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La Cour des comptes épingle l'État sur l'aide aux banques

Les aides apportées par l'Etat aux banques françaises au plus fort de la crise financière en 2008 et 2009 pourraient finalement avoir un coût plus élevé que prévu pour les finances publiques, selon la Cour des comptes. /Photo d'archives/REUTERS/Russell Bo

Les aides apportées par l'Etat aux banques françaises au plus fort de la crise financière en 2008 et 2009 pourraient finalement avoir un coût plus élevé que prévu pour les finances publiques, selon la Cour des comptes. /Photo d'archives/REUTERS/Russell Bo - -

PARIS - Les aides apportées par l'Etat aux banques françaises au plus fort de la crise financière en 2008 et 2009 pourraient finalement avoir un...

PARIS (Reuters) - La Cour des comptes a estimé jeudi que les aides apportées aux banques pendant la crise financière apporteront moins de recettes budgétaires que prévu et regrette que le mécanisme mis en place par le gouvernement ait privé l'Etat français d'une plus-value de 5,79 milliards d'euros.

Dans un rapport sur les concours publics aux établissements de crédit, l'institution de la rue Cambon à Paris, chargée de contrôler les dépenses publiques, évalue à 1,3 milliard d'euros la recette budgétaire effectivement perçue par l'Etat en 2008, 2009 et 2010.

Retraité des coûts indirects engendrés par le plan de soutien, le gain budgétaire pour l'Etat tombe à seulement 850 millions d'euros, selon la Cour des comptes.

Ces chiffres contrastent avec le gain de deux milliards avancé par les banques françaises et le gouvernement qui ont jusqu'à maintenant martelé que le plan d'aide au secteur bancaire n'avait pas grevé les finances publiques.

"Les concours publics aux banques ont permis de générer des recettes à court terme, mais à moyen terme, plusieurs coûts sont susceptibles d'amoindrir le bénéfice qu'en a retiré l'Etat", a déclaré Didier Migaud, le Premier président de la Cour des comptes, lors d'une conférence de presse.

"Les deux milliards 400 millions d'euros de recettes reçues des banques ne suffisent pas à financer l'ensemble des mesures adoptées, qui ont fait gonfler le bilan de l'Etat d'environ 11 milliards 800 millions d'euros", a-t-il ajouté.

L'ancien président socialiste de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, qui a succédé à Philippe Seguin, décédé début janvier, à la tête de la Cour des comptes, a ainsi rappelé que 9,5 milliards d'euros d'aides aux banques avaient été financés par endettement, "ce qui, compte tenu d'un coût de financement moyen de 3,7%, représente une charge d'intérêt supplémentaire de plus de 350 millions d'euros par an".

DOUTES SUR LA 2E TRANCHE

Dans son rapport, la Cour des comptes s'interroge aussi sur l'opportunité pour l'Etat d'avoir débloqué une seconde enveloppe d'aide au secteur bancaire début 2009 alors que les résultats bancaires s'amélioraient. Cette seconde tranche s'est élevée à près de 10,5 milliards d'euros.

"Le bien-fondé de l'apport d'actions de préférence au titre de la seconde tranche, qui n'a concerné, en dehors du cas particulier de BPCE que BNP Paribas et Société générale, prête plus à discussion", écrit la Cour des comptes.

"L'amélioration des résultats de leur banque de financement et d'investissement et l'effet des mesures conventionnelles de la Banque centrale européenne auraient pu les (les banques) amener à renoncer à lancer l'opération, au demeurant très délicate à expliquer aux actionnaires", fait remarquer l'institution.

Elle rappelle par exemple que BNP Paribas a lancé son augmentation de capital réservée à la SPPE fin mars 2009 alors que le cours en Bourse de son action s'était stabilisé. A la même date, les bénéfices de BNP Paribas se sont révélés nettement supérieurs aux attentes du marché, dopés par les résultats de ses activités de marché.

"Je tiens à rappeler les incertitudes qui pesaient sur le secteur financier à cette période", se défend Christine Lagarde, la ministre de l'Economie, dans une réponse à la Cour des comptes.

Réagissant au manque à gagner de 5,79 milliards sur une plus-value potentielle, elle répond qu'elle "ne regrette pas d'avoir privilégié une logique de sécurisation des intérêts financiers de l'Etat à une logique de spéculation".

RÉACTION TARDIVE DES BANQUES

La Cour des comptes épingle aussi les banques qui selon elle, ont tardé à se mobiliser pour continuer à octroyer des prêts aux ménages et aux entreprises comme elles s'y étaient engagées en contrepartie des aides reçues.

"Les banques ont donné, semble-t-il, au cours du premier semestre 2009 la priorité à l'amélioration de leur bilan et à la reconstitution de leurs marges", a encore dit le Premier président de la Cour des comptes.

L'institution note ainsi que les encours de crédit se sont accélérés à partir de septembre 2009 pour atteindre un pic en décembre.

"Des esprits malicieux y verront peut-être une volonté des banques d'afficher des résultats finalement proches de leurs engagements", a ironisé Didier Migaud.

Favorable à l'idée d'une taxe bancaire, la Cour des comptes estime qu'une telle taxation devrait avoir pour objectif de produire un effet dissuasif sur les prises de risque, "sans risquer de renchérir le coût du crédit".

Matthieu Protard, édité par Jean-Michel Bélot