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Deux salariés imputent à Microsoft leur syndrome post-traumatique

Ces salariés de Microsoft souffriraient de syndrome post-traumatique.

Ces salariés de Microsoft souffriraient de syndrome post-traumatique. - Chris Ballance - Flickr - CC

Deux employés de Microsoft, chargés de modérer des contenus extrêmement traumatisants, portent plainte contre la firme. À cause de ce travail, ils disent souffrir de syndrome post-traumatique, une maladie qui touche surtout les anciens soldats.

Ils travaillent chez Microsoft. Des modérateurs, de plus en plus nombreux et nécessaires pour nettoyer la toile. Concrètement, ils doivent regarder les contenus les plus infâmes -des viols d'enfants, de la pornographie particulièrement sordide, des abus de toutes sortes, des meurtres par décapitation. Une fois qu'ils ont vérifié que ces images violent la loi et les règles de la compagnie, ils doivent supprimer les comptes de ceux qui les ont postées, et les dénoncer aux autorités compétentes. 

Aujourd'hui, ces deux salariés assurent souffrir de PTSD, le Post-Traumatic Stress Disorder ou syndrome post-traumatique en français. Une pathologie qui touche généralement les vétérans de guerre. Alors ils portent plainte contre leur employeur, Microsoft, rapporte le McClatchyDC. Ils accusent la première entreprise de logiciels au monde de ne pas leur avoir fourni un soutien psychologique adapté.

18 mois à visionner le pire du web

Dans leur plainte déposée auprès du tribunal de Washington, Henry Soto et Greg Blauert racontent qu'ils faisaient partie de l'équipe de sécurité en ligne. Celle chargée de traquer et supprimer les images perturbantes stockées ou distribuées via les outils de la firme. Un service créé en 2007 pour se conformer à la nouvelle législation fédérale aux États-Unis et pour mieux répondre aux signalements des usagers.

Les deux plaignants disent avoir été affectés à cette équipe contre leur gré, et avoir dû y rester 18 mois avant de pouvoir réclamer un transfert. Un an et demi durant lequel les images qu'ils ont été forcés de voir, comme celles d'enfants abusés, parfois assassinés, ont largement détérioré leur santé mentale. Les avocats d'Henry Soto évoquent "des troubles du sommeil, des cauchemars", des hallucinations visuelles et auditives. Avec des effets sur l'humeur de leur client, devenu particulièrement irritable, anxieux, incapable de se concentrer, sursautant continuellement.

Des insomnies, des crises de pleurs

Greg Blauert, lui, dit s'être renfermé sur lui-même, au travail et à la maison. Il dormait mal, était sujet à des crises de nerfs, de pleurs incontrôlables. Devenu apathique, il fuyait son travail. Leurs relations avec leurs familles respectives, et tout particulièrement leurs enfants, en auraient souffert. Il leur serait devenu difficile de sortir en public, et même de surfer sur internet.

"Le plan de 'bien-être au travail' prévoyait que ceux qui craquaient ou étaient sur le point de craquer, traumatisés par ce qu'ils devaient voir, pouvaient quitter le travail plus tôt. Mais quand ils le faisaient, on le leur reprochait", soulignent les avocats. Quant aux séances de conseils proposées par Microsoft à ceux qui souffraient, selon le jargon consacré, de "fatigue compassionnelle", elles auraient eu un intérêt limité. Greg Blauert indique qu'on lui a seulement suggéré de prendre plus de pauses pour marcher, fumer, jouer à des jeux vidéos. Mais, "ça n'a pas fonctionné", explique le plaignant.

La "condition de travailleur n'est pas une maladie"

Tous les deux se sont vus diagnostiquer un syndrome post-traumatique. Ils ont obtenu un arrêt de travail. Mais les indemnités pour congé médical qu'ils ont réclamées leur ont été refusées par Microsoft, indique le Daily Beast. Dans sa lettre de réponse, la firme estimait que "la condition de travailleur ne [pouvait] constituer une maladie professionnelle".

Après le dépôt de plainte, Microsoft a publié un communiqué indiquant prendre "au sérieux sa responsabilité de supprimer et de dénoncer les images de l'exploitation sexuelle des enfants et des abus qui sont partagés sur ses services, tout comme la santé et la résilience des employés qui font ce travail important". Les plaignants réclament de leur côté le remboursement de leurs frais médicaux, et aussi la mise en place de mesures pour aider les employés qui vivent la même chose qu'eux. Comme des rencontres obligatoires avec un thérapeute et des programmes de soutien du conjoint.

Nina Godart