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En Bretagne, une épicerie se lance sur le créneau de l'anti-gaspi

Chaque produit est doté d'une étiquette qui explique, à la première personne, pourquoi il a été mis au rebut.

Chaque produit est doté d'une étiquette qui explique, à la première personne, pourquoi il a été mis au rebut. - Thomas Bergadis - AFP

Ouvert le mois dernier près de Rennes, le magasin baptisé "Nous" propose uniquement des produits qui n'ont pas répondu au cahier des charges du circuit traditionnel de la distribution. Les prix sont inférieurs de 30% à ceux du marché.

Concombre tordu, patate trop petite, tomate à la forme bizarroïde, étals pas complètement achalandés... "Nous", l'épicerie "anti-gaspi" détonne dans le paysage lisse et calibré de la distribution alimentaire. Ouvert début mai à Melesse (Ille-et-Vilaine), le magasin "dédié à la réduction du gaspillage alimentaire" propose uniquement des produits "refusés par les circuits traditionnels de distribution" mais dont la qualité nutritionnelle est "intacte".

Alors que le gaspillage alimentaire coûte 16 milliards d'euros par an et que la loi oblige désormais les supermarchés de plus de 400 m2 à passer des conventions de don avec les associations, "Nous" repêche des produits qui ne passent même pas la barrière de la grande distribution.

"Nous travaillons avec des maraîchers et des industriels dont les produits sont écartés parce qu'ils ne correspondent pas au cahier des charges de la grande distribution", explique Vincent Justin, 45 ans, co-fondateur du concept avec Charles Lottmann.

Des céréales dont l'information nutritionnelle est en anglais, refusées dans le réseau classique, seront ainsi commercialisées chez "Nous" avec une traduction en français. Un travail de fourmi, loin des pratiques industrielles traditionnelles.

Une offre complémentaire aux supermarchés

Les deux Parisiens, âgés de 45 et 30 ans, ont choisi comme premier lieu d'implantation la Bretagne, première région agricole française, tant pour son tissu de producteurs, que pour ses habitants, "particulièrement réceptifs aux enjeux du développement durable".

Proche d'un supermarché, sorte de "locomotive" à clients, l'épicerie se veut un "complément" à l'offre des grandes surfaces. De fait, ses concepteurs ne garantissent pas la présence chaque jour de tous les produits. "Si on remplit à fond le magasin, on est sûr de gaspiller", assure Vincent Justin, ancien salarié de Phenix, une start-up qui aide les entreprises à lutter contre le gaspillage.

Panneaux muraux en carton recyclable, cageots de légumes posés sur des palettes, la décoration intérieure est volontairement épurée. Mais le concept fait appel au marketing de l'humour et à ses slogans potaches: "Faut pas pousser Mamie Nova dans la poubelle" ou "We are the champignons de l'anti-gaspi". Chaque nouvel arrivage, photographié "en studio photo", est ensuite publié sur Facebook.

Des produits vendus 30% moins chers

"On est cinq à la maison et on gaspille pas mal. Le concept remet les choses en place", avoue Annabelle, 43 ans, qui consulte régulièrement Facebook avant de se rendre au magasin. Achetés 30% moins chers, les produits sont aussi revendus 30% moins chers.

Pour couper court aux interrogations, chaque produit est doté d'une étiquette qui explique, à la première personne, pourquoi il a été mis au rebut. Des fruits secs utilisés pour fabriquer des gâteaux ont ainsi été mis à l'index pour cause de "changement de recette". Des yaourts à la date limite de consommation (DLC) "courte" interpellent le client pour être consommés rapidement.

"Mon emballage ne me rend pas justice", assure de son côté un paquet de viande sous vide, tandis qu'une tisane au packaging jugé vieillot retrouve une vie nouvelle.

Une partie des produits, qui présentent un défaut d'emballage, ont été amenés par des transporteurs. Les fromages ayant un "défaut d'aspect" sont eux vendus sans marque.

Un réseau de vingt magasins en projet

L'épicerie, qui compte 100 fournisseurs, sert aussi de "variable d'ajustement" pour les producteurs en cas de surplus, notamment de fraises ou de fromage de chèvre.

"Il arrive aussi que les recettes ne plaisent pas au public", indique Vincent Justin, citant des "cornichons au piment de Cayenne" ou des "dominos de camembert en croquette".

"On fait du déstockage de manière ouverte alors que le sujet est tabou dans l'industrie car les entreprises produisent pour vendre et non pour jeter", reconnaît Raphaëlle, directrice des achats.

Deux nouveaux magasins devraient ouvrir d'ici fin 2018 et un réseau de vingt magasins, sous franchise, pourrait voir le jour l'an prochain. "Il n'y a pas assez de toutes les initiatives pour lutter contre le gaspillage", plaident les concepteurs de "Nous".

C.C. avec AFP