BFM Business
Services

Diriger une entreprise: "Etre une jeune femme ne change rien"

Mathilde Collin, diplômée d'HEC, dirige à 25 ans l'entreprise qu'elle a co-fondée.

Mathilde Collin, diplômée d'HEC, dirige à 25 ans l'entreprise qu'elle a co-fondée. - DR

Dirigeante d'entreprise basée à San Francisco, Mathilde Collin, 25 ans, ne veut pas être réduite à sa situation de jeune PDG. Selon elle, être une femme peut même être, dans certaines situations, un avantage.

On peut avoir 25 ans et être PDG. Mathilde Collin a lancé en juin dernier un service de gestion des emails pour les entreprises, Frontapp. Sa start-up, co-fondée avec Laurent Perrin, un ancien de Polytechnique, vient de lever 3,1 millions de dollars (2,45 millions d'euros) pour son développement. Mathilde Collin a accepté de répondre aux questions de BFMBusiness.com afin d'évoquer son parcours et son mode de management.

"L'âge, ça ne veut rien dire"

"On a commencé à deux et aujourd'hui on est huit." Mathilde Collin a débuté son travail sur Frontapp il y a un an et demi, et depuis, son équipe n'a cessé de grandir: "On a déjà deux papas dans la société, et je crois pouvoir dire que tout le monde est plus vieux que moi." Pourtant, c'est bien elle le CEO (le PDG, ndlr) de Frontapp, start-up basée à San Francisco. Avec son équipe, elle travaille à une solution permettant aux entreprises de gérer les innombrables mails échangés chaque jour. 

"Frontapp est né du problème vécu par de nombreuses personnes en entreprise quand il s'agit de collaborer par email. Le mail est un outil qui n'a pas évolué depuis 40 ans", explique la jeune femme.

Mathilde a toujours eu envie d'entreprendre, une tendance qui s'est accentuée une fois son diplôme d'HEC en poche: "J'ai travaillé pour une société pour laquelle j'ai lancé un produit. Une expérience qui m'a rendue heureuse, mais qui m'a frustrée aussi." Elle voulait créer sa propre entreprise, défendre sa propre marque. Et qu'importe si certains la trouvent trop jeune.

"C'est avant tout une question de légitimité", estime le CEO de Frontapp. "L'âge ne veut rien dire, je suis humble, j'apprends de mes erreurs. Petit à petit, je prouve à mes collaborateurs que j'ai les qualités pour diriger cette boîte. Mon rôle est de rendre heureux mes clients, mes investisseurs et mes employés. Pour l'instant, c'est le cas." Recrutement, recherche de clients, levée de fonds, lancement du produit sont autant d'étapes qui selon elle, construisent sa légitimité. "Je dois faire les bons choix", abonde la jeune femme.

Etre une femme PDG ne change rien... ou presque

Mathilde Collin ne veut pas que son âge soit vu comme une force, ou une faiblesse. Il en est de même pour son sexe: "Etre une femme CEO ne change pas grand chose." En avril dernier, elle a même publié une tribune sur le site du Wall Street Journal pour le proclamer haut et fort. 

Etre une femme chef d'entreprise peut même avoir des effets positifs: "Il est beaucoup plus facile d'avoir de la visibilité", assure-t-elle. Mathilde Collin raconte qu'elle se rend dans de nombreuses conférences à San Francisco. Elle a souvent le droit de s'y exprimer. "Ils n'aiment pas trop qu'il y ait trop d'hommes."

Bien sûr, il y aussi quelques désavantages: certains développeurs ne souhaitent pas être dirigés par une jeune femme de 25 ans. Et il y a ces hommes qui prennent rendez-vous avec elle pour des raisons autres que professionnelles... Mais Mathilde Collin ne veut pas s'enfermer dans le rôle de la jeune femme PDG. "Ce que je dirais, c'est qu'être CEO est difficile. Que l'on soit un homme ou une femme." 

33 investisseurs hommes sur... 33

Elle reconnaît cependant qu'il n'y a pas assez de femmes entrepreneurs et pas assez de modèle féminin de réussite. "Je ne nie pas la réalité." C'est d'ailleurs en répondant à nos questions qu'elle s'en rend compte: "Frontapp a 33 investisseurs, ce sont tous des hommes."

C'est la raison pour laquelle elle avait accepté de se rendre le 16 octobre dernier à une rencontre organisée par la start-up Le Wagon, basée à Paris. Elle a pu y rencontrer des personnes (plus vieilles qu'elle) qui souhaitent aussi entreprendre. Elles les a conseillées, aiguillées. Car son expérience, précoce, est pour eux un exemple. De cette courte entrevue, les invités retiendront très certainement ce conseil: "Quand on est PDG, pour une bonne nouvelle, il y en a cent mauvaises. Il faut s'accrocher."

Maxence Kagni