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Concurrence : faut-il vraiment en finir avec les GAFA ?

Les géants du numérique américains, de plus en plus critiqués, se trouvent dans l’œil du cyclone. Au point d’être démantelés ? La question est débattue aux Etats-Unis mais l’ombre de la Chine plane…

« Quittez Facebook ! » Ces derniers jours, c’est le co-fondateur d’Apple Steve Wozniak qui s’est attaqué frontalement au réseau social. Une voix de plus, alors que l’entreprise de Mark Zuckerberg va être auditionné par le Congrès américain, tout comme Amazon, Apple et Facebook, le 16 juillet prochain. Les parlementaires américains s’inquiètent sur les pratiques des géants du numérique en matière de concurrence.

L’officialisation de la cryptomonnaie de Facebook, Libra, n’a d’ailleurs pas aidé à calmer les inquiétudes. Lorsqu’une entreprise aussi puissante se lance dans la création de sa propre monnaie, les Etats peuvent commencer à s’inquiéter. « Aucun gouvernement au monde n’acceptera qu’on se substitue aux Etats » assure Jean-Hervé Lorenzi, sur le plateau des Experts. Pour le président du Cercle des économistes, « il va bien falloir démanteler ces GAFA » qui s’apparentent à « des prédateurs de nos vies privées ».

Microsoft dans le viseur

Et si ces géants ont pu se développer sans véritable entrave, les Américains sont désormais les plus prompts pour s’attaquer à leurs propres créatures, voire les démanteler. « L’histoire montre que le peuple américain n’a jamais accepté l’idée que des grandes entreprises se substitue à leurs Etats. Ce n’est pas nous qui allons le faire, ce sont eux ! » tranche Jean-Hervé Lorenzi.

Au pays de la libre-concurrence, les monopoles sont des cibles. En 1911, la Standard Oil fondée par John D. Rockefeller, a ainsi été dissoute de force, par la justice américaine, donnant naissance à 34 entreprises distinctes dont Mobil. L’histoire américaine compte ainsi de nombreux exemples, comme le démantèlement de AT&T Corporation en 1982. Plus près de nous, Microsoft a senti, à plusieurs reprises, le vent du boulet, un jugement d’un tribunal américain préconisait en 2000 la scission de la société en deux entités distinctes et concurrentes.

« Il y a une différence, par rapport à la standard Oil » tempère l’économiste Christian Saint-Etienne, toujours sur le plateau des Experts. « A l’époque, c’était une affaire interne aux Etats-Unis. Aujourd’hui, les GAFA servent la puissance américaine et les Etats-Unis sont dans une guerre pour la domination mondiale avec la Chine. »

« Un champion qui nous ressemble »

Car de l’autre côté du Pacifique, les BATHX (Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi) ne se posent pas tant de question sur les problèmes de concurrence. Dans la guerre commerciale qui oppose Pékin et Washington, les géants du numériques sont des bras armés dont il est difficile de se passer.

Non seulement, les GAFA sont indispensables aux Etats-Unis dans ce contexte, mais ils arrangent aussi bien l’Europe. « Si jamais Google s’effondre, à qui donne-t-on le champ libre ? » s’interroge Erwann Tison de l'Institut Sapiens. « On le donne aux BATHX. Et comme les GAFA, ils essaient de nous vendre un ‘way of life’. Alors, autant se diriger vers un champion qui nous ressemble. »

D’autant plus que la sacro-sainte loi antitrust américaine a perdu de sa vigueur. « Tout au long des dernières décennies, les pressions concurrentielles ont diminué aux Etats-Unis » commente Hervé Goulletquer, stratégiste à la Banque Postale, Asset Management. Au point de sauver la tête des GAFA ? Entre la pression populaire et les impératifs géopolitiques, le sort de Facebook, Google ou Apple est devenu un enjeu national, notamment dans l’optique des élections américaines de 2020.