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Comment Paris veut donner un coup de neuf au Velib'

La batterie que Decaux a conçu pour la version électrique de son vélo en libre service offre l'avantage d'être petite et amovible. Les utilisateurs peuvent donc gérer le rechargement chez eux.

La batterie que Decaux a conçu pour la version électrique de son vélo en libre service offre l'avantage d'être petite et amovible. Les utilisateurs peuvent donc gérer le rechargement chez eux. - BFM Business

Dix ans après son lancement dans la capitale, le service de vélo en libre-service a trouvé son public, mais aussi atteint ses limites. La ville de Paris va lancer un appel d'offre pour une nouvelle formule. JCDecaux pourrait notamment faire la différence avec son concept innovant de Velib' électrique.

Le Velib' est victime de son succès. Le cap des 300.000 abonnements a été franchi cet été et il y a eu jusqu'à 160.000 locations par jour, un record ! 89% des usagers se disent satisfaits, selon une étude de l'Atelier parisien d'urbanisme. Il faut dire que le prix du service est dérisoire : un abonnement à l'année coûte seulement 29 euros. Mais le taux de satisfaction descend quand il s'agit de trouver une place pour garer son Velib' (48% de satisfaction pour les abonnés longue durée) et de trouver des vélos disponibles dans les stations (44% de satisfaits pour les abonnés longue durée) *.

Un problème de "régulation"

Qui roule en Velib' a fait l'expérience des stations trop pleines et d'autres désespérément vides. C'est encore pire aux heures de pointe, quand il fait beau, quand il y a des travaux. La fermeture des voies sur berge y participe aussi. C'est un problème de "régulation". Il y a 18.000 vélos en libre-service à Paris et dans un rayon de 1,5 km autour de la capitale. Chaque jour, JCDecaux s’occupe de répartir 3.200 vélos dans les stations de la ville, grâce à une équipe de cinquante personnes, pilotée depuis un poste de contrôle. Elle se charge notamment de remonter dans les stations dites "d’altitude" les vélos qui sont laissés en bas des côtes. Le reste de la régulation se fait naturellement : "Pour que le système marche", nous explique-t-on chez JCDecaux, "il faut que plus de 90% de la régulation se fasse par les utilisateurs eux-mêmes."

Il y a d'autre part un vrai problème de vandalisme. L'équivalent de tout le parc, soit 18.000 bicyclettes, est volé chaque année. La plupart est retrouvée, mais souvent en piteux état. "La régulation et le vandalisme sont les deux talons d’Achille du système Velib'", reconnaît-on à la Mairie de Paris.

Place au Velib’, version II

Plusieurs pistes sont envisagées pour améliorer le service dans le cadre de l'appel d'offres qui est en cours pour un nouveau contrat. Le vainqueur, qui doit être désigné au printemps, sera chargé de mettre en place la deuxième version du Velib’. Le basculement du Velib' I au Velib' II doit avoir lieu en décembre 2017.

Chez JCDecaux, on estime qu’il faudrait notamment agrandir certaines stations et en réduire d'autres, pour s'adapter à la nouvelle "sociologie de Paris", qui a changé depuis dix ans. Il y a des quartiers où l’on utilise plus qu’avant le vélo en libre-service.

Parmi les pistes envisagées, aussi, pour le nouveau contrat : la mise à disposition d'un nombre conséquent de vélos à assistance électrique, en plus des Velib' classiques. Ils permettraient notamment aux usagers d’aller se garer dans les stations d'altitude. Certes, cela va coûter plus cher. Pour Frédéric Héran, auteur du livre "Le retour de la bicyclette", un vélo électrique coûte trois fois plus cher qu'un vélo classique. À la mairie de Paris, on explique que le coût devrait être compensé par une hausse du prix de l'abonnement pour ceux qui choisiraient de rouler en Velib' électrique.

Il y a un peu plus d'un an, JCDecaux a d'ailleurs présenté une version électrique de son vélo. Doté d'une petite batterie portative, il permet aux usagers de gérer eux-mêmes le chargement et d'éviter les vols. Une approche innovante qui pourrait faire la différence avec d'éventuels concurrents.

La question du financement

Mais il va aussi falloir régler la question du financement, qui est soulevée régulièrement depuis plusieurs années. En 2012, déjà, la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France avait pointé du doigt le contrat de gestion de Velib'. Et il y a quelques jours, mi-septembre, la presse a publié des extraits d'un rapport de l'Inspection générale de la Ville de Paris, qui estime que "l'équilibre du contrat, fortement modifié par trois avenants et deux transactions est aujourd'hui en défaveur de la Ville."

En 2013, selon ce rapport, le Velib' a coûté 16 millions d'euros à Paris. Le groupe JCDecaux a publié une mise au point dans laquelle il explique qu'en 2013, les revenus ont dépassé les dépenses pour la Ville. "On ne peut pas dire que Velib' ait coulé les finances de Paris", nous dit-on à la Mairie, « on se retrouve avec un résultat positif." Et puis, précise-t-on : "Velib' doit être conçu comme un service public de la mobilité". Les chiffres varient. La Mairie estime qu'un Velib' coûte un peu moins de 2.000 euros par an. C'est 4.000 euros par an, pour l'économiste Frédéric Héran, qui estime que le service coûte 60% plus cher que prévu.

À la Mairie de Paris, on assure qu'"on va chercher un nouveau mode de financement". "On a maintenant une expérience de dix ans", nous dit-on, "pour refaire les choses."

* "Étude d'opportunité d'un Velib'metropolitain" - Apur, décembre 2015

Pauline Tattevin