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Engie négocie avec l’actionnaire chinois d’EDP

Le Français s’intéresse aux activités renouvelables d’Energias de Portugal. Il est prêt à s’allier avec le chinois Trois Gorges qui a lancé une OPA sur EDP. Les discussions vont durer tout l’été.

Engie repart à l’attaque. L’énergéticien français lorgne depuis plusieurs mois le portugais Energias de Portugal (EDP) -l’EDF portugais-, comme BFM Business l’a révélé au mois d’avril. Mais il y a un mois, le premier actionnaire d’EDP, le chinois Trois Gorges (du nom du barrage) lui a coupé l’herbe sous le pied en lançant une offre de rachat de 9 milliards d’euros.

Une offensive à laquelle le gouvernement portugais ne s’est pas opposée. Mais entre-temps, le chinois Trois Gorges a compris que son OPA risquait d’être bloquée par les autorités américaines. En effet, la moitié des activités d’énergies renouvelables d’EDP sont implantées aux Etats-Unis. Il est acquis que le "Cifius" (comité pour l'investissement étranger aux États-Unis) refuse d’accorder son feu vert au groupe chinois. Tout comme certains pays européens où EDP est aussi présent. Une aubaine pour le français Engie qui s’est engouffré dans la brèche pour profiter de la situation.

Plusieurs scénarios sur la table

"On ne lancera pas d’offre hostile mais les chinois savent qu’ils ne pourront racheter EDP seul, décrypte un proche d’Engie. Chacun a intérêt à s’entendre avec l’autre". Selon plusieurs sources, Engie et Trois Gorges ont entamé il y a quelques semaines des discussions portant sur la filiale d’énergie renouvelables, EDP Renovaveis (EDPR). Engie s’y intéresse d’autant plus que la moitié de ces activités "vertes" sont aux Etats-Unis. Quoi qu’il en soit, le groupe chinois maintiendrait son offre de rachat sur le groupe EDP, présent au Portugal dans l’électricité et le gaz. Contacté, le groupe n’a pas souhaité commenter.

Les pourparlers devraient durer jusqu’à la fin de l’été. Mais déjà, plusieurs scénarios sont envisagés. Le premier consisterait à ce qu’Engie rachète la majorité du capital de cette filiale EDPR, qui vaut 8 milliards d’euros en Bourse. Les chinois, qui ne veulent pas "lâcher" cette filiale, conserverait une participation minoritaire.

Le deuxième verrait Engie racheter EDPR et le rapprocher de ses autres activités d’énergies renouvelables dans le monde. Engie serait prêt à accueillir dans cette nouvelle "plate-forme" Trois Gorges comme partenaire minoritaire pour le convaincre de s’allier avec lui.

Problème sur le Brésil

Dans le dernier scénario, Engie rachèterait simplement les activités américaines d’EDPR. Selon une source, le Français a aussi proposé de reprendre les actifs au Brésil, alors que le conseil d’administration a alerté à plusieurs reprises sur la surexposition du groupe à ce pays. Ce schéma présente l’inconvénient de "démanteler" la filiale d’énergie renouvelables d’EDP sans la développer alors que son patron, Antonio Mexia, souhaite en conserver l’intégrité.

Dans les deux cas, une entrée de Trois Gorges au capital d’Engie n’est pas envisagée. Le mois dernier, l’Etat français, actionnaire à 24% avait d’ailleurs manifesté son opposition. "On en peut pas imaginer que le capital d’Engie soit livré à des intérêts chinois", avait déclaré Martin Vial, le patron de l’Agence des participations de l’Etat (APE), sur BFM Business. De son côté, le gouvernement portugais a fixé à Trois Gorges et Engie les contraintes de conserver le siège et la cotation en Bourse d’EDP à Lisbonne.

C’est la première fois depuis 2011 que l’ancien GDF Suez se positionne sur une acquisition d’envergure. Sous la houlette de sa directrice générale, Isabelle Kocher, le groupe a cédé pour 16 milliards d’euros d’actifs. L’arrivée du nouveau président Jean-Pierre Clamadieu, qui a dirigé le chimiste Solvay, sonne la relance des acquisitions.

Matthieu Pechberty