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Michelin: ce que rapporte la 3e étoile

Une troisième étoile au guide Michelin apporte des revenus en plus pour le restaurant... et plein d'à-côtés.

Une troisième étoile au guide Michelin apporte des revenus en plus pour le restaurant... et plein d'à-côtés. - STEPHANE DE SAKUTIN - AFP

La récompense suprême du guide Michelin ne satisfait pas que l'ego des restaurateurs qui l'obtiennent. Il assure aussi des rentrées financières conséquentes.

Les savoyards René et Maxime Meilleur, aux fourneaux de "La Bouitte", et Yannick Alléno, chez Ledoyen peuvent avoir le sourire. Ce lundi 2 février, ils sont les stars du Guide rouge 2015. Le Michelin leur a en effet accordé un troisième macaron et ils rejoignent ainsi les 24 restaurants les plus étoilés de France.

Une récompense qui suscite une "émotion incroyable, l'aboutissement du rêve du cuisinier", s'enthousiasme Arnaud Lallement, le chef du restaurant rémois L'Assiette Champenoise. Lui qui a obtenu sa précieuse troisième récompense 2014 reconnaît aussi qu'elle constitue "un vrai vecteur économique".

Le chiffre d'affaires de son restaurant a décollé de 35% en un an, se félicite le chef. Depuis l'obtention de la récompense suprême, sa maison ne désemplit pas. A deux étoiles, le restaurant servait 25 couverts le midi et 60 le soir. Après le sacre, 50 gourmets s'y pressent dès le déjeuner, ce qui permet au chef de limiter le service du soir à 50 couverts.

Le ticket moyen augmente

En outre, et sans même avoir augmenté les prix, le ticket moyen des amateurs de grande cuisine a gonflé. "Une partie de notre clientèle fait le voyage pour goûter notre cuisine. Elle prend les menus dégustation, et les vins qui vont avec", souligne Arnaud Lallement. Si bien que l'ardoise moyenne par bouche, auparavant comprise entre 200 et 250 euros, oscille aujourd'hui entre 250 et 300 euros.

Même écho à la Résidence de la Pinède à Saint Tropez (Var) dont le chef Arnaud Donckele a obtenu sa troisième étoile en 2013. "La première année, nous avons vu déferler une clientèle internationale qui venait non plus visiter la côte d'Azur mais bien le restaurant", explique Olivier Raveyre, son directeur. Des "gastronomes", qui choisissent les menus, les plats, les boissons les plus onéreuses.

L'impact économique de la troisième étoile varie beaucoup d'un restaurant à l'autre, explique une source du milieu. Un restaurant de province qui propose aussi une offre hôtelière en bénéficiera plus: il attirera beaucoup plus de touristes qui prendront, outre le repas, une chambre pour la nuit. Sur les 26 restaurants trois étoiles en France, seuls six ne sont pas également des hôtels, tous situés à Paris ou en proche banlieue. A l'Assiette champenoise, qui propose 35 suites et chambres de charme, quinze personnes ont dû être recrutées pour faire face à l'essor du lieu. Un tiers en salle, un tiers en cuisine, et un autre tiers à l'hôtel.

Jackpot pour les hôtels-restaurants

La Résidence de la Pinède, qui n'ouvre que six mois sur douze, constate aussi ces répercussions économiques en chaîne, sans vouloir fournir aucun chiffre. Plus de chambres réservées à l'hôtel, donc plus de consommation dans les minibars, plus de petits déjeuners servis. La boutique de l'établissement en profite aussi pour vendre à tour de bras des produits dérivés: "de la vaisselle, des vestes de cuisinier au nom du chef Donckele, des produits qu'utilise Arnaud dans ses plats", liste le directeur de l'établissement. Les "bons cadeaux", ces bons pour un repas au sein du restaurant primé, explosent eux-aussi. Au point que la maison tropézienne fait désormais appel à un prestataire spécialisé pour gérer la confection et l'édition de ces cartons.

A Reims, l'engouement pour l'Assiette champenoise s'est maintenu toute l'année, jusqu'aux fêtes, et ne semble pas près de retomber. Quand bien même le cuistot garde toujours quelques tables de libre pour ses habitués, le commun des mangeurs devra s'y prendre quelques semaines à l'avance pour le week-end. A Saint-Tropez en revanche, on a connu un pic de fréquentation l'année qui a suivi l'obtention du sésame, mais une stabilisation l'année suivante. Une année où il aura fallu maintenir le niveau, car le précieux macaron est remis en jeu à chaque nouvelle édition du guide.

Cette constante quête de qualité est cruciale. Car l'effet marche aussi en sens inverse. L'institution Taillevent, qui a perdu sa troisième étoile en 2007, en a fait l'amère expérience, raconte Olivier Gergaud, professeur à KEDGE Bordeaux Business School et co-fondateur de l'Association of Food economists. Selon l'étude qu'il a menée, le chiffre d'affaire du haut lieu de la gastronomie parisienne est passé de près de 7 millions d'euros en 2007 à 5,3 millions en 2008. Un plongeon de 23% !

Nina Godart