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La condamnation de Kerviel relance la réflexion sur les banques

4,9 MILLIARDS D'EUROS À REMBOURSER

4,9 MILLIARDS D'EUROS À REMBOURSER - -

par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - La condamnation de l'ancien trader de la Société générale Jérôme Kerviel à un remboursement de 4,9 milliards...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - La condamnation de l'ancien trader de la Société générale Jérôme Kerviel à un remboursement de 4,9 milliards d'euros suscite la perplexité en France et relance la question de la réglementation bancaire.

Le jeune homme de 33 ans, qui a fait appel et ne paiera rien tant que sa condamnation ne sera pas définitivement confirmée en appel et éventuellement en cassation, s'est dit "abattu" dans sa première interview mardi, au lendemain de sa condamnation à trois ans de prison ferme. Mais il dit vouloir faire face.

"J'ai vraiment le sentiment qu'on a voulu me faire payer pour tout le monde", a-t-il dit sur Europe 1.

Au Parti socialiste comme à l'UMP, on juge incongrue la sanction financière imputée à l'ex-trader, déclaré coupable notamment d'abus de confiance pour avoir pris des positions de 50 milliards d'euros, ayant amené en janvier 2008 la plus forte perte en trading de l'histoire de la finance.

Le gouvernement s'en est mêlé mercredi, par l'intermédiaire de son porte-parole, Luc Chatel, qui a incité la banque à renoncer à demander de l'argent au condamné.

"Il faut que le nouveau directeur de la communication, peut-être, le suggère à son président", a-t-il dit sur RMC.

Jérôme Kerviel mettrait, en théorie, 177.000 années à payer sa dette si l'intégralité de son salaire actuel y était consacrée. La Société générale sera en droit de lui ponctionner en partie ses revenus toute sa vie. La banque a éludé lundi la question en déclarant que la question n'était pas l'ordre du jour, puisque le jugement est suspendu par l'appel.

Les juristes ne jugent pas absurde en droit la sanction financière imputée à Jérôme Kerviel. Il a en effet reconnu avoir su que les limites collectives de son "desk" de trading étaient de 125 millions d'euros, et accepté des engagements écrits.

Il a toujours reconnu par ailleurs avoir dissimulé ses actes par des faux et par des mensonges à sa hiérarchie, qu'il accuse pourtant d'avoir fermé les yeux.

LE PROBLÈME RENVOYÉ A LA LOI

Dès lors, le tribunal a jugé que, même si la Société générale était coupable d'un défaut de contrôle, déjà sanctionné par la Commission bancaire par une amende, elle était tout de même victime d'un délit dont elle n'avait pas à payer le prix.

"Les négligences imputables à la partie civile ne sauraient être prises en compte dans la détermination de l'étendue de ses droits à indemnisation résultant de la commission d'infractions volontaires", dit le jugement.

Un avocat de la banque avait exprimé l'argument différemment au procès, soulignant qu'on ne condamnait pas une personne cambriolée parce qu'elle avait laissé le volet ouvert.

Le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) Jean-Pierre Jouyet, a suivi ce point de vue et estimé que c'était plutôt le problème de l'encadrement de la finance qui était posé. "Il faut que la pression continue sur les établissements bancaires pour que leurs systèmes de contrôle soient renforcés", a-t-il dit mardi sur Europe 1.

Le procès a en effet montré qu'il est possible pour un trader de prendre des engagements de 50 milliards d'euros même si le mandat de la banque ne l'y autorise pas.

Un commissaire aux comptes avait éclairé le tribunal sur ce point en rappelant les volumes traités par la SocGen, soit 2.300 milliards d'euros en 2007 sur les "futures" (contrats à terme) et jusqu'à 80 milliards d'euros de trésorerie par jour.

Deux problèmes découlant de cette situation n'ont fait l'objet d'aucune mesure en France, le trading en compte propre et la limitation des engagements en volume.

Le trading en compte propre, c'est-à-dire la spéculation risquée menée par les banques avec leurs propres fonds, a été très encadrée aux Etats-Unis dans un texte qu'a fait adopter Barack Obama, mais rien de tel ne s'est passé en France.

Concernant la limitation sur les postes de travail des traders des engagements en volume, la réponse des banques reste encore floue et il n'y a pas de règlement non plus.

Des témoins de la profession ont admis au procès que les limites contractuelles théoriques étaient fréquemment dépassées, même si cela n'atteignait jamais l'ampleur de l'affaire Kerviel.

Édité par Yves Clarisse