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Déjà fragilisés avant la crise du coronavirus, les vins de Bordeaux boivent la tasse

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- - OLIVIER DOULIERY / AFP

Le secteur fait face à une accumulation de difficultés depuis 2017. La fermeture des bars et des restaurants à cause du coronavirus va encore plus affaiblir l'activité.

Les ventes en France chutaient déjà et les exportations plongeaient: la pandémie du coronavirus, avec ses restaurants fermés et ses consommateurs confinés, accentue la crise du monde viticole bordelais, tandis que se profile un manque de main d'oeuvre pour le printemps.

Pour la filière, qui regroupe en Gironde quelque 6.000 exploitations, "à ce jour, la crainte est plus économique et financière que technique", constate Laurent Vaché, directeur de la Cave des vignerons d'Uni-Médoc regroupant 140 viticulteurs et 25 salariés, dont une partie placée au chômage technique. 

Il rappelle les difficultés qui s'amoncellent sur la région depuis 2017: "Les conditions climatiques très délicates de ces dernières années", avec le gel, la grêle puis le mildiou, "la baisse des ventes" aux Etat-Unis avec la guerre tarifaire lancée par le président américain Donald Trump et en Chine, où les vins australiens et chiliens se taillent des parts de marché, "la baisse de la consommation en France", où le Bordeaux doit renouveler son image, "et les mauvais résultats des foires aux vins notamment".

Aucun voyant au vert

A cela s'ajoute, depuis le 14 mars, la fermeture des bars et restaurants en France, mais aussi dans d'autres pays, un débouché important. "On n'avait aucun voyant au vert en termes de commerce. Ca va peut-être faire beaucoup s'il est arrêté pendant trois mois", souligne-t-il tout en voulant relativiser face à "la crise sanitaire à régler".

"La crise économique, elle était déjà là avant et pour ceux qui seront encore là après, prédit le vice-président des Crus bourgeois du Médoc, un classement de près de 250 vins. Ils la retrouveront et ça va être encore plus difficile".

Dans l'immédiat, des vignerons du Bordelais terminent la taille des vignes, en tentant de respecter les consignes sanitaires. Désinfection du matériel comme les tracteurs s'ils passent d'une personne à une autre, distance dans les vignes, repas en solo, gels hydroalcooliques à disposition... les propriétés avec des employés mettent en place des mesures de précaution qui pèsent aussi sur le transport.

"On a des véhicules à neuf places, là c'est réduit à un par banquette. On a réduit nos équipes à six personnes alors qu'elle peuvent atteindre jusqu'à 20 personnes", explique Benjamin Banton, gérant de la société Banton & Lauret, prestataire de services en viticulture. Sur 230 personnes en CDI, seules celles nécessaires dans les vignes et pour les travaux les plus urgents aux chais continuaient leur activité avec cependant un taux d'absentéisme de 30%.

"On est un peu dépourvu de main d'oeuvre aujourd'hui mais on continue d'assurer nos activités. On se pose des questions pour dans trois semaines avec le début des travaux d'épamprages (enlever des rameaux d'un cep de vigne, NDLR) puis de levage (guider la liane) qui demandent beaucoup de main d'oeuvre", s'inquiète Benjamin Banton.

Baisse des ventes de 12% en France en 2018

Rappelons que les vignobles du bordelais (85% de vins rouges), ont vu leurs ventes baisser de 3% en volume en 2018 à 626 millions de bouteilles (le chiffre d'affaires progresse néanmoins de 4% à 4 milliards d'euros) après -2% un an plus tôt, plombés par une série de facteurs.

Conjoncturels d'abord avec des prix en hausse à cause du grand gel de 2017 qui a fait baisser la production de 39% (une première depuis 1990) permettant à la concurrence étrangère de percer en grande distribution. Sans oublier la loi Egalim qui limite les promotions sur le vin à 34%.

Structurels ensuite, avec une désaffection grandissante de la part des consommateurs qui se tournent vers d'autres vins, notamment le rosé mais aussi une tendance globale de baisse de la consommation d'alcool en France. Résultat, en 2018, les ventes de Bordeaux en France ont ainsi chuté de 12% à 144 millions de bouteilles.

Mais c'est aussi la chute de l'export qui fait souffrir le bordelais. 52% des 4 milliards d'euros que génèrent le bordelais viennent des exportations. Or, les ventes en Chine ont dévissé de 31%, de 4% à Hong Kong, de 9% vers l'Union européenne et de 1% aux Etats-Unis. Les exportations en volume ont ainsi chuté de 14% en 2018 (-16% en dehors de l'Union européenne) après avoir déjà reculé en 2017.

Olivier Chicheportiche avec AFP