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Comment l'Union européenne veut réformer le marché de l'énergie

"L'Europe de l'énergie" est l'une des 10 priorités de la commission Juncker. (image d'illustration)

"L'Europe de l'énergie" est l'une des 10 priorités de la commission Juncker. (image d'illustration) - Yann Caradec - Flickr - CC

La Commission européenne vient de dévoiler une imposante panoplie de propositions visant à accélérer la transition énergétique de l'Union européenne.

Âpres négociations en vue. Très attendue, la révision des huit législations communautaires -soit un millier de pages- régissant le secteur de l'énergie, un domaine sensible pour les États membres promet d'être animée.

En se saisissant de ce dossier, l’exécutif européen cherche à mettre rapidement en place un cadre législatif commun organisant le marché de l'énergie après 2020 mais surtout à se donner les moyens de tenir son engagement de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.

Selon Miguel Arias Cañete, le commissaire européen en charge de l'Action pour le climat, "ces nouvelles règles mettront l'Europe au premier plan de la transition vers une énergie propre. Après l'accord de Paris, l'UE poursuit avec des actions concrètes qui doivent définir les bonnes motivations pour les investissements si nécessaires en Europe". 

Développer les énergies renouvelables 

Bruxelles entend s’appuyer sur deux éléments: un cadre législatif davantage tourné vers les marchés pour les énergies renouvelables -jusqu’à présent largement subventionnées- et de plus grandes économies d’énergie. 

Depuis octobre 2014, l'Union européenne s'est fixée un objectif de 27% d'énergie renouvelable dans la consommation totale d'énergie par rapport à 1990. En l'espèce, sa politique lui permet déjà d'espérer dépasser le taux de 20% qu'elle s'était fixée pour 2020.

La Commission, qui veut réorganiser le réseau électrique, espère faire bouger les marchés de gros vers des règles permettant des échanges à plus court terme, pour "refléter les contraintes de la production variable" des renouvelables, explique-t-elle dans une note. Elle veut maintenir l'accès prioritaire au réseau pour les installations existantes, les petites installations et les projets innovants. 

Économiser davantage d'énergie 

Deuxième pilier: les économies d'énergie. Bruxelles va demander aux États membres d'accélérer leurs efforts, pour atteindre un taux de 30% en 2030 (par rapport aux niveaux de 1990) et le rendre contraignant. Cette mesure pourrait permettre d'économiser 70 milliards d'euros sur la facture des importations d'énergie fossile.

Le Parlement européen avait appelé l'UE à plusieurs reprises à être encore plus ambitieuse et à fixer le seuil à 40%. Une vision soutenue par quelques grands noms industriels, comme Philips, Schneider Electric, Siemens ou Veolia, réunis au sein d'une Alliance européenne pour les économies d'énergie (EUASE).

La performance énergétique des bâtiments mise en avant

Dans sa lutte contre le gaspillage, la Commission vise plus particulièrement la performance énergétique des bâtiments. Ceux-ci représentent 40% de la consommation d'énergie dans l'Union, les deux tiers des constructions datant d'avant la mise en place de normes d'efficience. La Commission entend donc favoriser la rénovation du parc européen. Soit, selon elle, un marché estimé entre 80 et 120 milliards d'euros qui sera à portée de main des PME en 2030. 

Les consommateurs pourront quant à eux bénéficier de nouvelles exigences en matière d'éco-conception pour certaines catégories de produits, destinées par exemple à rendre les bouilloires et autres panneaux solaires moins gourmands en énergie. Mais les associations de défense de l'environnement et des consommateurs multiplient déjà les interventions. 

Des pistes de travail déjà critiquées 

L'un des points les plus controversés porte sur le principe des "mécanismes de capacité". Ces derniers permettent de rémunérer les producteurs d'électricité qui gardent opérantes des capacités de production (centrales thermiques par exemple) nécessaires pour franchir les pics de consommation, mais pas forcément rentables.

Plusieurs pays, dont la France et le Royaume-Uni, se sont déjà dotés d'un tel mécanisme au niveau national. Selon une source européenne, ces individualités "ne sont bonnes ni pour le marché unique, ni pour le consommateur". Dans la vision de la Commission, les États membres devraient désormais justifier le recours à un tel mécanisme après avoir pris en compte les capacités disponibles de leurs voisins.

En outre, Bruxelles veut imposer aux producteurs d'énergie une limite de 550 grammes de CO2 produit par kilowattheure pour éviter que les centrales à charbon les plus polluantes ne soient maintenues en vie dans ce système. Là encore, ce palier est vivement critiqué. Christian Schaible du Bureau européen de l'environnement, une ONG basée à Bruxelles qualifie cette proposition de "mauvaise blague". Selon lui, elle n'affectera "pratiquement aucune centrale charbon européenne".

A.M. avec AFP