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Transports

Comment l'administration bride l'essor des sites de coavionnage

La régulation stricte édictée par la DGAC restreint les usages du partage de frais sur un trajet en avion léger en le réservant aux pilotes professionnels et aux pilotes privés expérimentés dotés d'une qualification d'instructeur. Les start-up présentes sur le marché font grise mine.

C'est comme si l'administration exigeait des chauffeurs Blablacar qu'ils aient le permis transport en commun ou une qualification de moniteur d'auto-école. Le nouveau cadre établi par la DGAC pour garantir la sécurité des usagers du coavionnage agace au plus haut point les start-up qui ont misé sur cette niche. Grâce à leur intermédiation, les pilotes d'avion léger pouvaient jusqu'alors partager les frais d'un vol privé ou d'agrément avec des passagers recrutés sur Internet. 

Déjà, en janvier 2016, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) s'était alarmée de l'essor des sites internet de coavionnage, qui se veulent des Blablacar du ciel, en leur imposant les contraintes d'une compagnie aérienne.

Désormais, le régulateur a édicté un nouveau cadre réglementaire qui ne va pas dans le sens d'une libéralisation de ce marché. Bien au contraire. Les nouvelles mesures réservent "la pratique du coavionnage aux pilotes professionnels et aux pilotes privés expérimentés et aptes à gérer des situations dégradées, dans la planification et la réalisation du vol", précise la DGAC.

Une qualification peu répandue parmi les amateurs

Ainsi, pour "les vols circulaires de moins de 30 minutes" et à moins de 40 km du point de départ, réalisés par un pilote privé, il est exigé "une expérience d'au moins 200 heures de vol" ainsi "qu'une expérience récente de 25 heures de vol dans les 12 derniers mois".

Pour les vols de navigation d'un point à un autre, les trajets les plus demandés en coavionnage, les pilotes non professionnels devront détenir "une qualification de vol aux instruments ou une qualification d'instructeur", précise la DGAC. Sur les 27.800 pilotes qui détiennent une licence en France (dont 12.300 professionnels) "environ 14.000" pourront effectuer du coavionnage en vols de navigation", ajoute-t-elle.

De fait, rares sont les pilotes non-professionnels à disposer de la qualification IFR (instrument flight rules), autorisant le pilotage avec la seule aide des instruments de l'avion, ce qui restreint d'autant la possibilité du coavionnage sur des trajets de point à point.

Bertrand Joab-Cornu, cofondateur de la plateforme de coavionnage Wingly, qui avait lancé en janvier 2016 une pétition pour défendre cette activité en France, a estimé, auprès de l'AFP, que le nouveau cadre français "est une interdiction camouflée". "Nous sommes à la fois satisfaits qu'il y ait un cadre légal et déçus car ce cadre est abusif et inadapté à l'activité", a-t-il ajouté, interrogé par l'AFP, estimant qu'il revient à "couper 85%" de l'activité de sa plateforme internet de mise en relation en France.

Frédéric Bergé
https://twitter.com/BergeFrederic Frédéric Bergé Journaliste BFM Éco