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Des diamants de laboratoire et de l'or recyclé débarquent place Vendôme

La marque de bijoux Courbet vient de se lancer place Vendôme. Son fondateur, un ancien de Richemont, mise sur le diamant de synthèse et l'or recyclé pour conquérir les millenials et dessiner l'avenir de la joaillerie.

Comme tout grand joailler, Courbet s'est installé place Vendôme à Paris. Ses bijoux sont soigneusement ouvragés dans les mêmes orfèvreries que ceux de Cartier, Chaumet, Van Cleef & Arpels, et les autres. À l'instar de ceux des maisons renommées, ils s'ornent des diamants les plus purs et les plus clairs, de l'or le plus fin. Seule différence: les diamants qui ornent ses bagues, colliers, boucles d'oreilles sont fabriqués en laboratoire, et sertis d'or recyclé.

La marque a été lancée en mai dernier par Manuel Mallen, bordelais d'origine, 25 ans de métier dans l'industrie du bijou. D'abord chez Richemont, numéro 2 mondial du luxe, où il dirige Piaget en Suisse et ensuite en Espagne, puis Baume & Mercier en France, avant de quitter le groupe pour devenir actionnaire et directeur général de Poiray.

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- © Manuel Mallen ®ThierryGROMIK7239-12

Il y a un peu plus de deux ans, son courtier en diamant de République le persuade de l'accompagner à Anvers, la capitale mondiale des diamantaires, rencontrer "quelqu'un qui fait des diamants de culture". Depuis les années 70, General Electric a mis au point un procédé pour créer des diamants en laboratoire. Mais le groupe les utilise pour ses propriétés industrielles, abrasives et ultrarésistantes, se fichant éperdument que la pierre soit belle, pure, claire. Depuis quelques années, des joailliers ont affiné ces technologies pour fabriquer des gemmes aussi parfaites que les vraies.

La sélection naturelle en laboratoire

À Anvers, Manuel Mallen découvre une machine, qui gobe des "graines de diamant", poussière quasiment invisible à l'œil nu de 0,2 millimètre de diamètre. En associant le parfait niveau de pression et de température, l'outil agglomère les atomes, reproduit le processus naturel qui transforme le carbone en diamant. Au bout de quatre semaines, il en sort des diamants bruts d'un carat, c'est-à-dire de 0,20 gramme. Ensuite, on peut recommencer à partir de "graines" des pierres ainsi conçues.

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- © Des machines à diamants - ®DiamondFoundry

Plus la "durée d'incubation" s'allonge, plus le volume des pierres augmente, mais moins leur qualité est garantie. Magie de la science, la sélection naturelle opère aussi en laboratoire: "sur vingt diamants de synthèse, on en récoltera en moyenne sept très beaux, sept moyens, et six inutilisables en joaillerie". "Et on ne découvrira leur qualité qu'au moment de la taille, exactement comme avec les diamants de mine", explique Manuel Mallen. Dans le train du retour, celui qui l'a fait venir à Anvers lui communique son enthousiasme: "Ces diamants sont incroyables, c'est l'avenir!".

Manuel Mallen se lancera avec une collègue de Poiray, Marie-Ann Wachtmeister. Associée et directrice artistique, elle apporte la caution esthétique qu'attendait l'ancien de Richemont, résolu dès le départ à produire "d'abord beau, ensuite bien". Pour le nom de la marque, qu'ils veulent français et intemporel, ils choisissent celui du peintre de la scandaleuse "Origine du monde". Celui qui, ancien Communard, avait initié le déboulonnage de la colonne de la place Vendôme.

Diamant de culture plutôt que diamant de synthèse

Lors de son inauguration en mai 2018, l'appartement showroom de ladite place a attiré les foules. En particulier des millenials qui "cochent toutes cases": ils ont l'âge de se marier, sont écolos, à l'aise avec le e-commerce, principal canal de vente de Courbet. Et puis ils n'ont pas encore de gros moyens. Or Courbet parvient à maintenir ses prix plus bas que ceux de ses voisins: 350 euros pour l'entrée de gamme, et le solitaire le plus cher à 12.000 euros. Son or, principalement issu du recyclage de smartphones et ordinateurs, reviendrait plus cher que le traditionnel, selon le fondateur. Mais les diamants, eux, sont 30% moins onéreux. "Simplement parce qu'il n'est plus nécessaire de rémunérer les nombreux intermédiaires qui interviennent d'ordinaire entre la mine et la bijouterie".

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- © Courbet

Courbet ne s'attend pas à être rentable d'ici la fin de l'année, mais entend accélérer dès 2019. D'ici-là, Manuel Mallen mise sur la "pédagogie" à propos de diamants de laboratoire qui ont tout des vrais, même le certificat de gemmologie. "C'est comme des perles de culture", dit-il, qui brillent de la même nacre que celles qu'on trouvait dans les huîtres avant d'épuiser les régions perlières.

Pour mieux faire passer le message, l'entrepreneur milite auprès de députés pour faire changer la désignation officielle de ces gemmes, "diamants de synthèse", qui laisse entendre "faux" estime-t-il. L'entrepreneur préférerait les plus glamours "diamants de culture" ou "diamants de laboratoire". Aux États-Unis, on les nomme "culturing diamonds". Et ils ont déjà conquis leur titre de noblesse: la start-up américaine qui les fabrique compte parmi ses investisseurs des stars de la Silicon Valley ainsi que l'écolo Leonardo Dicaprio. Et le leader mondial de la vente de diamants, De Beers, a commencé à les distribuer en mai dernier, après s'y être opposé pendant des années.

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- © PlaceVend+¦me
Nina Godart