BFM Business
Culture loisirs

Vivendi veut dépenser 2,5 milliards d'euros dans le rachat de ses actions

Depuis son arrivée, Vincent Bolloré a vendu pour 10,3 milliards d'euros mais racheté pour seulement 3,5 milliards deuros

Depuis son arrivée, Vincent Bolloré a vendu pour 10,3 milliards d'euros mais racheté pour seulement 3,5 milliards deuros - Serge Surpin Satellifax

Depuis l'arrivée aux commandes de Vincent Bolloré, Vivendi a amassé un trésor de guerre de 8 milliards d'euros, mais le dépense surtout en dividendes et rachats de ses propres actions, plutôt qu'en acquisitions.

Mise à jour: Vivendi souhaite faire approuver par ses actionnaires un nouveau programme de rachat de ses propres actions, à un prix maximum de 20 euros et allant jusqu'à 10% du capital, soit environ 2,5 milliards d'euros, indiquent les résolutions de la prochaine assemblée générale publiées vendredi 4 mars. Ce programme s'ajoute au programme précédent voté il y a un an, qui a déjà été utilisé pour racheter 1,6 milliard d'euros d'actions Vivendi.

[article initialement publié le 16 février]
Mi-2014, Vincent Bolloré prenait la présidence du conseil de surveillance de Vivendi. Depuis, l'homme d'affaires breton a beaucoup vendu, pour 10,3 milliards d'euros au total. Grâce à cela, le groupe de médias disposait fin septembre d'une trésorerie nette de 8 milliards d'euros.

Qu'est-ce qui a été fait de ce trésor de guerre? Apparemment, pas grand chose. Côté acquisitions, Vivendi a dépensé environ 3,5 milliards d'euros en rachetant soit de petites sociétés, soit de petites participations dans des sociétés plus grosses: Telecom italia, Gameloft, Banijay Zodiak...

Des milliards d'euros partis en fumée

En réalité, 1,15 milliard d'euros ont été dépensés dans le rachat d'actions Vivendi. En toute discrétion: cela ne s'est pas fait en une seule fois, mais a été fractionné en petits paquets, étalés sur trois mois. Au total, 4,36% du capital ont ainsi été rachetés.

On peut donc se demander pourquoi Vincent Bolloré brûle-t-il autant de cash dans ces opérations. En effet, en général, une entreprise rachète ses propres actions pour faire monter son cours de bourse. Ainsi, l'ancien PDG Jean-Marie Messier avait fait partir en fumée près de 6 milliards d'euros entre septembre 2001 et début 2002 pour soutenir le cours de l'action Vivendi. Mais, ici, l'effet sur le cours n'est pas probant: en sept mois, l'action a perdu 28%, soit plus que le CAC40 (-20%). 

Tour de passe-passe

Reste une autre explication. Toutes ces actions rachetées vont en effet être supprimées. Cela réduira le nombre d'actions existantes, et donc fera mécaniquement augmenter le pourcentage détenu par les actionnaires restants. À commencer par Bolloré, qui passera ainsi de 14,5% à 15,2%. Intérêt: dans cette opération, c'est Vivendi qui dépense l'argent, et pas Bolloré, qui monte ainsi au capital sans débourser un kopeck. 

Rappelons que l'industriel breton avait déjà appliqué cette stratégie chez Havas: l'agence de publicité avait racheté massivement puis supprimé ses propres actions, faisant ainsi mécaniquement monter Bolloré de 33% à 37%. Dans ce tour de passe-passe, Havas avait dû engloutir 267 millions d'euros de cash. N'ayant pas cet argent en caisse, l'agence avait même dû s'endetter pour cela...

Plus de trésorerie fin 2017?

Surtout, il est probable que ces rachats d'actions continuent. En effet, la direction a le droit de racheter jusqu'à 10% du capital d'ici octobre, ce qui devrait engloutir un autre milliard d'euros.

"Au-delà, il est vraisemblable que la direction proposera un nouveau programme portant sur 10% supplémentaires en avril lors de la prochaine assemblée générale, ce qui absorbera plus de 2 milliards d'euros supplémentaires", prédit Jean-Baptiste Sergeant, analyste financier chez Mainfirst.

Parallèlement, Vivendi dépense aussi une bonne partie de son trésor de guerre dans des dividendes versés à ses actionnaires: au total, 6,75 milliards d'euros entre 2015 et 2017. Mais, là encore, l'addition pourrait être revue à la hausse. Selon Jean-Baptiste Sergeant, "Vivendi pourrait décider de verser en 2017 un dividende exceptionnel supplémentaire d'un euro, ce qui absorberait plus d'un milliard d'euros".

Officiellement, ces dividendes généraux sont versés sous la pression du fonds américain PSAM. Mais d'autres explications sont avancées: "Les dividendes de Vivendi permettront au groupe Bolloré de réduire sa lourde dette nette, qui est estimée à 4 milliards d'euros fin 2015", pointe Jean-Baptiste Sergeant. 

Selon l'analyste, le trésor de guerre pourrait donc être totalement englouti d'ici fin 2017 par ces dividendes et rachats d'actions. De quoi laisser sur leur faim ceux qui rêvaient de grosses acquisitions...

Les dividendes annoncés par Vivendi

Avril 2015: 1,35 milliard d'euros (dividende au titre de l'exercice 2014)

Juin 2015: 1,35 milliard d'euros (acompte sur dividende)

Février 2016: 1,35 milliard d'euros (acompte sur dividende)

Printemps 2016: 1,35 milliard d'euros (dividende au titre de l'exercice 2015)

Printemps 2017: 1,35 milliard d'euros (dividende au titre de l'exercice 2016)

Source: Vivendi

Les cessions de Vivendi depuis mi-2014

13% de Beats (musique) pour 307 millions d'euros

100% de GVT (télécoms au Brésil) pour 3,6 milliards d'euros + 7,4% de Telefonica Brasil + 8,24% de Telecom Italia

25% de TVN (télévision gratuite en Pologne) pour 273 millions d'euros

20% de Numericable SFR (télécoms en France) pour 3,9 milliards d'euros

4% de Telefonica Brasil pour 800 millions d'euros

5,7% d'Activision blizzard (jeux vidéo) pour 1,4 milliard d'euros

Source: Vivendi

Les acquisitions de Vivendi depuis mi-2014

21,4% de Telecom Italia (télécoms en Italie) pour 2 milliards d'euros (hors échange GVT)

51,5% de la Société d'Edition de Canal Plus pour 522 millions d'euros

90% de Dailymotion (internet) pour 246 millions d'euros

11,5% dans Ubisoft (jeux vidéo) pour 277 millions d'euros

28,2% dans Gameloft (jeux vidéo) pour 120 millions d'euros

25% de Banijay Zodiak (producteur de télévision) pour 290 millions d'euros

64,4% de Radionomy pour 24 millions d'euros

100% des Studios de Boulogne pour 40 millions d'euros

100% de Flab Prod, la Parisienne d'Images et Can't Stop (production audiovisuelle)

30% de Mars Films (cinéma)

Source: Vivendi

Jamal Henni