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Comment le "cartel du cacao" pourrait bouleverser le marché du chocolat

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Le cours du cacao a augmenté de 12% sur un mois, poussé par les deux principaux producteurs mondiaux, qui réclament une meilleure rémunération pour les cultivateurs.

Les œufs de Pâques seront à déguster précieusement. Le prix du chocolat pourrait bien augmenter dans les mois à venir, du fait du renchérissement de la fève du cacao dont le cours a pris son envol, ces dernières semaines, pour atteindre, ce mardi, 2.484 dollars la tonne. Soit une hausse de 12% sur un mois. Et si le prix de cette matière première agricole, adepte des montagnes russes, est encore loin du pic atteint brièvement mi-novembre (2.759 dollars la tonne), la tendance sous-jacente est à une remontée régulière.

Cette hausse résulte d'une entente entre les deux principaux producteurs mondiaux, la Côte d'Ivoire et le Ghana, qui représentent 60% du marché. Voilà plus d'un an que les deux pays africains ont lancé un bras de fer avec les industriels du secteur pour proposer de meilleurs prix aux cultivateurs, très impactés par le trou d'air qu'a connu le marché en 2016 et 2017.

Un "Opep du cacao"

Pour la Côte d'Ivoire et le Ghana, il s'agit désormais d'augmenter le tarif producteur de 400 dollars la tonne, soit une prime de 17% sur les cours actuels. Et ce "cartel du cacao" entraîne les autres pays producteurs dans son sillon au point qu'une sorte d'Opep de la fève est sur les rails pour tenter de stabiliser un cours très volatil. Et surtout peu redistributif puisque seuls 6% des quelques 100 milliards de dollars que représentent les transactions annuelles sur le cacao reviennent aux producteurs...

Et la pression comment à porter ses fruits puisque les industriels semblent décidés à s'aligner sur les exigences du cartel. Car s'il est un produit dont l'étiquetage "commerce équitable" est presque devenu indispensable, c'est bien le cacao. Que les intentions soient réelles ou feintes, les pratiques ont donc changé. "Mars estime que l'augmentation des revenus des producteurs de cacao tout en garantissant une culture durable du cacao est la clé d'un secteur du cacao prospère", explique au Wall Street Journal, Joseph Gerbino, directeur mondial des communications chez le géant américain de la confiserie. Si les industriels ont refusé l'idée d'un prix plancher, ils ont finalement accepté celle de la prime à l'achat de 400 dollars la tonne.

Hausse des prix du chocolat

Mais si les chocolatiers se permettent une hausse des prix, c'est aussi parce que leurs propres clients sont prêts à payer plus cher leur chocolat, si celui-ci est mieux valorisé. Le Suisse Barry Callebaut (6,5 milliards de chiffre d'affaires) a déjà annoncé une augmentation de ses tarifs. D'autres devraient suivre, tandis que l'entrée de gamme pourrait se rabattre sur les arômes de synthèse, plus compétitifs.

L'autre question est aussi la pérennité des projets des producteurs dans un secteur agricole où les plants ne donnent des fèves qu'au bout de plusieurs années. Comment contrôler l'offre sans léser les producteurs? Comment à l'inverse éviter une déforestation provoquée par la multiplication de nouvelles plantations? C'est tout l'enjeu du cartel dans les années à venir.

Thomas Leroy avec Antoine Larigauderie