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CRRC, le géant chinois du ferroviaire prêt à avaler l'Europe

Si Alstom a acquis Bombardier Transport, c'est avant tout pour faire face à une redoutable concurrence venue de Chine. CRRC, principalement implanté dans son pays d'origine, commence à s'étendre en Europe.

C'est un paradoxe impressionnant: CRRC est aujourd'hui le leader mondial du ferroviaire avec un chiffre d'affaires de 28 milliards d'euros. Pourtant, 90% de ses ventes ont lieu en Chine… C'est dire si le géant chinois a encore de la marge au niveau mondial. Déjà présent aux Etats-Unis, en Argentine en Turquie ou encore Nouvelle Zélande, il lorgne désormais sur l'Europe. En 2018, il s'est implanté dans les Ardennes pour produire des bus électriques. Fin 2019, il fait l'acquisition du fabricant allemand de locomotives, Vossloh. Né en 2015, du rapprochement des deux groupes publics CNR et CSR, CRRC, ce mastodonte de presque 190.000 salariés avance ses pions avec méthode...

Bruxelles observe

En réalité, le marché domestique arrive doucement à saturation et CRRC doit donc regarder ailleurs. Chen Dayong, le directeur de son département des affaires internationales promet de monter à 30%, d'ici 2025, la part du chiffre d'affaires réalisé à l'étranger. Pour y arriver, le groupe est désormais présent sur tous les grands appels d'offres internationaux et donc en concurrence frontale face Alstom et Bombardier.

Signalisation, grande vitesse, maintenance... CRRC a réussi à décrocher des contrats en Serbie, en Bulgarie ou encore en République tchèque. Sur le vieux continent, l'arrivée de l'entreprise d'Etat fait trembler les acteurs historiques surtout que Bruxelles a toujours rappelé son attachement à la libre-concurrence, plutôt qu'au patriotisme économique. La preuve avec le véto de la Commission sur le projet de fusion Alstom/Siemens, en 2019.

Accord de coopération entre CRRC et Bombardier

L'acquisition de Vossloh a pourtant créé un électrochoc, notamment en France. "Il y a des mois que nous répétons (...) qu'il faut nous armer face à la concurrence chinoise, que le géant CRRC qui est beaucoup plus puissant que Alstom et Siemens réunis va venir en Europe, prendre des marchés en Europe, essayer de racheter des constructeurs de locomotives en Europe", expliquait Bruno Le Maire, sur Europe 1, en septembre dernier. "Et la Commission n'a cessé de nous dire : 'c'est faux, cela n'arrivera jamais, ne vous inquiétez pas, dormez sur vos deux oreilles bonnes gens'".

Alors, certes, l'acquisition de Bombardier va permettre à Alstom de peser davantage mais il reste cependant encore quelques inconnues. En effet, Bombardier a signé en 2016 avec CRRC un important accord de coopération. Quant à Alstom, le Français possède, de son côté, plusieurs coentreprises avec le géant chinois. Une proximité qui inquiète au point que le gouvernement français, en 2017, avait demandé à Alstom de freiner ses transferts de charge vers une des filiales chinoises.

Quel avenir pour ces liens entre deux grands concurrents directs? C'est une des questions auxquelles Alstom devra rapidement répondre. Une autre sera de savoir si le nouveau Alstom sera de taille pour résister à l'offensive chinoise. Au moins, il s'en donne les moyens...

Thomas Leroy avec Jean-Baptiste Huet