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Emmanuel Besnier: la contamination du lait infantile Lactalis est un "accident"

Le PDG du géant français du lait, le très discret Emmanuel Besnier, s'est finalement présenté devant la commission d'enquête des députés au sujet de l'affaire de contamination du lait infantile ce jeudi. Il y a déroulé sa version des faits.

"Lactalis est un groupe discret. Je l'assume, c'est largement lié à ma personnalité, j'ai toujours mis l'entreprise et nos produits plus en avant que ma personne", a déclaré Emmanuel Besnier, le PDG de Lactalis, devant les députés en charge de l'enquête parlementaire sur l'affaire du lait infantile contaminé à la salmonelle. Des députés qu'il avait ulcéré en envoyant son directeur de la communication répondre à leurs questions lors d'une première audition.

Ce jeudi, la tête souvent baissée sur des notes pendant ces deux heures de questions-réponses, il a affirmé que "certains veulent transformer (sa) discrétion en opacité, c'est une grave erreur. Je reconnais que cette discrétion fait que nous sommes mal connu, et que ça alimente la suspicion", mais, a-t-il continué, "le groupe Lactalis est très différent de l'image que certains veulent lui attribuer".

Des "critiques parfois diffamatoires"

Emmanuel Besnier a commencé son grand oral en réitérant ses excuses. Notamment auprès des parents, se félicitant que tous les bébés soient en bonne santé. Il a présenté le groupe qu'il dirige depuis 18 ans comme une "entreprise familiale" qui s'exporte "depuis Laval", et dont la France constitue "le cœur" et le "marché principal, avec un quart de notre activité". Le PDG qui ne s'est exprimé qu'une fois dans les médias depuis la révélation de l'affaire, le 1er décembre 2017, a ensuite déroulé la chronologie des événements pour répondre aux "critiques parfois diffamatoires" qui lui ont été faites.

Bruno Le Maire lui avait reproché d'avoir attendu l'intervention du gouvernement pour lancer le rappel des lots susceptibles d'être contaminés. Emmanuel Besnier lui, raconte que dès le 8 décembre, son groupe propose aux autorités un retrait, plus large que les seuls lots que ses propres contrôles incriminent. "La DGCCRF a voulu le faire par arrêté ministériel".

Un test positif? "Ni banal ni exceptionnel"

Lactalis s'était aussi vu reproché d'avoir tu des résultats positifs de tests à la salmonelle à Craon avant 2017. "La salmonelle se trouve partout dans la nature" et il n'est "ni banal ni exceptionnel d'avoir des environnements positifs dans une usine", a estimé Emmanuel Besnier.

"On a voulu faire apparaître la non-transmission de nos analyses en environnement comme un comportement inhabituel et lié à la non-transparence de Lactalis", or "seules les analyses positives sur les produits finis lorsqu'ils sont sur le marché, doivent être transmis aux autorités", a précisé le PDG. "Si la réglementation devait évoluer, nous nous y conformerons bien évidement".

Pour Emmanuel Besnier, la contamination de lait infantile était "un accident" sans "responsabilité de personne à l'intérieur de l'usine". "Nous avons fait des travaux au premier trimestre 2017 dans l'environnement de la tour numéro 1. Ces travaux ont libéré la salmonelle qui était à l'intérieur des bâtiments", a-t-il expliqué.

Emmanuel Besnier a aussi répondu aux accusations de salariés d'Eurofins, le laboratoire indépendant qui réalise les tests pour Lactalis, évoquant des pressions du géant. "Je réfute toute ingérence dans le travail de ces laboratoires". Le PDG a indiqué ne pas comprendre "comment plus de 15.000 analyses en 2017, avant le 1er décembre, n'ont révélé aucun résultat positif sur nos produits".

Deux laboratoires au lieu d'un

"Suite à l'accident, entre le 1er et le 15 décembre 2017, nous avons lancé une série de contre-analyse sur les mêmes lots de produits finis. Nous avons constaté 62 positifs sur les 3000 analysés". Désormais, Lactalis va répartir les "autocontrôles sur, au minimum, deux laboratoires différents pour les laits infantiles".

Après avoir rappelé que son groupe a tout fait pour protéger ses salariés et les producteurs de lait des conséquences de cette affaire, Emmanuel Besnier, comme le lui avait demandé les parlementaires, a formulé des propositions pour améliorer les dispositifs d'alerte sanitaire. Il a notamment suggéré la mise en place d'une "plateforme unique et officielle récapitulant l'ensemble des rappels pour mieux informer le consommateur".

En outre, "vu la fragilité des bébés de moins d'un an", les autorités sanitaires pourraient abaisser leur seuil d'alerte sur la poudre infantile premier âge: "Il faut aujourd'hui 8 bébés malades sur une même semaine pour les déclencher. Ne pourrait-on pas avertir le fabricant à chaque cas, pour qu'il puisse investiguer en profondeur?" a-t-il demandé.

Nina Godart