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Du militaire au civil, la lente mue des supercalculateurs

Le marché des supercalculateurs est en train de se démocratiser, historiquement ils étaient essentiellement utilisés par des industries pointues où il y a besoin de faire de très nombreuses simulations.

Le marché des supercalculateurs est en train de se démocratiser, historiquement ils étaient essentiellement utilisés par des industries pointues où il y a besoin de faire de très nombreuses simulations. - Pixabay

"Initialement uniquement utilisé par le secteur militaire et quelques grands groupes, le marché du calcul à haute performance est en cours de démocratisation. Il pourrait peser jusqu’à 220 milliards de dollars sur la période 2015-2020."

Quel est le point commun entre un scientifique universitaire, un militaire, un ingénieur aéronautique ou encore un chercheur en pharmacie ? Ils sont tous susceptibles de faire appel aux supercalculateurs pour leurs recherches. Ces ordinateurs ultra-puissants sont aujourd’hui utilisés dans la recherche universitaire, militaire ou spatiale, l'industrie aéronautique, automobile, pétrolière, pharmaceutique ou encore la prévision météorologique. C’est dire l’étendue du marché.

Au départ, ces supercalculateurs ont pourtant été imaginés pour les militaires. Ceux-ci avaient besoin de modéliser le comportement des armes nucléaires. "Le marché des supercalculateurs est aujourd'hui en train de se démocratiser. Historiquement il concernait essentiellement des industries pointues où il y avait besoin de faire de très nombreuses simulations", confirme Henri Pidault, Chief Technical Officer chez Deloitte Digital. Ils ont d'ailleurs représenté au départ un enjeu stratégique pour les grandes puissances nucléaires dont la France", ajoute-t-il.

Des supermachines qu'il faut savoir financer

Désormais, les industriels de tous acabits s’en sont emparé afin de développer des voitures, des sous-marins, des avions, de façon plus rapide mais surtout à moindre coût. De plus en plus d’entreprises accèdent donc à cette technologie. En Europe, parmi les clients figurent aussi bien de grands groupes comme Météo France, Dassault Aviation, Valeo, Safran, Total ou Thales ; que des universités (Reims, Grenoble, Dresde, Düsseldorf…) ou des instituts de recherches : le CSC en Finlande, SURFsara aux Pays-Bas, IT4Innovations en République Tchèque, DKRZ en Allemagne…

L’un des enjeux consiste toutefois à réussir à les financer. C’est pourquoi l’Etat français met en relation des centres nationaux de calcul, des centres régionaux, le CNRS et des entreprises. Ces dernières y voient un intérêt stratégique et se retrouvent donc prêtes à financer. L’État fournit également sa dîme, dans le cadre du deuxième programme des investissements d’avenir.

D’après la société d’études de marché Markets and Markets, le calcul à haute performance (High Performance Computing, HPC) représente ainsi un marché mondial estimé à 28,08 milliards de dollars sur 2015, attendu en croissance annuelle de 5,45% sur 5 ans pour atteindre les 36,62 milliards de dollars vers 2020. Mais les estimations varient. Le cabinet Market Search Media prévoit de son côté que le marché mondial du HPC devrait croître au rythme de 8,3% par an pour quasiment quadrupler à 44 milliards de dollars à l'horizon 2020, avec un chiffre d'affaires global de 220 milliards de dollars sur la période 2015-2020.

La France dans le "top 4" mondial

Du côté des fournisseurs du secteur, seuls quatre pays au monde fabriquent des supercalculateurs : les Etats-Unis, la Chine, le Japon et la France. D’après le classement annuel Top 500 qui recense les 500 supercalculateurs les plus performants de la planète, les principales firmes qui se le disputent sont américaines avec Hewlett Packard, IBM, Cray suivis dans une moindre mesure par Intel, Silicon Graphics mais également par le Français Bull (racheté par Atos à l’été 2014), Dell et le japonais Fujitsu.

L’une des applications à fort potentiel de ces ordinateurs hors du commun est la gestion d’océans de données, car la technologie en génère de plus en plus. "Pour que se développe le Big data, la puissance de calcul doit croître sinon on sera submergés par ces données, on ne saura pas quoi en faire", souligne le PDG de Bull Philippe Vannier.

Si les industries spatiale, aéronautique et automobile l’utilisent largement, d’autres secteurs pourraient y venir. "Le monde des objets connectés, de la ville intelligente et celui de l’agriculture vont probablement utiliser davantage les superordinateurs à l’avenir", estime Michel Daydé, directeur du laboratoire Irit à Toulouse. Ces machines amélioreront la maintenance prédictive : on anticipera plus facilement une panne de générateur ou d’éolienne par exemple. Pour Henri Pidault, il n’y a pas de doute : "le HPC est vraiment une tendance forte et 2016 devrait constituer une année charnière".

Adeline Raynal