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Culture: le maigre bilan de François Hollande

François Hollande avec Fleur Pellerin (à l'époque ministre de la Culture) et Olivier Schrameck (président du CSA)

François Hollande avec Fleur Pellerin (à l'époque ministre de la Culture) et Olivier Schrameck (président du CSA) - CSA

Dans le domaine de la culture, le président de la République n'a quasiment tenu aucune des promesses effectuées lors de la campagne de 2012, et quittera l'Elysée sur un bilan décevant.

François Hollande, dans le bilan de son quinquennat dressé jeudi 1er décembre, n'a pas dit un mot sur la culture. C'est assez logique: son bilan en la matière est plus que maigre, et il n'a pas tenu la plupart des promesses faites durant la campagne de 2012. "Un quinquennat pour rien", se lamente un lobbyiste culturel. "Ce gouvernement refusait de prendre toute mesure qui ne réunissait pas d'abord un consensus de tous les acteurs, ce qui limitait beaucoup son action", déplore un autre. Revue de détail.

Les promesses tenues

Les patrons de l'audiovisuel public: "Leur désignation dépendra d’une autorité indépendante, et non plus du chef de l’État ou du gouvernement". Tel était le 51ème des 60 engagements pris lors de la campagne de 2012. Une loi a en effet été votée en 2013 rendant la nomination des patrons de l'audiovisuel public au CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel).

L'éducation artistique: "Je lancerai un plan national d’éducation artistique", était le 44ème engagement. Le budget en la matière a doublé, passant de 31 à 64 millions d'euros entre 2012 et 2017. "Un élève sur deux bénéficiera d’une pratique artistique et culturelle, contre 20% en 2012", souligne le ministère.

Les intermittents du spectacle: François Hollande avait promis de conserver leur statut, ajoutant: "Il faut peut-être aller vers un financement plus diversifié". Depuis cette année, le budget de l'État contribue au régime, via un fonds de 90 millions d'euros par an.

Les promesses à moitié tenues

Le secret des sources des journalistes: "Je renforcerai la loi sur la protection des sources", était aussi un des 60 engagements. Cela a été effectué in extremis par la récente loi Bloche, censurée en partie par le Conseil constitutionnel.

Le budget: "Le budget de la Culture sera entièrement sanctuarisé durant le prochain quinquennat", avait déclaré François Hollande à Nantes en janvier 2012. En réalité, le budget de la rue de Valois a baissé de 6% les deux premières années. "Du jamais vu, même sous la droite", dira plus tard Aurélie Filippetti, première ministre de la Culture du quinquennat, qui a dû arrêter plusieurs grands chantiers: la Maison de l'Histoire de France, le musée de la photo à l'hôtel de Nevers, à Paris, Lascaux 4, le centre des réserves de Cergy... Finalement, le gouvernement vient de présenter un budget 2017 qui rattrape ces baisses, et permet d'afficher facialement une hausse de 1,7% entre 2012 et 2017. Mais il est peu probable que ce budget généreux, qui repose sur des hypothèses de croissance optimistes, soit tenu par le prochain gouvernement.

Les promesses non tenues

Hadopi: François Hollande avait promis de "remplacer" l'autorité de lutte contre le piratage, lors de son discours du Bourget du 22 janvier 2012. Trois jours avant, à Nantes, il avait même promis devant les journalistes de la "supprimer". "Nous arrêterons d'envoyer des emails, c'est inefficace et intrusif", ajoutait Aurélie Filippetti, chargée de la culture dans l'équipe de campagne. Finalement, l'Hadopi est toujours là et continue d'envoyer des emails... Seul changement: l'accès à internet des pirates ne peut plus être suspendu -une peine instaurée sous Nicolas Sarkozy mais qui n'avait jamais été appliquée.

L'acte II de l'exception culturelle: C'était l'engagement 45 de François Hollande, qui promettait notamment de "mieux rémunérer les auteurs". Dès l'été 2012, François Hollande confie une mission en ce sens à Pierre Lescure, qui procède à près de deux cents auditions et entretiens, et rend en mai 2013 un rapport épais de 719 pages et riche de 80 propositions: cesser de couper l'accès internet des pirates, confier au CSA l'envoi des emails, taxer les objets connectés à internet... Aurélie Filippetti promet alors de mettre en oeuvre toutes ces propositions, mais quasiment aucune ne sera appliquée.

