG de SFR Stéphane Roussel parlait de "plutôt 15 milliards d'euros".

Dans les comptes consolidés de Vivendi à fin 2012, SFR vaut 14,5 milliards d'euros, dette incluse. Mais dans les comptes sociaux, la valeur est différente: 12,9 milliards d'euros. Toutefois, cette valeur inclut Maroc Telecom et pas la dette. Si l'on retranche Maroc Telecom (environ 4,5 milliards d'euros) et l'on ajoute la dette nette de SFR (7,7 milliards d'euros, selon les comptes de SFR), alors on aboutit à 16,2 milliards d'euros.

Quoiqu'il en soit, Vivendi a bien pris acte de la perte de valeur de SFR en dépréciant fin 2012 sa valeur de 5,9 milliards d'euros dans ses comptes sociaux.

De leur côté, les analystes valorisent SFR entre 10 et 15 milliards.

3 Quelle dette?

Fin 2013, Vivendi supportera près de 6 milliards d'euros de dette. La question est donc de savoir comment la répartir entre SFR et le 'Nouveau Vivendi' (qui regroupera Canal Plus, Universal Music et GVT).

Fin août, le directeur financier de Vivendi Philippe Capron a dit vouloir que SFR soit rangé en "catégorie d'investissement" (investment grade) par les agences de notation. "Cela suggère donc une dette nette de 2 à 2,5 fois l'excédent brut d'exploitation", estime un analyste.

Avec un excédent brut d'exploitation de SFR prévu à environ 2,5 milliards d'euros, SFR hériterait donc de 5 à 6 milliards d'euros de dette, soit la quasi-totalité de la dette de Vivendi, qui se retrouvera presque désendetté.

"Ce sous-endettement du 'Nouveau Vivendi' devrait permettre le paiement d'un dividende récurrent, mais surtout un programme de rachat d'actions significatif", prédit Oddo.

4 Vivendi se sépare de SFR ou est-ce l'inverse?

Là encore, deux solutions sont possibles. Soit Vivendi se sépare de SFR. Soit l'actuel Vivendi ne garde que SFR et vend tous ses autres actifs, qui formeront le 'Nouveau Vivendi'.

C'est cette second solution que Vivendi envisage. "Les dirigeants de Vivendi ont confirmé qu'en cas de spin off, il serait logique de mener un spin off inversé, c'est-à-dire de transférer tous les actifs médias vers une nouvelle entité, laissant SFR comme seul actif de Vivendi", écrivait en mai un analyste français.

Cette solution est a priori plus complexe, mais elle présente un intérêt de taille: payer moins d'impôts. En effet, cette solution permet d'optimiser l'utilisation des déficits fiscaux que possède Vivendi, estimés entre 1,6 et 2 milliards d'euros.

Ces déficits fiscaux sont dûs aux pertes passées de Vivendi et peuvent être déduits des bénéfices actuels. Mais avec certaines limites. D'abord, ces déficits fiscaux ne sont pas transférables à une autre société. Ensuite, ils peuvent être déduits des bénéfices réalisés par les filiales françaises détenues à plus de 95%. En clair, ils peuvent être déduits des bénéfices de SFR (détenu à 100%), mais pas des profits de Canal Plus (détenu à 80%).

"Si SFR sortait du Vivendi actuel, alors la plupart de ces déficits fiscaux seraient perdus", selon un analyste. "L'un des enjeux principaux de cette scission est de ne pas perdre les crédits d'impôts", abonde Oddo.

5 Pourquoi (pas) le Brésil?

De manière étrange, Vivendi a annoncé que l'opérateur télécoms brésilien GVT fera partie du 'Nouveau Vivendi', aux côtés de Canal Plus et Universal Music. Le 'Nouveau Vivendi' sera donc à nouveau une combinaison hétérogène d'activités médias et télécoms.

Une décision qui déçoit les analystes. "GVT n'est clairement pas un actif média, même s'il a une petite activité de télévision payante au Brésil. Les synergies entre GVT et les autres actifs médias ne sont pas évidentes", pointe Oddo. Un autre abonde: "conserver GVT dans la future entité média paraîtrait maladroit, et n'aiderait pas à ne plus considérer Vivendi comme un conglomérat. Si GVT était combiné à SFR, alors cet ensemble serait plus attractif: la croissance de GVT compenserait le déclin de SFR".

Une explication pourrait être que GVT sera cédé ensuite, mais Vincent Bolloré l'a exclu mercredi.

La dernière hypothèse est donc que Vivendi espère que SFR, une fois en bourse, sera racheté. Or un tel rachat aurait été plus difficile si SFR possédait aussi GVT...

Jamal Henni