BFM Business
Transports

Conflit Airbus-Boeing: les Etats-Unis remportent la première bataille contre les Européens

L'OMC donne raison aux États-Unis, Airbus lâche 4%

L'OMC donne raison aux États-Unis, Airbus lâche 4% - AFP

L'organisation mondiale du commerce a donné raison à Washington, dans le cadre d'un conflit, vieux de 15 ans, sur des subventions européennes à Airbus. Donald Trump pourrait être tenté d'appliquer de nouveaux droits de douane sur les appareil Airbus, au risque de fragiliser tout le secteur aérien. Bruxelles est prêt à riposter.

La décision était attendue depuis quinze ans. Dans le premier volet du plus gros dossier à instruire de son histoire, l'organisation mondiale du commerce (OMC) a finalement, sans surprise, donné raison aux Etats-Unis, en autorisant l'administration Trump à imposer d'importants droits de douane sur les produits européens.

Dans sa décision, les trois arbitres ont reconnu que les prêts publics préférentiels accordés à Airbus pour la réalisation de l'A350 et de l'A380 ont bien causé un préjudice pour les Etats-Unis, évalué à 7,5 milliards de dollars. Washington peut donc, en guise de riposte, appliquer des droits de douane sur les produits européens à la même hauteur. En l'occurrence, la liste établie par les autorités américaines concerne les appareils Airbus mais aussi des produits très divers comme le vin, le saumon, l'huile d'olive ou encore le fromage.

"Un obstacle au libre-échange"

Airbus a rapidement réagi dans un communiqué, estimant que des hausses de taxes "constitueraient un obstacle au libre-échange et auraient un impact négatif non seulement sur les compagnies américaines mais également sur les emplois, les fournisseurs et les passagers américains".

Ce mardi, c'est Bruxelles qui a prévenu que l'Europe était prête à "défendre fermement ses intérêts" si de nouveaux droits de douane étaient imposés. "Nous sommes déterminés à poursuivre un agenda commercial positif avec les États-Unis, mais nous sommes prêts à défendre fermement nos intérêts, si nécessaire, dans le cadre des règles de l'OMC", a déclaré Ville Skinnari, ministre du Commerce de la Finlande, après une réunion avec ses collègues européens.

Un vieux conflit à l'OMC

Les menaces entre les Etats-Unis et l'Europe ne sont pas neuves. La guerre commerciale impacte aussi les deux "alliés" commerciaux depuis Donald Trump a décidé de taxer l'acier et l'aluminium européen, en juin 2018. Bruxelles avait alors riposté en visant, à son tour des produits américains. La menace de Trump de taxer l'automobile allemande a remis le feu aux poudres.

Reste que cette bataille juridique autour d'Airbus ne date pourtant pas de l'arrivée au pouvoir de Donald Trump. Elle a été lancée en 2004 lorsque les Etats-Unis ont dénoncé un accord de 1992 sur les subventions dans le secteur aéronautique. Washington accusait alors la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne d'accorder des subventions illégales à Airbus, faussant ainsi la concurrence entre le constructeur européen et son rival Boeing.

L'Europe avait alors rétorqué que 19,1 milliards de dollars de subventions similaire avaient été octroyées à Boeing par diverses branches du gouvernement américain, et avait déposé plainte à son tour.

Risque de représailles élevé pour Boeing

Dans ce cadre, les Etats-Unis réclamaient donc des hausses de droits de douane à hauteur de 11,2 milliards de dollars tandis que Bruxelles exige 12 milliards de dollars. La décision, concernant la plainte européenne devrait être rendue au printemps prochain, et devrait tourner à l'avantage du vieux continent.

Quel impact pour Airbus? Le carnet de commandes est plein pour le constructeur européen tandis que Boeing doit faire face à des problèmes en cascade sur ses appareils. Mais les regards vont surtout se porter vers les compagnies aériennes américaines qui ont déjà commandé des avions Airbus. Vont-elles convaincre Donald Trump d'éviter l'escalade ? Ou bien annuler leurs commandes ? Dans le deuxième cas, les représailles européennes seraient dévastatrices pour Boeing, déjà mal en point. Le président américain condamnerait aussi l'usine d'assemblage d'Airbus à Mobile, en Alabama.

Les décisions de l'OMC, qui ne sont pas contraignantes, ressemblent donc furieusement à une guerre nucléaire que personne n'a intérêt à lancer. Mais Donald Trump a déjà prouvé sa détermination dans ce genre de dossiers...

Thomas Leroy