La musique: "Je reprendrai le chantier du Centre national de la musique". Tel était l'engagement numéro 44 du candidat. En pratique, ce projet sera enterré dès septembre 2012. Face à la fureur de la filière, Aurélie Filippetti promet alors de dégager "un financement d'ampleur" pour le secteur. Il n'en sera rien.

La chronologie des médias: Aurélie Filippetti demande des films plus frais sur internet, durant la campagne comme rue de Valois. Elle menace même de légiférer si la filière ne change pas les règles avant fin 2013. Finalement, les règles sont restées les mêmes.

L'audiovisuel public: "Nous créerons une chaîne pour les enfants et sans publicité. Nous rétablirons la redevance dans les résidences secondaires. Enfin, nous reviendrons sur la fusion entre RFI et France 24", promettait Aurélie Filippetti durant la campagne, reprenant le programme du Parti socialiste. Hormis le recentrage de France 4 sur la jeunesse, rien de tout cela n'a été fait.

Les aides à la presse: durant la campagne, François Hollande avait promis de "remettre totalement à plat les aides à la presse" pour "mettre la presse d’information politique et générale au premier rang des titres qui doivent bénéficier de ces aides". Aurélie Filippetti avait même promis de réorienter "la grande majorité des aides". Finalement, tous les journaux continuent à bénéficier d'une TVA super réduite. Le recentrage s'est limité à une seule aide, la réduction sur les tarifs postaux (soit 130 millions d'euros par an), mais elle n'a été modifiée qu'à la marge. Fleur Pellerin, seconde ministre de la Culture du quinquennat, a tenté de réserver cette aide à la presse d'information, et d'en priver les magazines de loisirs. Mais ces derniers se sont lancés dans un intense lobbying qui a fait reculer le gouvernement. Finalement, les magazines de loisirs continuent à bénéficier d'une ristourne pour leur transport postal, ristourne qui est juste moins élevée que la presse d'information.

L'indépendance éditoriale: Durant la campagne, Aurélie Filippetti avait promis: "Les équipes rédactionnelles -par exemple via les sociétés de journalistes- devront être dotées d'un statut juridique et représentées au conseil d'administration". Elles auront même "un droit de regard sur la nomination du responsable de l’information", ajoutait le programme du PS. Rien de tout cela n'a été fait. La récente loi Bloche impose seulement la création de comités d'éthique indépendants de l'actionnaire, et qui peuvent être saisis par la rédaction.

La concentration des médias: "Une nouvelle loi délimitera des plafonds d’audience pour les groupes médias en radio, télévision et presse écrite, et encadrera la participation des médias nationaux dans les médias locaux", avait juré François Hollande. En particulier, il promettait de "plafonner la part d’audience" des chaînes de radio ou de télévision gratuites détenues par un même groupe. Cette promesse a aussi fini aux oubliettes. 

La propriété des médias: "Dans la perspective d’acquisitions ou de lancements de chaînes et, notamment, dans celle des nouveaux appels à candidatures qui interviendront à l’expiration des licences actuelles, la loi demandera explicitement au CSA de privilégier les opérateurs indépendants des groupes titulaires de marchés publics", avait promis le candidat, qui déplorait: "Les grands médias privés sont de plus en plus souvent contrôlés par des groupes industriels, dont l’activité dépend pour partie de commandes de l’État, ce qui n’est évidemment pas souhaitable. Je compte donc bien ne pas laisser perdurer un système malsain". Rien n'a été fait sur ce point. Au contraire, lorsque cette promesse sera remise sur la table par les écologistes, Aurélie Filippetti s'y opposera...

Part des aides publiques accordées à la presse d'information politique et générale

Aides directes
2012: 96
2013: 99,7
2014: 96,3
2015: 99
2016: 98,1
2017: 97,5

Taux super réduit de TVA
2012: 36,3
2013: 37,5
2014: 39,4
2015: 40,1
2016: 39,7
2017: 39,9

Tarifs postaux réduits
2012: 46
2013: 54,9
2014: 56,2
2015: 55
2016: 56,2

Source; ministère de la culture

Jamal Henni