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Comment des femmes dépassent les préjugés sexistes au travail

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Dirigeantes, directrices ou entrepreneuses, ces femmes qui réussissent ont raconté à BFM Business ce moment où elles ont été confrontées aux préjugés, au sexisme, et comment elles ont réagi.

Le sexisme a beau être une problématique prise à bras le corps par les entreprises, des préjugés peuvent toujours avoir cours. Nous avons demandé à des femmes qui ont réussi de nous raconter une expérience où elles y ont été confrontées, et comment elles ne se sont pas laissé couper les jambes.

> Catherine Ladousse, directrice communication chez Lenovo et présidente d'InterElles

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"Après plusieurs années chez IBM, où, avec 70 à 80% d'hommes, les comportements étaient forcément "genrés", j'ai pris un congé parental pour m'occuper de mes trois filles, à l'étranger. À mon retour, je m'occupe de la communication d'une grande entreprise française. Lors d'un rendez-vous, le DRH me lance "vous avez trois enfants, votre mari est haut fonctionnaire, croyez-vous vraiment être en mesure de travailler?"

"Passé le choc, j'ai réagi. Ces années passées loin de l'entreprise constituaient une expérience enrichissante, j'ai notamment appris plusieurs langues. Dans ces situations, il ne faut pas s'effondrer, s'excuser, se justifier. Il faut réagir positivement, garder confiance en soi, et refuser le jugement".

"J'aurais pu rester, mais cette réflexion a été un choc salutaire, qui m'a dopée pour prendre un autre chemin. Chez American Express, j'ai pu exercer mon métier avec moins de barrière et de stéréotype. Le secteur technologique, qui peine à attirer des talents féminins, leur déroule le tapis rouge".

> Anna Perret, manager chez le comparateur de prix d'Axel Springer, Idealo

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"En Allemagne, où je travaille, le problème n’est pas tant le harcèlement que le poids moindre de la voix féminine par rapport à celle des hommes. Aujourd'hui chez Idealo, je n'ai plus ce sentiment. Mais il a pu arriver auparavant en réunion que mes interlocuteurs aient tendance à davantage mettre en doute mes observations et propositions. Parfois, un homme formulait les mêmes presque mot pour mot sans rencontrer aucune contestation.

Comme parade, on peut faire part de ses idées par écrit. Cela évite d'être interrompue dans son exposé. Lorsque je fais des propostions à l'oral, j'anticipe les objections en préparant bien mes arguments: des chiffres, des faits, afin de ne jamais donner l'impression que je parle de mon ressenti. Je mets les bouchées doubles.

Avec le temps et l'expérience, on se construit une carapace. Si des mises en cause devaient arriver, elles n'atteindraient plus ma confiance en moi. Je me dirais que le simple fait d'être là signifie que mon travail est reconnu".

> Dominique Carlach, fondatrice de D&Consultants, présidente du comité sport du Medef

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“Je mesure 1,80m, j’en impose forcément face à mes interlocuteurs. Si jamais on venait me chercher sur le plan du sexisme, forcement je répondrais du tac au tac. Il ne faut pas se laisser faire, il faut savoir imposer sa personnalité.

Je suis une ancienne sportive de haut niveau (elle a été sélectionnée plusieurs fois en équipe de France sur le 400m, ndlr), j'ai su transposer mon goût pour la performance dans le monde professionnel. Je n'ai pas peur d’affronter l’inconnu et l’incertitude.

Je me suis lancée il y a 25 ans dans le conseil en innovation. J’avais moins de 30 ans, je n’étais pas ingénieure et j’étais une femme. Or je me trouvais face à un public de papy boomer, ingénieur et principalement masculin. Mais il faut se montrer sûre de soi et convaincue de ce que l’on peut apporter.

Si j'ai un conseil à donner aux femmes qui veulent devenir chef d’entreprise : dépasser le clivage homme/femme, affirmer votre envie de faire et votre motivation. Tout en gardant son côté enjoué et gai, une qualité que j'ai noté chez les femmes entrepreneurs".

> Clémence Durieux, fondatrice de LeBonGustave.fr, négociant en vin pour particuliers via une application

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"Pour lancer LeBonGustave, j'ai fait une étude de marché en interrogeant des clients potentiels, et des professionnels du vin qui pouvaient devenir nos futurs partenaires. L'un de ceux à qui j'expliquais mon projet m'avait répondu qu'il pensait totalement impossible que ça puisse marcher si une femme, jeune qui plus est, menait le projet. Et que lui n'accepterait jamais de collaborer avec moi.

Je l'ai laissé parler, mais je me suis promis de lui donner tort. Cette année, nous figurons parmi les plus gros clients de ce professionnel. Beau joueur, il m'a envoyé une lettre d'excuses, où il m'écrit qu'il n'aurait jamais dû dire ça, qu'il a été con, qu'il y avait de la place pour moi dans le secteur. Comme quoi il faut persévérer dans ses idéaux, parce que quand on persiste, on peut faire tomber les préjugés".

> Jovi Umawing, analyste en intelligence malveillante chez Malwarebytes

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"Je travaille dans la cybersécurité dans la Silicon Valley depuis plus de 15 ans. Mes recherches sur le sujet sont régulièrement publiées et font alors l’objet d’articles dans la presse internationale. Les journalistes prennent soin de me mentionner, ce qui est très gratifiant. Toutefois, la plupart du temps, ils me citent au masculin: "lui", "il".

Les premières fois, je n’en ai pas vraiment tenu compte. J'ai considéré cela comme de l’inattention, presque avec le sourire. Puis, au fur et à mesure que l’erreur se répétait, j’ai commencé à trouver la situation gênante. J'ai compris qu'on me considérait instinctivement comme un homme car peu de femmes de ce secteur ont la chance de voir les résultats de leurs recherches publiés, ou leurs travaux cités dans la presse.

Désormais, et bien que je me sois habituée à ce que l’on m’attribue le mauvais qualificatif (de moins en moins souvent), je prends toujours le soin de contacter les journalistes pour leur demander la correction. Dans l'ensemble, je suis heureuse de sensibiliser, à ma modeste façon, au fait qu'il y a des femmes dans l’univers de la cybersécurité qui font un excellent travail qui mérite qu'on s'y attarde !"
Coralie Cathelinais et Nina Godart