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Comment Air France peut-elle devenir exemplaire dans le respect de l'environnement?

Le directeur général d'Air France, Benjamin Smith, en septembre 2019

Le directeur général d'Air France, Benjamin Smith, en septembre 2019 - Pascal Pavani - AFP

L'Etat a accordé un plan "historique" pour sauver Air France. 7 milliard d'euros, à condition que la compagnie française devienne la "plus respectueuse de l'environnement." Pas simple pour le secteur, souvent décrié. Mais le groupe a déjà entamé des mesures et d'autres pourraient s'y ajouter.

"Il n'y a aucun chèque en blanc". Sur Europe 1, la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne a rappelé que l'aide de l'Etat accordée à Air France ne se fera pas sans compensations. "Il ne peut pas y avoir un soutien de l'Etat, avec l'argent des Français, sans engagement écologique de la compagnie".

Pour le gouvernement, l'équation est simple : Air France survivra, grâce à l'aide de 7 milliards d'euros. Mais elle devra devenir "la compagnie aérienne la plus respectueuse de l'environnement", selon les mots du ministre de l'Economie Bruno Le Maire.

Une condition ambitieuse lorsque l'on sait que le transport aérien était en forte progression avant la crise, qu'il émet beaucoup de CO2, et que l'avion commercial électrique reste encore un doux rêve. Alors comment tenir cet objectif? Tour d'horizon des pratiques en cours et celles à venir pour Air France.

La suppression de certains vols court-courrier

Voilà plusieurs mois que la question revient dans l'actualité. Quel avenir pour les vols domestiques d'Air France lorsque le TGV permet de relier Paris à Lyon ou Marseille rapidement? Si des villes comme Toulouse ou Nice restent isolées de la capitale en train faute de ligne grande vitesse, Bordeaux est désormais accessible en 2h15, Marseille en un peu plus de 3h. "S’il y a un substitut train qui est beaucoup plus protecteur de l’environnement... Il faut penser le fait que les TGV relient les hubs plutôt que les avions. Ça coûte moins cher et c’est plus protecteur de l’environnement, et c’est court aujourd’hui en temps de trajet" expliquait dimanche sur BFMTV le député européen EELV Yannick Jadot.

Reste que les vols domestiques, pour Air France, représentent plus de 57.000 clients et même si ce créneau n'était déjà pas une manne financière (185 millions d'euros de pertes en 2018), la direction entendait bien le relancer, notamment avec des places business. Air France peut-il donc se permettre d'y renoncer? Surtout, la SNCF, qui deviendrait alors monopolistique, pourra-t-elle absorber des dizaines de milliers de passagers supplémentaires ? Rien n'est moins sûr. D'ailleurs, la compagnie aérienne a confirmé dimanche qu'elle reprendrait dès le 11 mai ses liaisons entre Paris et les villes de Bordeaux, Brest et Montpellier.

La compensation carbone

Air France n'a pas attendu son renflouement pour lancer de grandes manœuvres environnementales. En 2019, Air France-KLM s’est ainsi fixé pour objectif de réduire ses émissions de CO² de 50% en 2030 par rapport à 2005. Et cela passe notamment par la compensation carbone. Le 1er janvier dernier, le groupe a ainsi lancé son plan de neutralité carbone sur les vols intérieurs avec des actions sur la reforestation, la préservation des forêts et de la biodiversité, et les énergies renouvelables en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie. Evidemment, la neutralité carbone ne fait pas disparaître les rejets de CO². Elle ne fait que les compenser. 

Les nouveaux avions

La modernisation de la flotte est aussi une manière de réduire son empreinte carbone, avec des appareils moins gourmands en kérosène. En 2019, l’âge moyen de la flotte d'Air France-KLM était de 11,6 ans, à peu près dans la moyenne mondiale, mais de 13,7 ans pour les avions d'Air France. Le renouvellement va donc se poursuivre avec les A350 et A220, (un peu) plus écologiques.

Les bio-carburants

A défaut d'un avion électrique, les acteurs du transport aérien planchent sur les bio-carburants. C'est d'ailleurs une volonté gouvernementale puisque ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, et le secrétaire d'Etat chargé des Transports Jean-Baptiste Djebarri ont lancé, fin janvier, un "appel à manifestation d'intérêt" sur cette thématique avec l'idée d'incorporer 5% de bio-carburant dans le kérosène d'ici 2030. Air France, tout comme Airbus ou Total, planche déjà sur le sujet.

La compagnie aérienne a déjà mis en place des opérations isolées comme un protocole d'accord avec Shell "confirmant leur volonté d’alimenter les vols de la compagnie au départ de San Francisco avec un mélange de carburant conventionnel et de carburant durable à compter du 1er juin 2020". Un accord difficilement tenable en raison de la pandémie mais qui devrait revenir sur la table dans les mois qui viennent.

Reste que la filière du bio-carburant est encore balbutiante. Il faut d'énormes ressources à transformer. Les boues d'épuration et les déchets de papiers cartons sont une des options sur la table.

L'optimisation du pilotage

L'éco-pilotage, c'est une manière de réduire sa consommation en kérosène en améliorant le pilotage des avions. Transavia, filiale low-cost d'Air France, a lancé l'idée dès 2013 en s'associant avec la start-up toulousaine OpenAirlines. Concrètement, l'intelligence artificielle et le machine learning permettent d'optimiser le profil de la montée et de la descente, et ainsi de réduire la puissance des moteurs. Lancé l'année dernière avec une autre start-up, Safety Line, un second outil optimise cette fois la vitesse de vol et l'approche de la piste d'atterrissage. Une bonne piste pour Air France.

La suppression du plastique à usage unique

Au-delà des émissions de CO², Air France s'est aussi engagée sur le recyclage des déchets. "Depuis le 1er octobre 2019, Air France s’est lancée dans le tri sélectif des déchets à bord" indique la compagnie dans son rapport financier annuel. De la même façon, le groupe "s’est fixé pour objectif d’avoir remplacé 80% des plastiques à usage unique par des alternatives durables, d’ici à 2025". Fin 2019, Air France a supprimé progressivement 210 millions d’articles en plastique à usage unique, soit 1.300 tonnes (gobelets, couverts, bâtonnets).

Thomas Leroy