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Comment des écrivains du dimanche font fortune sur Amazon

Le succès de cette tendance est tel qu’Amazon a décidé de créer un prix, comme la littéraire en a avec le Goncourt, le Médicis ou le Fémina. Ce prix sera remis le 5 octobre à Paris par Lorant Deutsch.

Le succès de cette tendance est tel qu’Amazon a décidé de créer un prix, comme la littéraire en a avec le Goncourt, le Médicis ou le Fémina. Ce prix sera remis le 5 octobre à Paris par Lorant Deutsch. - Bookshelves - Flicker CC

Des auteurs amateurs vendent désormais presque aussi bien que des "pros" grâce à Amazon qui a renouvelé de fond en comble le livre à compte d'auteur. Et cela marche. Dans le top 100 de ses ventes, 40% des ouvrages sont des autoéditions.

Une nouvelle génération d’écrivain est en train d’inonder nos liseuses, nos tablettes et nos smartphones. Et ce n’est pas une histoire d’âge. Ces plumes font valoir leur talent sur Kindle Direct Publishing (KDP), la plateforme d’autoédition d’Amazon. Certaines ont été ignorées par les grandes maisons d’édition, d’autres n’ont même pas poussé leurs portes. Et, pour certains, cette entrée par la petite porte leur a ouvert les grandes. Et si dans les livres à compte d'auteur il fallait payer les tirages, le livre numérique ne réclame que du temps et du talent.

Ils sont en effet de plus en plus à avoir été reconnus par les lecteurs, avant que les critiques ne s’intéressent à eux. Pour preuve, sur le top 100 d’Amazon, 40% sont des écrivains du dimanche. Et ils sont de plus en plus à se découvrir une fibre pour les lettres.

Selon une étude Odoxa réalisée lors du dernier Salon du livre, la France est un vivier d’écrivains. Trois Français sur dix sont tentés par cette aventure, même s’ils ne sont que 4% à avoir atteint l’objectif.

Ubériser les maisons d'édition ?

Pour Amazon, cette tendance repose d’abord sur un problème d’offres et de demandes. "Il y a une vraie demande de la part des lecteurs, mais les canaux traditionnels de l’édition ne peuvent gérer toute l’offre", explique Eric Bergaglia, responsable de la filiale d’autoédition de Kindle France.

"C’est peut-être nouveau dans le livre, mais ce phénomène s’est déjà produit dans la musique. Rappelons-nous que des plateformes comme MySpace ont permis à de petits groupes de se faire connaître sans passer par les labels. C’est le même principe."

Est-ce une manière d’ubériser le monde de l’édition? "Pas vraiment, réagit Eric Bergaglia. Il ne s’agit pas de mettre en concurrence des professionnels soumis à des règles avec des amateurs qui n’en ont pas." Ce dernier reconnaît tout de même que l’auteur se voit contraint de travailler plus en gérant seul toute l’édition. Cela va du choix du prix et de la zone de distribution jusqu’au choix du titre, de l’image de couverture et de la promotion.

Mais le modèle fonctionne. Pour certains, l’autoédition devient même la voie du succès. C’est le cas de Agnès Martin-Lugand qui a publiée en 2012 sur KDP Les gens heureux lisent et boivent du café. Le livre a d’abord été un best-seller de l’autoédition avant d’être repérés par Michel Lafon. Elle en est désormais à son troisième roman.

Idem pour Amélie Antoine qui, avec Fidèle au Poste a dépassé sur Amazon les ventes de Douglas Kennedy, l’auteur de Mirage. "C’est vrai, nous sommes seuls pour tout faire, a-t-elle confié récemment. Mais l’avantage est le lien avec les lecteurs qui font ou non le succès de votre livre."

Bientôt un prix pour ces auteurs du dimanche 

L’expérience est telle que l’autoédition attire aussi des auteurs confirmés qui soit publient un livre qui sort de leur genre habituel, soit parce que leur éditeur a refusé un manuscrit. C’est le cas d’Alice Quinn. "En 2013, Un Palace en Enfer a dépassé 50 nuances de Grey dans les ventes Amazon", indique Eric Bergaglia, persuadé que si les grands romans bénéficient de grosses promotions dans les médias, les autoédités sont, eux, portés par les 18 millions de clients d’Amazon.

Et ce public attire de plus en plus d’auteurs traditionnels qui deviennent ainsi des auteurs hybrides. "Ils voient leurs revenus baisser et, pour eux, l’autoédition devient une rémunération complémentaire." Cette tendance a été constatée dans une étude réalisée pour l’Authors Guild, le syndicat des auteurs américains. Elle révèle qu’entre 2009 et 2015, le revenu des auteurs a chuté de 30% à 38%. "Ils voient dans l’autoédition une manière de publier les ouvrages refusés par leurs éditeurs" peut-on lire dans cette étude.

Le succès de cette tendance est tel qu’Amazon a décidé de créer un prix, comme la littéraire en a avec le Goncourt, le Médicis ou le Fémina. Ce prix sera remis le 5 octobre à Paris par Lorant Deutsch, cet acteur qui s’est découvert tardivement un talent d’historien. Dix auteurs sont en lice. En plus d’une prime de 5.000 euros, le lauréat accédera à un dispositif qui l’aidera à faire connaitre son roman. Mais surtout, le livre pourra est traduit dans une autre langue pour toucher des non-francophones. Un cadeau que peu de maisons d’édition peuvent offrir aussi aux auteurs, même à de grandes plumes.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco