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Crise au sommet chez Ingenico

Ingenico prévoit une baisse de ses marges de 6,5%

Ingenico prévoit une baisse de ses marges de 6,5% - DENIS CHARLET / AFP

L’entreprise prévoit une baisse de ses marges. Plusieurs candidats à son rachat cherchent à la démanteler. Une crise de gouvernance couve au sein du spécialiste des paiements.

La crise est à son maximum chez Ingenico. L’entreprise spécialisée dans les moyens de paiements traverse une période de turbulences sans précédent. Tant au niveau stratégique que de la gouvernance, l’une alimentant l’autre. Mardi, le groupe anticipe une baisse de 6,5% de ses marges à cause des mauvaises performances de ses terminaux de paiements. Il a surtout lancé discrètement la refonte de sa stratégie. Des administrateurs se sont vus confier « le réexamen des options stratégiques et l’évolution de la gouvernance ». Autrement dit, l’heure est grave.

Ces dernières semaines, plusieurs entreprises ont déclaré s’intéresser au rachat d’Ingenico, comme la banque Natixis et le spécialiste des tickets restaurant, Edenred. Des fonds d’investissement comme CVC continuent à s’intéresser de près au dossier. Mais tous cherchent le même but : démanteler Ingenico. Ils lorgnent uniquement la branche paiement, promise à un bel avenir avec l’explosion du commerce en ligne. Car l’autre activité, les terminaux de paiements, souffre et nécessite une « forte restructuration », selon plusieurs sources.

Restructuration inévitable

En réalité, aucune négociation n’a commencé. Natixis ne souhaite pas débourser de cash alors qu’il dispose d’une capacité d’investissement de 2,7 milliards d’euros. Selon plusieurs sources, la banque discuterait aussi avec le fonds d’investissement CVC. Elle servirait de « garantie française » pour l’activité stratégique que sont les paiements. Car Ingenico est considéré comme une entreprise sensible par les pouvoirs publics. Bpifrance en est d’ailleurs actionnaire à 5%.

De son côté, Edenred est prêt à racheter la totalité du groupe mais au prix d’une lourde restructuration de la division terminaux de paiements, jugée inévitable. Les deux groupes avaient déjà étudié un rapprochement il y a deux ans. L’entreprise maintient des échanges réguliers avec le conseil d’administration d’Ingenico. L’une de ses membres, Sophie Stabile, est une ancienne d’Accor, quand le groupe avait encore les tickets restaurant d’Edenred dans son giron. Mais un proche du PDG, Philippe Lazare, assure qu’« il n’y a pas de discussion avec la direction ».

Une nuance de taille qui révèle la crise de gouvernance qui sévit chez Ingenico. Une partie du conseil d’administration ne semble plus soutenir le PDG. « Ils ne sont pas du tout aligné avec Philippe Lazare, explique un bon connaisseur de l’entreprise. La situation est très tendue ». Le président du comité des nominations, Xavier Moreno, serait l’un des principaux administrateurs en désaccord avec le PDG d’Ingenico. Président du fonds d’investissement Astorg, il aurait poussé la solution d’un rachat par un autre fonds, CVC, et viserait également le poste de président d’Ingenico, selon plusieurs sources. Contacté, l’intéressé ne nous a pas répondu.

Le PDG n'a plus la main

Preuve des fortes dissensions au cœur de l’état-major, le conseil d’administration est épaulé par la banque d’affaires JP Morgan pour évaluer les différentes options stratégiques dont Philippe Lazare ne souhaitait pas entendre parler jusqu’ici. Les administrateurs ont désormais pris le dessus, ce qui fait dire à un proche de l’entreprise que le PDG « n’a plus vraiment la main ». Le patron du groupe joue en tout cas son avenir alors que son mandat se termine en mai prochain. Un plan de succession est discuté par le conseil d’administration. Le numéro deux, Nicolas Huss, serait en tout cas le mieux placé pour prendre la suite.

La situation est surveillée de près par Bpifrance, actionnaire à 5%, qui souhaite éviter un démantèlement du groupe. En juin dernier, lorsque plusieurs fonds d’investissement ont étudié un rachat d’Ingenico, les pouvoirs publics s’y étaient opposés. « Il y a même eu une réunion à l’Elysée sur le dossier » croit savoir un proche de l’entreprise, ce que l’entourage d’Emmanuel Macron ne confirme pas. Seul un groupe français pourra mettre la main sur Ingenico. Sa direction est plus propice à une alliance avec Atos mais le groupe vient de réaliser un important rachat, Six, dans les paiements. Et même si son PDG Thierry Breton est un boulimique d’acquisitions, il lui faudra encore quelques mois avant de repartir à l’offensive. D’autant que mardi, son cours de bourse a dévissé de 20% après avoir revu à la baisse ses objectifs de croissance. Tout le secteur est sous pression.