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Deux ans après sa relance, la compagnie aérienne Air Italy est déjà en faillite

Air Italy

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La compagnie aérienne qui entendait surfer sur les difficultés d'Alitalia boucle 2019 avec 200 millions euros de pertes.

Les mauvaises nouvelles s'accumulent dans le secteur aérien italien. Alors qu'Alitalia se bat pour sa survie, la presse transalpine avance que la toute jeune Air Italy est aujourd'hui en faillite. 1200 salariés sont sur le carreau. Les vols resteront assurés jusqu'au 25 février, après quoi ils seront remboursés.

L'annonce de la mise en liquidation est intervenue alors que la ministre des Transports Paola De Micheli a demandé une "réunion urgente" avec la direction d'Air Italy, invitant ces derniers à "suspendre toute décision jusqu'à la réunion avec les ministères compétents".

"La décision de mettre en liquidation une entreprise de telle dimension, sans en informer au préalable le gouvernement, et sans examiner sérieusement d'éventuelles alternatives n'est pas acceptable", a déclaré Mme De Micheli, citée dans un communiqué.

La compagnie lancée il y a seulement deux ans, "termine 2019 avec environ 200 millions d'euros de pertes et a convoqué pour aujourd'hui (mardi, NDLR) une assemblée des actionnaires très délicate", écrit le quotidien La Repubblica.

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Pour sortir de l'ornière, les actionnaires (le prince Karim Aga Khan IV à 51% et Qatar Airways à 49%) devraient remettre au pot, une perspective peu probable selon la presse italienne.

Des actionnaires réticents

"Désormais les deux actionnaires se trouvent à la croisée des chemins: soit ils signent un autre chèque de plusieurs millions d'euros avec la certitude quasi-mathématique de brûler de nouveau du capital, soit ils lancent, comme cela semble probable, la liquidation de la société", conclut La Repubblica.

En effet, Karim Aga Khan n'aurait pas l'intention de ressortir le chéquier et inciterait Qatar Airways à trouver de nouveaux partenaires capitalistiques. De son côté, Qatar Airways ne souhaiterait pas monter au-delà des 49% car cela lui ferait perdre sa licence de compagnie aérienne européenne, et aurait échoué à trouver de nouveaux associés.

Pour le quotidien économique Il Sole-24 Ore, "les signaux préoccupants étaient présents depuis un bon moment, à partir déjà des comptes de 2018 qui s'étaient achevés sur une perte de 164 millions d'euros".

Durement concurrencée sur le moyen-courrier

Ironie du sort, Air Italy entendait justement surfer sur les difficultés d'Alitalia pour prendre des parts de marché sur les vols intérieurs, moyens et longs courriers (54 destinations). "Nous voulons devenir la marque numéro un en Italie et nous avons les moyens pour le faire", avait déclaré en février 2018 Akbar Al Baker, le PDG de Qatar Airways. Elle dispose d'une flotte de 12 avions et devait passer à terme à 50 avec l'objectif de transporter 10 millions de passagers en 2022.

Air Italy est en fait la dernière incarnation de la compagnie aérienne Alisarda fondée en 1963 par Karim Aga Khan IV, avec pour objectif affiché la promotion du tourisme en Sardaigne. Après une fusion avec le spécialiste des vols charters Eurofly en 2010, elle prend le nom de Meridiana Fly en 1991 devenant du coup le deuxième transporteur d’Italie, derrière Alitalia.

En 2016, Qatar Airways prend 49% du capital de la compagnie avec l'objectif de "faire de Meridiana la première compagnie italienne". En 2018, la compagnie change de nom et devient Airitaly (le nom d'une petite compagnie charter rachetée en 2011) et dispose de nouveaux avions.

Que s'est-il passé pour cette ambition se transforme en quasi-faillite en deux ans et alors que son principal concurrent était déjà en grande difficulté ?

Victime du 737 MAX

Selon les observateurs, Qatar Airways a voulu faire d'Air Italy une compagnie aérienne complète en proposant par exemple une classe business sur tous ses vols, une volonté coûteuse et difficile à mettre en place. Par ailleurs, la concurrence d'Alitalia a pesé plus que prévu malgré ses problèmes financiers, notamment les vols vers la Sardaigne qui a donné lieu à un différend entre les deux compagnies. Un accord a été trouvé mais pas vraiment en faveur d'Air Italy et la saison estivale 2019 a été bien en deçà des attentes.

Par ailleurs, Air Italy a été durement concurrencé sur le moyen-courrier par EasyJet et Ryanair. En réaction, la compagnie a tenté d'intensifier son offre long-courrier (Amérique du Nord, Asie, Afrique). Une offensive logique mais qui n'a pas donné les résultats escomptés.

Enfin, la compagnie est victime de l'arrêt du Boeing 737 MAX (3 de ses 12 avions). Elle a du louer des appareils, notamment à d'autres compagnies, ce qui a pesé sur ses coûts.

Olivier Chicheportiche avec AFP